Francis Gouin Comment parler de Francis en une page, alors que des témoignages nous arrivent de partout ? Sa vie a été tellement riche et variée ! Il savait se faire proche aussi bien des grands hommes (professeurs, écrivains, éditeurs…) que de personnes très simples (petits commerçants, artisans, gardiens, migrants…), et bien sûr de ses frères jésuites de toutes origines et tous âges.

Francis est né et a grandi au Maroc, à la campagne, et il a probablement acquis très vite un grand sens pratique des choses, dont on profitait dans ses talents de bricoleur, cuisinier, sportif et organisateur.

Mais très tôt aussi il se passionne pour l’écrit, il fait une licence de lettres classiques pendant son juvénat, puis part deux ans en coopération au Liban, et, après sa philosophie, il passera deux années à étudier l’arabe. En fait, il continue toute sa vie à travailler les langues, et jusqu’au bout il sera traducteur, que ce soit pour de grands auteurs ou de simples petites annonces, et ce avec grande discrétion et simplicité, comme si c’était un simple passe-temps. Il était imbattable quant à la précision de ses corrections. A près de 70 ans, il s’est mis à l’espagnol, pour aller chercher de jeunes jésuites en Amérique Latine ! A plus de 80 ans il était revenu à Constantine donner une session de grec ancien en arabe.

Mais même s’il aurait pu être spécialiste dans beaucoup de domaines, et il l’était de fait, ce qui caractérise fondamentalement l’itinéraire de Francis, c’est sa disponibilité, à la fois pour la mission et pour le service de ses frères dans la Compagnie. Pendant une quinzaine d’années, il travaille dans notre école d’agriculture à Témara au Maroc, puis lorsque l’école est nationalisée il accepte divers services et responsabilités dans des institutions diocésaines au Maroc.

A 66 ans, il accepte de quitter le Maroc pour Constantine en Algérie, dans la perspective d’y accueillir des jeunes jésuites, ce dont j’ai largement bénéficié à partir de 2005. Il est alors Supérieur régional pendant six ans, et vit cela avec un sérieux impressionnant, se donnant la peine d’aller à toutes les réunions de Provinciaux européens, d’où il revenait souvent fatigué.

Oui, il avait aussi ses moments de fatigue, voire de déprime, avec de rudes insomnies, mais il endurait cela avec le plus de discrétion possible, restant attentif malgré tout à communiquer un maximum de joie et de dynamisme. A 80 ans, après une sérieuse épreuve de santé, il se rend à nouveau disponible pour repartir au Maroc, refonder une communauté, à Nador, une région où il n’avait jamais vécu : l’enjeu est de ne pas laisser seul un compagnon espagnol qui y avait commencé un service auprès des migrants. Il y restera près de six ans, et sera en fait l’élément stable de cet embryon de communauté, permettant sa stabilisation.

Ces deux dernières années, il a vécu à Toulouse, pour raisons de santé : il a continué à rendre de nombreux services, à son rythme, mais son cœur était au Maghreb, d’où il aimait recevoir de nos nouvelles.

P. Damien de Préville sj,
(Constantine) et d’autres jésuites d’Algérie