P. Charles-Henri O’Neill (24.07.2023)
Charles-Henri reste à Manrèse une quinzaine d’années, labourant deux champs missionnaires : l’accompagnement des Exercices spirituels et les aumôneries d’écoles d’ingénieurs. Las ! Un cancer se déclare à la gorge dès 1975, supprimé par une radiothérapie à jamais dévastatrice. L’épreuve de la maladie l’atteint au point le plus sensible, les cordes vocales. Mais il fait face, affirmant dans une interview (Être prêtre, c’est « être là », 2018) : « La suite a été une sorte de victoire sur le désenchantement, sur la tentation du désespoir, sur la faiblesse physique. » Suivent quelque trois décennies aux Fontaines à Chantilly, à Manrèse, puis à Paris-Sèvres où il est nommé père spirituel pour l’accompagnement des jésuites, notamment de ceux en formation. Arrivé à Paris-Grenelle en 2017, continuant ses ministères, il demande à rejoindre la communauté de Vanves et la Maison soins et repos. « Il vaut mieux arriver dans nos maisons médicalisées deux ans trop tôt qu’un an trop tard ! » dira-t-il à son départ en juin 2020. À Vanves, poursuivant ses accompagnements, quoique miné psychiquement et physiquement, Charles-Henri est fauché par une fausse route. Hospitalisé à Paris, veillé par des compagnons, puis par deux nièces, il s’éteint paisiblement au soir du 24 juillet 2023.
La continuité dans l’apostolat spirituel de Charles-Henri s’explique aisément par ses grandes qualités de cœur et de discernement qui aident tant de personnes à s’épanouir. À la simplicité et à la délicatesse dans les relations, il ajoute une capacité d’écoute précise, une bienveillance sans faille et une grande sensibilité, parlant avec son cœur, un cœur blessé. Sa présence, qui ne s’impose pas, est attention exigeante à l’autre. Accueillant et reconnaissant chacun dans ses richesses propres, il donne le visage d’une Église ouverte, permettant à beaucoup de grandir en liberté personnelle et en vérité dans leurs relations.
Charles-Henri sait ce que sont les affres et l’effroi du gouffre, comme il l’exprime dans l’homélie de sa messe de cinquantaine de vie religieuse, en 2010 : « Que dire de la misère en nous, celle qui nous fait peur, celle qui est souvent imaginaire, celle que l’on nous a si bien appris à accuser, celle à qui l’on a refusé le droit à la parole, ce monstrueux chaos d’inhumanité à jamais détestable, infréquentable et maudit. » Mais il connaît aussi Celui qui, descendu aux enfers, en brise les portes, proclamant dans l’interview déjà citée : « Le Christ est pour moi quelqu’un de personnel. En relation personnelle avec moi. En face à face intime. C’est une relation que j’entretiens comme on entretient les relations fondamentales de notre vie. Il est une présence qui promet le réconfort, la paix, l’espérance, au milieu des soucis de la vie. »
Charles-Henri aimait se reposer au calme d’une maison de famille à Sommeville, près d’Auxerre. Il connaissait l’œuvre poétique de Marie NOËL et peut-être le poème du « Miracle de la Rose de Noël ». Rose qui s’appelle Ellébore -Mélancolie- et serre dans sa racine un poison noir à l’amertume mortelle ; mais quand vient la Noël, par une grâce de Dieu, elle sort du gris de l’hiver et donne des fleurs de joie dont la blancheur merveilleuse éclaire le berceau de l’Enfant Jésus (Notes intimes, Stock 2008, p. 195). Poème qui laisse entrevoir quelque chose du mystère de Charles-Henri.
P. Jacques Gebel sj, communauté de Grenelle à Paris
Article publié le 27 octobre 2022