Joël Rouméas Joël est né en Bretagne, il y a 90 ans. Il revendiquera toujours fièrement ses racines bretonnes. Sans doute est-ce de son père officier de marine qu’il hérite d’une passion à découvrir des mondes nouveaux, et à s’avancer sans crainte en « haute mer », fût-elle de sable.

C’est à l’âge de 20 ans, le 27 octobre 1954, que Joël prend le large avec saint Ignace de Loyola. Il entre au noviciat de la Compagnie de Jésus à Laval et suit la formation jésuite en France. Seule interruption : le service militaire comme volontaire au Liban. C’est son premier contact avec la langue arabe. Il est ordonné prêtre à Lyon le 30 juillet 1966. Il a 32 ans.

L’aventure africaine commence au début des années 1970. C’est d’ailleurs à Yaoundé qu’il termine sa formation jésuite. Après un retour en France pour ses derniers vœux, le 15 août 1973 à Chantilly, Joël part définitivement pour le continent africain. Il devient membre de la Province d’Afrique Occidentale. Il passera 40 ans en Afrique, principalement au Tchad, mais aussi au Burkina Faso et au Sénégal, « souvent seul mais, selon ses propres termes, positivement et profondément lié aux différentes communautés jésuites » dont il dépendait. En effet, on le trouve sur des routes presque impraticables pour rejoindre, de l’extrême sud du Tchad à l‘extrême nord, des communautés chrétiennes dispersées et durement éprouvées. Sa sensibilité et sa délicatesse de cœur se manifestent particulièrement dans l’accueil offert à des milliers de réfugiés du Darfour et à tant de personnes qui affluent chez lui,
volontaires des ONG, journalistes, représentants de gouvernement.

À la suite d’un accident de voiture, il est déchargé de l’immense paroisse d’Abéché (1500 km de long) où il était resté plus de 10 ans. Il est envoyé à Mongo. Il travaille auprès de garçons et filles venant de la brousse pour étudier au lycée, et accompagne des étudiants d’une école normale et d’un institut scientifique. Joël écrit en avril 2012 : « Ce qui est frappant, dès le premier abord, c’est l’extrême dénuement, la misère profonde de toute cette population. Le Tchad est l’un des pays les plus pauvres du monde. Lycéens et étudiants ne possèdent que quelques cahiers et Bics par trimestre. Ils ne gâchent aucun cm² de leur papier. »

Revenu en France pour des raisons de santé en 2013, il rejoint la communauté du patron des missions, saint François-Xavier, rue de Grenelle à Paris. Il y passe quatre années heureuses. Ensuite, Joël est admis à la Maison Soins et Repos de la communauté jésuite de Vanves où il demeurera sept ans. Sourire vif, chemise toujours à manches courtes, Joël continue d’incarner une belle présence missionnaire chaleureuse, tant auprès de ses compagnons jésuites qu’auprès des autres résidents et du personnel de l’Ehpad. Il se sent en famille, s’intéresse à chacun et témoigne en actes de sa foi, aussi discrètement que réellement.

Lorsque la maladie est sur le point de l’emporter, Joël est admis à la maison Jeanne Garnier en soins palliatifs. Dimanche 17 mars après-midi, entouré de trois Compagnons de Jésus, les yeux grands ouverts, et les oreilles bercées par un chant religieux sur un air breton, Joël largue les amarres pour rejoindre le port du bon Dieu. C’était à la fin du dernier couplet :

Qu’à l’heure de ma mort, Ta voix me dise encor :
« Ami, dès aujourd’hui, Viens dans mon Paradis. »

P. François-Xavier Dumortier sj, communauté Pedro Arrupe à Vanves
P. Thierry Lamboley, communauté Saint-François Xavier à Paris (Grenelle)