Pierre Vallin Né à Villeurbanne, dans la banlieue de Lyon, Pierre y a fait son secondaire à l’école technique de La Salle. Jésuite, il enseigna l’histoire de l’Église, l’ecclésiologie et les sacrements, il étudia aussi des pensées (dont celle de Cornélius Castoriadis) qui cherchaient à comprendre l’évolution des sociétés, particulièrement du travail, en faisant appel à une pluralité d’approches ; il n’était pas loin en cela du P. Jacques Sommet sj. Il avait aussi dans ses malles une thèse quasiment achevée sur le P. Henri Ramière sj, illustre spirituel (1821-1884) de la Province de Toulouse qui fut très actif pour le développement de l’Apostolat de la prière.

Enseignant, il l’était – l’un de ses élèves de Fourvière témoigne de son remarquable cours sur le Syllabus (Pie IX) – mais davantage chercheur. Pierre marchait beaucoup, c’était un observateur marcheur. Il observait un terrain en le parcourant. Il prenait le temps qu’il fallait et sans doute s’éloignait de l’objet quand il sentait qu’il en avait tiré le fruit. Il est ainsi passé de l’histoire de l’Église à l’enseignement proprement théologique, du terrain humain à la réflexion thématique. En même temps, il creusait l’observation des évolutions sociales, les yeux grands ouverts. Sa pensée s’en nourrissait, sans doute comme d’une base ou d’un cadre pour le reste.

Cela le rendait proche des jésuites en formation théologique et souvent déjà au travail, qu’il a accompagnés sur leur chemin. Il a cru en eux. Il libérait par son ouverture au-delà des sentiers battus, par sa juste sobriété, par sa simplicité aussi, quand, quasi membre d’un groupe de jésuites terminant leur théologie dans l’ermitage béni de Parménie (38), il partageait avec eux le témoignage de sa foi telle qu’elle venait à lui, comme à chacun, dans la parole. Toutes les dimensions de sa personnalité y trouvaient leur compte. Il y a été heureux, fraternel, mais le grand frère rectifiait ce qu’il fallait, souvent par sa seule présence. C’était la période des grands changements dans la formation, celle du « cycle B » d’heureuse mémoire. Avec calme, il accompagna ceux à qui elle donnait un cadre nouveau et possible. Il supporta discrètement le passage de la théologie de Lyon-Fourvière à Paris-Sèvres.

On l’a identifié à Lyon ; il l’aimait au-delà du centre. C’était la métropole de sa famille à laquelle il était attaché par des liens profonds. Mais sait-on qu’à Paris il entreprit de suivre à pied, étape par étape, les longs axes (anciens chemins) qui traversaient la ville (la rue de Vaugirard, par exemple), autre manière d’être parmi les humains en marche, ouvrant les yeux sur l’histoire et l’actualité. Certains se souviennent : « dans nos rencontres, il ne manquait pas d’être lui-même, avec humour, prenant parfois de court l’image de lyonnais qu’on était tenté de lui coller (par exemple, dans la visite du cimetière de Larche (05) qui lui faisait esquisser une histoire des lieux à partir des noms de familles gravés sur les tombes)« . Si, sans doute, il aimait Lyon, c’était parce qu’il lui avait été donné de connaître cette ville davantage, qu’il y avait ses racines et qu’il commençait toujours par les racines pour penser plus loin.

Je me souviens aussi qu’il fit part de sa lecture des Évangiles en suivant les déplacements de Jésus, autre manière de relier ce que font les pieds, ce que voient les yeux, et le sens du chemin. Comment n’aurait-il pas aimé prier le chapelet ?

P. Jean-Noël Audras sj,
communauté à Clamart