P. Jean Magnan (22.01.2022)
Jean, qu’écrire de toi qui ne soit trop partiel, trop insuffisant ? Comment rendre vraiment compte de tes diversités, de ta complexité, de tes enthousiasmes, de tes colères, de tes révoltes, de ton obéissance souffrante, et de ton abandon final dans la paix faite avec Dieu d’abord, avec toi-même ensuite, avec certaines relations difficiles dans la Compagnie de Jésus ? Comment rendre compte aussi de ton attachement indéfectible à ta famille, à ton engagement auprès de tous à Satu Mare (Roumanie), à ton dynamisme communicatif auprès des jeunes élèves qui t’étaient confiés ?
Je ne saurai répondre à tout cela. D’autres l’ont fait à l’église et au cimetière ; je les citerai. Pour ma part, ce qui me restera, ce sont nos rencontres à la Chauderaie, souvent difficiles, toujours sincères, pour parler de la vie, de la souffrance, de la dépendance difficile, presque insupportable, et pour
reconnaître de manière de plus en plus pacifiée combien souvent la générosité se nuance de vanité, voire d’orgueil ; pour reconnaître comment un amour vrai et profond peut parfois être aussi possessif, et comment la fidélité du Seigneur permet de le reconnaître, de se réconcilier avec soi-même et les autres, portés par un amour plus grand que le nôtre… merci !
Un aperçu du parcours de Jean Magna : il est né le 7 septembre 1931, à Marseille, a vécu sa scolarité au Collège du Sacré-Cœur de la même ville, puis a fait deux années de médecine. Entré dans la Compagnie de Jésus en 1950 à Yzeure, il a poursuivi sa formation à Laval puis à Chantilly. Ces
premières étapes sont suivies du service militaire, puis de la régence au Collège de Provence, dans sa ville d’origine. Ordonné prêtre en 1963, pendant ses études de théologie à Fourvière, il revient à Marseille de 1964 à 1969 : il y est préfet des moyens et père spirituel des troisièmes. Il fait son
Troisième An en 1969-1970, avant de vivre cinq années intenses au Collège d’Avignon (1970-1975).
L’appel de la justice et de la liberté, des petits et des pauvres est violent ; Jean part au Chili, devient pendant trois ans prêtre ouvrier, vicaire à del Carmen. Obligé de quitter le pays en 1977, il est nommé à Montpellier : il y est formateur à l’Institut de Recherche des Sciences appliquées. Puis il revient à Marseille, comme père spirituel du lycée de Provence, jusqu’en 1993. De cette date à 2008 c’est Satu Mare, en Roumanie, où il s’engage pour les orphelins sans nombre :pour leur donner un toit, une famille, un milieu favorable. Ces quelques témoignages en disent long : « Par ton humour affectueux, ton souffle de liberté… tu as redonné la joie de vivre à ces enfants abandonnés par l’État… » « Tu leur as donné des fermes, des maisons familiales, tu as été un père, un grand-père… Ils se sont appuyés sur ta confiance et ton affection pour construire leur propre vie… » « Tu nous as aussi apporté une vision, celle des kibboutz à la roumaine ! … et nous y sommes… »
Puis c’est le retour en France, d’abord à Montpellier puis douze années à la Chauderaie ; sa maladie le laisse très vivant, spirituellement et intellectuellement, proche de ses frères et dynamique, jusqu’à ses derniers mois de combat d’abord, puis de paix.
P. Michel Roger sj,
Francheville-La Chauderaie
Article publié le 23 janvier 2022