Discernement footballistique, par Cédric Lecordier sj

Dans ce billet d’humeur, Cédric Lecordier, étudiant jésuite au Centre Sèvres et fan de football, discerne à propos du visionnage de la Coupe du monde de football.

football sport france À l’heure où paraîtra ce billet, je serai peut-être calé dans le fond d’un fauteuil, à attendre religieusement le direct d’une finale de Coupe du monde qatarie. J’assumerai avec honte et confusion les railleries des compagnons jésuites, pliés en quatre à l’idée même que je n’aie osé penser rien qu’une demi-seconde bouder un match de football.

« Non, mais tu trouveras bien une bonne raison de t’asseoir et regarder ! » Cette sage remarque me cueillait à la machine à café du Centre Sèvres, alors que je me récitais un chapelet de plaintes : le bilan carbone des stades climatisés, le bilan carbone du streaming en ligne, et plus grave : le bilan en vies humaines des sept travaux d’Hercule (7+1 stades).

« Du coup, tu en parles à ton Dieu, de ton dilemme ? ». Une seconde que j’y pense : ai-je bien envie d’en parler ? à mon Dieu ? Un jésuite qui se mettrait à discerner son rapport au foot, quoi de plus… ridicule !? Discerner est un bien grand mot qu’il faut réserver pour les grandes occasions ! Pour les plus petites choses : on réfléchit deux secondes, on évalue, on pèse et soupèse et gare aux scrupules qui, tels des félins rugissants, rôdent autour !

Ma négociation intérieure avait pris la tournure d’un stand-up de mauvais goût. Je me voyais, tel Augustin, supplier le Ciel : « Seigneur, donnez-moi la chasteté footballistique… Mais pas tout de suite ! ». Pas tout de suite… « Mais attends, rajoutait le sage du jour, la vraie question n’est pas d’énumérer les raisons de bouder la Coupe du monde, mais plutôt de s’interroger : pourquoi aimes-tu le foot à la base ? » Et mon regard pétillait de souvenirs : les premiers pas maladroits sur un terrain, les retransmissions du foot anglais, les commentaires du lundi matin, lorsqu’adolescents, on refaisait les matchs à décider si, oui ou non, « y’a ou y’a pas péno » ; j’avais pris ma place dans une conversation qui avait commencé bien avant moi, et qui se poursuivrait jusqu’à Marseille, dans une cour d’école de Saint-Mauront où j’étais surveillant jésuite, qui se poursuivrait à Sèvres, autour d’une pause de séminaire de patristique grecque…

Alors oui, ce dimanche, fidèle à mes rêves de gosses, le cerveau à demi-débranché, le cœur accroché, je communierai à cette étrange passion qu’est le football. En supporter pénitent, honteux, confus, en combat, je redirai ma prière : Seigneur, donnez-moi la chasteté footballistique… Mais pas tout de suite !

CÉDRIC LECORDIER sj Cédric Lecordier sj
étudiant jésuite au Centre Sèvres,
communauté Pedro Arrupe à Vanves

Cet article a paru dans la revue Échos jésuites (hiver 2022), la revue trimestrielle de la Province d’Europe Occidentale Francophone. L’abonnement, numérique et papier, est gratuit. Pour vous abonner, merci de consulter ce lien.

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