Pardon et justice de Dieu, dans l’ombre des abus en Église : nouveau numéro de la revue des Recherches de science religieuse

« Pardon et justice de Dieu, dans l’ombre des abus en Église » est le thème du nouveau numéro des Recherches de science religieuse (n°112, janvier-mars 2024), revue éditée par les Facultés Loyola Paris.

Dans son édito,  Patrick C. Goujon sj, rédacteur en chef, présente ce numéro en s’interrogeant sur la notion de pardon dans ce contexte douloureux : « Comment articuler justice et pardon après la révélation des agressions sexuelles et des emprises spirituelles en Église ? »

revue recherches de science religieuse « Nous avons été surpris par l’ambiguïté théologique de bien des déclarations et alertés par la peine à comprendre comment se noue l’exigence de justice à l’appel au pardon.

Thomas d’Aquin pensait déjà les risques d’un « pardon à bon marché ». Cherchant à échapper à la justice, il créerait une injustice incompatible avec la miséricorde d’un Dieu qui est « juste et miséricordieux en toutes ses œuvres ».

Le pardon est une notion et un geste des plus difficiles et ambigus. Il questionne notre condition humaine, inscrite dans le temps irréversible qui pourtant laisse aussi s’effacer jusqu’à l’impardonnable, pour le meilleur et le pire. Qu’en est-il quand on prend en compte les séquelles irréparables dont souffrent les victimes et le refus de soins des agresseurs ? Le pardon est certes à la portée de notre conscience compatissante et de notre détermination à agir. Des sanctions appropriées, des mesures de prévention nécessaires sont l’expression de notre sollicitude, forcément limitée, envers celles et ceux qui souffrent de ces violences. Mais notre attente de justice et de compassion ne nous porte-t-elle pas plus loin ? Le pardon ouvre radicalement à l’espérance en Dieu qui manifestera son jugement à la fin des temps, lequel ne peut nous dispenser de craindre sa colère, ni d’espérer son infinie miséricorde. »

En savoir + sur ce numéro

> Contributeurs : Nicholas Austin (moraliste), Dan Arbib (philosophe), Anne Danion-Grilliat (pédopsychiatre), Olivier Échappé (canoniste), Céline Rohmer (bibliste) et le P Michel Fédou sj (théologien). En supplément : l’analyse théologique du Synode par un de ses experts, par le P. Christoph Theobald sj

> Sommaire : revue-rsr.com et cairn.info

Intervention de Patrick C. Goujon sj sur RCF

« Dis moi quelle est ta justice, je te dirai quel est ton Dieu » : sur RCF, le 17/01/24, Patrick C. Goujon sj a rappelé la nécessité de maintenir unies la miséricorde et la justice : « Pardon et justice de Dieu à l’ombre des abus en Église ». > Écouter l’émission

Patrick Goujon « Il y a une certaine carence de l’idée de la pratique de la justice dans l’Église car nous avons oublié que Dieu est à la fois « juste » et miséricordieux.

Nous avons beaucoup insisté sur la miséricorde de Dieu en oubliant sa justice non seulement pour les abus et agressions et de la justice judiciaire, mais aussi au niveau de la justice sociale et des rapports humains.

Dieu est fondamentalement miséricorde mais la Bible ne cesse constamment d’appelle le Dieu « juste ». Ce qu’attend le peuple d’Israël dans l’Ancien Testament, c’est la justice divine !

Nous aurions sous-estimé l’idée de justice de Dieu : en effet, nous avons eu peur qu’en parlant de justice de Dieu, nous en reviendrions à l’idée d’un Dieu juge, parce que l’Église a trop joué avec l’image d’un Dieu justicier, pour faire peur, que l’on brandit au fil des siècles comme un menace, une punition.

Nous avons perdu l’idée d’un Dieu juste. Or, s’il y a bien une aspiration profonde dans l’humanité, c’est bien celle de vivre dans la justice : nous le savons lorsque nous souffrons des injustices. Il faut donc maintenir unie plus que jamais la justice et la miséricorde.

Dans ce numéro, nous consacrons notre réflexion à la justice de Dieu. Ce numéro est plus accessible que les autres car il y a besoin de faire connaître cette tradition théologique de la justice et du pardon de Dieu à partir de saint Thomas d’Aquin, qui se posait les mêmes questions que nous à son époque : certains chrétiens prétendaient que la miséricorde de Dieu suffisait et qu’il suffisait d’en appeler au pardon. Dans sa Somme pour les gentils, saint Thomas d’Aquin s’exclame : « la miséricorde sans la justice est une « bêtise ! » ». On ne peut pas opposer le pardon chrétien en l’opposant à la justice car la miséricorde de Dieu est juste !« 

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Article publié le 18 janvier 2024

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