L’euthanasie vingt ans après en Belgique : interview du P. Tommy Scholtes sj

Quel bilan tirer de vingt ans d’euthanasie légalisée en Belgique ? La loi de 2002 a-t-elle modifié le comportement des Belges à l’égard de la fin de vie ? Comment, sur le terrain, l’Eglise accompagne-t-elle des personnes qui ont demandé l’euthanasie ? Dans l’émission « Il était une foi », diffusée le 24 avril sur la RTBF, Léopold Vanbellingen, chargé de recherche à l’institut européen de bioéthique et le P. Tommy Scholtes, jésuite et porte-parole des évêques de Belgique, répondent à ces questions.

Extraits de l’interview du P. Tommy Scholtes sj

Sur la position de l’Église sur l’euthanasie :

Le plus important pour l’Église c’est d’être proche des personnes qui vont mourir, qu’elles demandent l’euthanasie ou qu’elles soient dans une autre situation médicale. La position de l’Église est de dire « nous sommes avec vous. Quelle que soit votre situation, nous prions avec vous ». Le respect de la vie et de la dignité est extrêmement important. Fondamentalement, nous ne pouvons pas nous sentir à l’aise avec cette décision qui revient à la personne qui demande l’assentiment des autres. Il y a là quelque chose de l’ordre d’une fracture, d’une décision personnelle, comme si la fin de vie, avec éventuellement une diminution grave de l’autonomie, n’était plus quelque chose de digne. A un moment, le patient se pose lui-même la question de sa dignité.

Fondamentalement, nous ne pouvons donc pas en tant que communauté chrétienne approuver l’euthanasie. Le « être là » doit être fort, habité, dans l’empathie et dans le dialogue avec le patient. Tant que l’on peut parler avec la personne, il faut continuer de le faire et la rassurer en lui disant qu’elle ne sera pas seule, qu’elle sera accompagnée. J’ai vécu ce changement de décision auprès de personnes avec une très grande satisfaction. Mais à chaque fois ce sont des cas très particuliers, évidemment.

Sur l’accompagnement, l’attitude adopter pour accompagner les personnes en fin de vie :

Il nous faut une grande empathie et beaucoup d’écoute. Essayer de sentir comment accompagner au mieux les malades. Leur rendre visite régulièrement pour installer une familiarité… Si la personne rentre dans un dialogue, elle peut parfois changer d’avis car elle est rassurée. Si elle maintient sa décision d’être euthanasiée, prier avec elle. En tout ca, ce que nous ne voulons pas faire et ce que nous ne devons pas faire, c’est de dire à quelqu’un, « vous serez condamné ». Ce serait la catastrophe ! Il y a une telle fragilité humaine, un tel sentiment d’abandon… Il faut dire « Je ne vous lâcherai pas ». Il faut laisser la responsabilité de la question de mourir ou pas à la personne. Que dire alors ? Nous nous disons au revoir et nous prions dans la chapelle… Puissance de l’accompagnement dans un certain retrait, un certain effacement pour confier le malade au Seigneur.

En tant que chrétien, le rapport à la souffrance a changé :

La question de la souffrance est souvent abordée lorsque je parle avec mes proches et mes paroissiens. Ce qui est difficile est de définir la dignité. C’est là que nous avons toute une culture à retravailler en acceptant que la faiblesse humaine fasse partie de notre vie. Une personne est belle parce qu’elle vit avec nous quelque chose de très difficile. Quelqu’un m’a dit il y a quelques jours « Vous voulez bien prier pour que le Seigneur vienne me reprendre ! », parce qu’elle est en soins intensifs continus depuis plusieurs semaines. Cette personne est toujours vivante trois semaines après, et elle reste souriante, sans parler, son mari a ses côtés. Son mari est avec elle, jusqu’au bout, dans ce mystère de la souffrance. C’est tellement difficile, mais c’est aussi tellement fort !

Nous avons fêté Pâques il y a quelques jours… Certaines personnes vivent-elles une forme de « résurrection » : 

Cela est arrivé, mais toute mort est surtout entourée de beaucoup de tristesse et de séparation. Avant Pâques, le moment du Jeudi saint nous invite tous à être au service de la personne, le Vendredi saint est le jour pour s’en remettre au Père – ce n’est pas uniquement le jour de la mort du Christ. S’en remettre au Père est un acte de foi difficile quand on est en fragilité – puis vient la Résurrection, pour entrer dans la Vie. L’euthanasie, c’est une rupture de l’espérance, alors que pour les chrétiens, l’espérance demeure, selon la profondeur de la vie humaine.

> Source : article de Cathobel du 25 avril 2022, « TV-Il était une foi : l’euthanasie, vingt ans après

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