Jacques Fédry C’est avec stupéfaction et dans la tristesse que l’annonce du décès de Jacques Fédry a été reçue dans la Province jésuite d’Afrique occidentale (AOC) ce matin du samedi 18 novembre 2023. Nous ne savions pas que la courte maladie l’emporterait si vite et si brusquement à notre affection. « Ya Jacques », comme il était affectueusement appelé à Brazzaville, était un passionné de la langue qui a rencontré Dieu dans la parole.

Il n’a pas encore 18 ans accomplis quand il entre dans la Compagnie de Jésus. Lors de ses 50 ans de vie religieuse, Jacques raconte que, ce 31 octobre 1956, tôt le matin, après avoir embrassé sa mère, il est parti à pied, accompagné de son père, à la gare de Villefranche (ville à 30 km au nord de Lyon) pour gagner le noviciat d’Aix-en-Provence. Ainsi s’est-il résolument décidé, disait-il, à suivre le Christ, sans trop savoir ce qui se passerait. Ce fut le début de l’aventure d’un riche parcours de formation jésuite de 21 ans (1956 à 1977) et d’un merveilleux itinéraire apostolique africain de 50 ans (1973-2023). La vie apostolique de Jacques Fédry s’est déroulée au Tchad (1973-1996), au Cameroun (1996-2008, puis 2012-2019), au Burkina Faso (2008-2012) et au Congo-Brazzaville (2019-2023).

Au fil de toutes ces années et à travers plusieurs pays et villes d’Afrique, Jacques a vécu la mission sous des formes diverses et variées. Il a été chercheur en linguistique africaine, vicaire en paroisse rurale, enseignant au secondaire et à l’université, doyen de faculté universitaire, recteur de grand séminaire, directeur de centre spirituel, supérieur de communauté, responsable de presses universitaires, accompagnateur de groupes de la Communauté de Vie Chrétienne (CVX), Père spirituel des scolastiques en études, accompagnateur de religieux, religieuses, etc. Mais au-delà de tous ces offices, la vie apostolique de Jacques a été fondamentalement marquée par les Exercices spirituels de saint Ignace. Au fil du temps et de par ses diverses expériences à travers l’Afrique et ailleurs, Jacques a affiné sa maîtrise de la spiritualité ignatienne et la manière de la transmettre, tant il était rompu à l’art de vivre et de donner les Exercices spirituels. C’est peut-être dans cet exercice que la langue s’est peu à peu imposée à lui comme chemin vers la Parole (Dieu).

Passionné des langues, Jacques a appris d’une femme peule du Sahel que « l’homme, c’est la parole ». En consacrant sa vie-mission aux hommes et aux femmes en Afrique, ce jésuite souriant en quête de Dieu a joyeusement servi la Parole. Il a cherché Dieu dans les langues africaines. Pensons à son livre Anthropologie de la Parole en Afrique (Karthala, 2010). Passionné de la langue, puits insondable de la Sagesse, Jacques est devenu un homme de discernement à qui s’est progressivement confirmé que la liberté est la condition sans laquelle l’être humain ne saurait se décider pour Dieu. Qu’on se souvienne de son livre Libre pour se décider (Éditions Vie chrétienne, 2013). Sa vie nous laisse le témoignage d’un jésuite qui ne s’est pas laissé balloter par les paroles. Cherchant Dieu en toute chose, il a plutôt essayé au quotidien de trouver, à travers des paroles, une voie vers la Parole. À l’instar de Jacques, soyons des hommes et des femmes de discernement, des chercheurs de Dieu à travers les paroles. Ainsi nous pourrons affirmer à la suite de Jean : « Le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire » (Jn 1,14).

P. Guy SAVI sj,
socius de la Province de l’Afrique occidentale, depuis le Cameroun