De 1930 à aujourd’hui : l’histoire étonnante du centre spirituel La Pairelle
Le dimanche 25 septembre 2022, le centre spirituel, situé à Wépion en Belgique, a fêté son demi-siècle d’existence. Avant d’accueillir des retraitants, La Pairelle hébergea longuement les jésuites en formation. Le journal belge Dimanche retrace l’histoire étonnante de ce lieu inspirant.
Nous sommes dans les années 1930. Quelque part sur les hauteurs de Namur, un médecin ambitionne de construire un sanatorium. L’air est pur, les bois sont proches, les champs appellent à la guérison. Même le nom du lieu est plutôt inspirant : la colline s’appelle le Mont Jésus. Il y a juste un petit souci : l’homme ne trouve pas d’eau. Il a pourtant déjà foré à une profondeur de 80 mètres. Mais en vain. Découragé, il finit par se mettre en quête d’un repreneur. Il le trouve vite. Alors que ses deux noviciats belges sont pleins à craquer, la Compagnie de Jésus recherche de nouveaux espaces.
C’est ainsi qu’elle acquiert la butte du Mont Jésus. Dans la foulée, elle reçoit l’aide de deux sourciers – dont l’un est jésuite. « Encore 20 mètres et ce sera bon », conseillent-ils. Est-ce parce qu’ils savent trouver Dieu en toute chose ? Toujours est-il qu’à une profondeur de 100 mètres, les nouveaux maîtres des lieux découvrent une imposante nappe phréatique. L’histoire semble ainsi en avoir décidé : il sera toujours possible de venir se ressourcer à La Pairelle.
Des bombes, des Allemands et des vaches
Les ans, pourtant, n’épargneront pas les lieux. Dès 1939, ceux-ci sont utilisés pour héberger des soldats belges réquisitionnés. Puis viennent les bombardements. « Par chance, la maison ne subit aucun dommage », explique le P. Guy Delage, jésuite français qui s’est plongé dans l’histoire du lieu.
Dans les années qui suivent, alors que la faim gagne du terrain, on se démène pour cultiver le moindre lopin de terre – pas moins de 80 personnes vivent à La Pairelle à partir de 1942 ! « Mais le plus gros danger vient des bandes organisées qui pillent les campagnes pour revendre les denrées à prix d’or au marché noir », retrace Guy Delage sj. « Il faut monter des tours de garde pour les empêcher d’agir. »
A l’été 1944, alors que le lieu s’est transformé en accueil de jour pour les pauvres des environs, la colline est la victime collatérale des bombes américaines qui atterrissent sur Namur. Un beau jour d’août, une trentaine d’Allemands débarque dans la maison. Le stress monte : vont-ils tomber sur les céréales non déclarées ? Apparemment pas. « Et comme ils ne trouvèrent ni armes, ni munitions, ni matériel de transmission, ils s’en retournèrent comme ils étaient venus », raconte Guy Delage.
Dans les années qui suivent la fin de la guerre, la communauté jésuite compte une septantaine de membres. La vie s’y écoule au rythme paisible des études et de la communion fraternelle. Du travail de la terre, aussi ! A La Pairelle, on cultive et on élève. Mais à l’aube des années 1970, un dilemme se pose : faut-il garder des vaches ? Si celles-ci permettent d’enrichir la vie agricole, elles nuisent aussi à la quiétude du lieu. Le Provincial interviendra en personne. En faveur des vaches.
Des scouts, des religieuses et des laïcs
Petit à petit, comme ailleurs dans l’Eglise, l’âge moyen augmente tandis que le nombre de candidats diminue. Après discernement, les maîtres de la Province finissent par offrir une nouvelle vocation au lieu : dorénavant, en plus d’accueillir le noviciat de la Province, il va se transformer en « maison d’exercices spirituels ».
En 1971, le Centre spirituel La Pairelle est officiellement créé. Bientôt, une moyenne de 20 à 25 personnes s’y rend chaque jour pour rechercher Dieu à travers le silence et la Parole. Au fil des ans, les lieux s’enrichissent du dynamisme de nouveaux-venus. Celui des scouts, notamment. C’est à l’initiative du père Raymond Lenaerts qu’une troupe est créée sur la colline.
Bien plus tard, en 1999, une deuxième communauté arrive au centre : les sœurs de Saint-André, actives dans le village bourguignon de Taizé, débarquent dans le Namurois avec pour mission de contribuer au dynamisme du lieu. Un lieu que des laïcs investissent aussi de plus en plus – autant dans les instances décisionnelles que dans l’animation des sessions.
Un des centres spirituels majeurs de Belgique
Aujourd’hui, si La Pairelle n’est plus un noviciat, elle est l’un des centres spirituels phares de Belgique francophone. En 2019, 11 000 nuitées y ont été dénombrées, soit une moyenne de 30 personnes par jour. Des séminaristes, des prêtres et des religieux y apprécient les 17 hectares de calme et la qualité de l’accompagnement. Des laïcs attachés à la spiritualité ignatienne aussi. Mais des personnes plus éloignées de l’Église s’y rendent également, en quête de sens ou d’un nouveau souffle.
Chaque année, plus d’un quart des visiteurs y viennent pour la première fois. Et environ 40% des participants sont âgés de 25 à 40 ans. Il faut dire que l’offre n’a cessé de s’enrichir. Le programme en témoigne : il vous est aujourd’hui possible de venir à La Pairelle pour pratiquer (en 3, 5, 8 ou 30 jours) les Exercices spirituels de saint Ignace, vous former au discernement, faire un blocus (préparation aux examens pour les jeunes), vous préparer au mariage (ou mieux vivre votre séparation), creuser Laudato si’ au bord du potager ou… découvrir l’Inde hindoue !
Au passage, le Covid a porté un sale coup au dynamisme du centre – et à l’état de ses finances. « Deux ans sur cette lancée, et nous devrons vendre la propriété, qui deviendra à coup sûr un terrain privé pour villas de luxe », s’inquiétait-on même fin 2021. Depuis lors, la situation s’est quelque peu améliorée et les retraitants ont repris le chemin de la colline. Récemment, les responsables de la Province jésuite d’Europe occidentale francophone (qui comprend notamment la Belgique et la France) redisaient aussi tout le prix qu’ils attachaient à leur joyau de Wépion.
Article rédigé par Vincent Delcorps et issu du journal Dimanche (Cathobel)
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