Les retraites-cinéma avec les jésuites en Provence : une proposition originale bien ignatienne
Du 21 au 26 avril au monastère de la visitation de Tarascon, les jésuites en Provence propose de vivre une retraite Cinéma et Spiritualité. A la croisée des regards bibliques et cinématographiques, cette retraite offre l’opportunité de se laisser rejoindre par les films et les textes proposés afin de mieux chercher et trouver Dieu.
Le P. Vincent Klein sj nous retrace les enjeux de cette proposition qu’il anime depuis 4 ans avec Magali Van Reeth, journaliste et critique de cinéma pour l’association SIGNIS.
Il y a quatre ans, j’ai pris la succession du P. Thierry Lamboley pour animer, avec Magali Van Reeth, une retraite-cinéma dans le cadre des activités proposées par Jésuites en Provence. Magali anime la partie cinématographique et moi, la partie spirituelle. A la différence des ciné-débats ou des retraites-cinéma à thème, la proposition que nous faisons se veut avant tout contemplative : un film est vu d’abord pour lui-même comme une œuvre d’art et nous n’en regardons qu’un par jour. Pour “mettre en mouvement“ les retraitants, nous choisissons volontairement des films récents de genres différents : policier, comédie, drame, science-fiction, documentaire, etc. Nous veillons aussi à un équilibre entre films français ou européens et films d’autres régions du monde.
Quel programme pour cette retraite ?
La journée commence par les laudes ou l’Eucharistie pour ceux qui le souhaitent. Vient ensuite le visionnage du film qu’on analyse en deuxième partie de matinée. Quels en sont les personnages ? A quelle époque se déroule l’action ? Sur quelle durée ? Où ? Qu’en est-il de la musique ? Quelle est l’ordre des scènes ? A ce stade-ci, on évite d’interpréter, on apprend à regarder, on objective. Les échanges sont très enrichissants et permettent de découvrir plein de choses qu’individuellement, nous n’aurions pas remarqué.
Le déjeuner se prend en silence, afin de laisser descendre en soi les émotions évoquées par les scènes du film et les éclaircissements reçus. Le premier moment de l’après-midi est consacré à un partage plus personnel, toujours animé par Magali, sur ce qui nous a touchés dans le film. Ici prévaut l’écoute de chacun à tour de rôle, avant qu’une parole, une interpellation bienveillante ne soit adressée à autrui, à l’image du second tour de partage en équipe CVX. C’est un temps d’approfondissement ; les échanges sont souvent riches et profonds.
A la lumière du film et des échanges, en deuxième partie d’après-midi, je propose pour la prière individuelle plusieurs textes bibliques qui reprennent une dynamique, une tension du film. Chacun choisit le texte qui lui parle davantage et part méditer une heure en silence avant de partager sobrement le fruit de sa prière. Le canevas rigoureux proposé pour l’oraison est directement emprunté aux Exercices Spirituels de Saint Ignace. Il aide à la structurer : prière préparatoire, préambules, corps de la méditation, colloque. Comme pour une retraite individuellement accompagnée, nous nous laissons guider par les “motions intérieures“ que vivent les retraitants. C’est pourquoi les textes bibliques ne sont pas sélectionnés en avance, mais je les choisis en fonction des échanges qui précèdent. Comme pour toute retraite, cette méthode exige de l’accompagnateur qu’il se mettre à l’écoute de l’Esprit.
En soirée, nous reprenons l’un ou l’autre passage du film qui a cristallisé les échanges. Ce nouveau regard permet souvent d’éclairer les zones d’ombre qui resteraient encore, comme lors d’une reprise de méditation dans les Exercices. Il nous faut cependant veiller ici à ne pas relancer débats ou longues discussions. A l’instar de “l’application des sens“ ignatienne, le but de cette reprise est que le retraitant puisse sentir ce qui en lui a évolué pendant la journée et, pour reprendre la formule d’Ignace, d’en “goûter intérieurement“ les fruits qui seront recueillis en fin de soirée dans le moment de prière qui clôture la journée.
Le choix des films
Si nous ne suivons pas de fil rouge défini dans le choix des films, nous visons néanmoins une certaine progression. Après un court-métrage le premier soir, nous regardons le lendemain un film facilement accessible, afin que chacun puisse entrer dans la démarche. Le deuxième jour, un film plus riche, plus complexe aussi, permet d’élargir les horizons. La souffrance et la mort traversent souvent le troisième long-métrage, alors que le quatrième évoque son dépassement dans une forme de “résurrection“. Les habitués pourront y retrouver la dynamique des retraites ignatiennes.
Comme dans les Exercices, l’imagination est convoquée et c’est bien-sûr tout l’intérêt d’une retraite-cinéma. Elle joue un rôle moteur dans la journée, notamment durant le temps de méditation biblique où la Parole de Dieu prend chair dans la vie des retraitants à partir de ce que le film et les échanges auront éveillé et déplacé en eux.
La retraite-cinéma que nous proposons annuellement dure quatre jours pleins et cinq nuits. Elle est intense émotionnellement et spirituellement, bien qu’il n’y ait qu’une heure de prière personnelle par jour. Pour ma part, je ne cesse de m’émerveiller devant les fruits spirituels dont je suis le témoin et de cet étonnement nait la reconnaissance.
Vincent Klein sj
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Article publié le 11 février 2024