Claire Brandeleer est chargée d’analyse et d’animation au Centre Avec, un centre de recherche et d’action sociales, à Bruxelles. Elle retrace ici son parcours et relit ses engagements professionnels et spirituels en faveur de la justice et de la solidarité.

claire brandeleer centre avec bruxelles J’ai 16 ans quand je découvre la communauté de Taizé en 1995. C’est un choc, un chamboulement intérieur. Je goûte à la beauté de la prière commune, je suis touchée par la simplicité, je sens vibrer quelque chose en moi quand j’entends les mots « lutte et contemplation ». Au fil de mes passages plus ou moins longs sur la colline du village bourguignon, et lors de semaines de silence accompagnées par des religieuses de Saint-André, je découvre la prière personnelle, mais aussi l’accompagnement spirituel. Les mots « lutte et contemplation » continuent à résonner en moi. Ce qui était au départ quelque chose d’intuitif devient petit à petit un fil rouge dans ma vie.

« Il y a le patient travail d’œuvrer au Royaume de Dieu, là où je suis ancrée »

Je suis alors habitée par un sentiment de toute puissance. À 19 ans, je désire « sauver le monde » – excusez du peu. Lors d’une année de césure au cours de mes études (enseignement), je me mets au service d’une association d’accueil d’enfants de femmes qui travaillent dans la prostitution. Mais, chez moi à Bruxelles, je ne suis hélas pas accompagnée spirituellement. Je n’ai pas beaucoup de compétences à offrir. Je décide de terminer mes études et je deviens enseignante. En complément de mes études initiales, je passe trois ans à l’institut Lumen Vitae alors à Bruxelles. Les cours m’invitent à réfléchir à ma foi, à questionner le lien entre lutte et contemplation, à lui donner de l’épaisseur.

En 2005 et 2006, deux séjours au Brésil me font vivre un autre grand choc. En visite chez des amis belges (rencontrés à Taizé) qui travaillent dans les favelas de Rio, je suis bouleversée par les inégalités de conditions de vie des êtres humains. Impressionnée aussi de voir des femmes et des hommes debout, luttant collectivement pour mener une vie digne. Les paroles de Fr. Roger prennent une autre consistance : je me sens appelée à « rendre le monde habitable pour toute la famille humaine ». Il y a déjà un peu de Laudato si’ là-dedans. Mais en moi domine surtout un sentiment d’impuissance. Ces expériences suscitent en moi un grand désir de comprendre le monde. Je décide de reprendre, en horaire décalé, des études en politiques économiques et sociales.

À la fin de ce master, en 2010, je suis engagée au Centre Avec. Ce qui me tient à cœur dans mon travail ? Faire le lien entre la spiritualité et les questions qui touchent à la vie du monde, et proposer des lieux et des temps où les personnes peuvent dialoguer à propos du sens de la vie et du sens que nous voulons donner à la vie en société. Je vois que le dialogue aide les personnes à (re)donner sens à l’engagement pour la justice et la solidarité. Et moi, je découvre qu’entre la posture de toute puissance et celle de l’impuissance, il y a le patient travail d’œuvrer au Royaume de Dieu, là où je suis ancrée.

Claire Brandeleer,
Chargée d’analyse et d’animation au Centre avec à Bruxelles

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Cet article a paru dans la revue Échos jésuites (printemps 2024), la revue trimestrielle de la Province d’Europe Occidentale Francophone. L’abonnement numérique et papier est gratuit. Pour vous abonner, cliquez sur ce lien.

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