Attentive au projet européen depuis ses origines, soucieuse d’offrir une vision et de transmettre des valeurs pour l’Europe, la Compagnie de Jésus est présente à Bruxelles à travers le Centre social jésuite européen (ou JESC). Au lendemain des élections européennes, le P. Benoît Willemaers sj détaille ses axes prioritaires de travail du JESC pour les années à venir.

Les jésuites ont une longue histoire d’accompagnement du projet européen. Entre 1963 et 2012, la Compagnie de Jésus a porté la charge du bureau bruxellois de l’OCIPE (Office catholique d’information et d’initiative pour l’Europe), un centre de recherche sur le développement des institutions européennes. Le Centre social jésuite européen (ou Jesuit european social center, JESC) en est le successeur. Le centre est composé d’une équipe de dix personnes, deux jésuites et huit laïcs, au service de trois axes : la transformation écologique, la formation de jeunes professionnels européens et le suivi de l’évolution du projet européen. Le JESC est aussi au service de la coordination des réseaux jésuites européens pour la justice sociale et l’écologie.

Centre social jésuite européen JESC 2

L’équipe du Jesc (de g. à d.) : Béla Kuslits, Filipe Martins sj, Benoît Willemaers sj, Feblezi Huebi, Enikő Fehéreková, Colm Fahy et Botond Feledy

La transformation écologique

En matière d’écologie, l’action du JESC se décline aujourd’hui en trois grands projets, qui reflètent autant d’enjeux de la transition. Le premier de ces projets[1] aide les institutions religieuses à mener un audit de leurs émissions de CO2 ; cela en vue de guider leurs choix pour réduire leur empreinte écologique. La Province jésuite EOF a été pionnière de ce côté, en invitant très tôt ses communautés à mener de tels audits à l’aide des outils développés au sein du JESC. Cette initiative s’étend aujourd’hui à de nouvelles Provinces jésuites ainsi qu’à des œuvres liées à la Compagnie de Jésus, telles des écoles.

Le second projet est l’initiative « Générations Futures ».[2] Il s’agit d’une campagne ambitieuse, au sein d’une coalition d’ONG coordonnée par le JESC et The Good Lobby, qui vise à obtenir la création d’une charte des droits des générations futures, la création d’une agence européenne garantissant ces droits dans le processus législatif européen et l’établissement d’un commissaire européen en charge de cette préoccupation. L’idée-clé de cette initiative, qui peut paraître étonnante, est de pousser le processus politique européen à sortir du court-termisme et à imaginer des solutions qui garantissent un avenir stable, viable et démocratique à ceux qui nous suivront.

Le troisième projet vise à établir un réseau européen appelé « Our Daily Bread », rassemblant des acteurs chrétiens actifs dans le domaine de l’agriculture et de la chaîne alimentaire, dans une perspective inspirée de Laudato si’ et de l’agroécologie. Le but est d’aider ces acteurs de terrains à trouver une voix au niveau de l’Union européenne, alors que cette dernière cherche avec peine une voie pour le futur de son agriculture. À la suite d’un travail de recherche, le JESC a identifié et contacté plus de 150 organisations chrétiennes actives dans ce secteur.

La formation de jeunes professionnels européens

Centre social jésuite européen JESC

Session annuelle Passion for Europe.

Un second axe d’action du JESC est le Programme de leadership européen (ELP).[3] Ce programme, déjà à sa onzième édition, accueille environ 20 jeunes européens pour un semestre. Pour la plupart stagiaires à Bruxelles, ils y reçoivent une aide à travers un accompagnement professionnel et spirituel, une vie communautaire, un cycle de conférences avec des acteurs inspirants de la vie européenne ainsi que diverses sessions de formations. L’ambition du programme est de les aider à faire grandir en eux, à l’aide de la tradition ignatienne, une pratique du discernement où la recherche du bien commun tient une place essentielle.

Le suivi de l’évolution du projet européen

Le JESC ne délaisse pas pour autant ses racines. Son dernier axe d’action vise à entretenir le débat autour d’une vision chrétienne de l’Europe et de ses politiques. Chaque année, fin septembre, un week-end de réflexion, coorganisé avec le groupe Passion for Europe,[4] rassemble une cinquantaine de personnes autour de chercheurs, politiciens et fonctionnaires pour explorer les enjeux d’actualité dans une  perspective chrétienne. Tous les deux ans, le JESC contribue à la session Foi et politique,[5] qui se tient à Venise et rassemble une trentaine de jeunes actifs dans la vie sociale et politique en Europe. À l’heure où le dialogue entre Union européenne et Église n’a plus rien d’une évidence, de telles initiatives sont plus cruciales que jamais.

Benoit Willemaers JESC P. Benoît Willemaers sj,
membre de l’équipe du Centre social jésuite européen (JESC)

Notes 

[1] https://carboninitiative.eu/

[2] https://fitforfuturegenerations.eu/

[3] https://jesc-elp.eu/

[4] https://www.passionforeurope.com/

[5] https://faithandpolitics.eu/

Laudato si’ et Fratelli tutti en feuille de route

Le sort a voulu que je rejoigne Bruxelles et le JESC lors d’une année où se tiennent des élections européennes. Il y a un contraste étonnant entre l’activité tenace de tant de membres de la société civile, de chercheurs, de fonctionnaires et même, oui, de politiciens, pour trouver des solutions viables et humaines face aux crises qui secouent l’Europe, et l’aspect foncièrement négatif, voire destructeur, d’une campagne électorale placée sous la crainte de la montée de l’extrême droite. Face aux enjeux qui nous attendent (paix en Europe, migrations, transition écologique, etc.), les solutions de repli sur soi ou de confiance aveugle en la technologie ne nous mèneront nulle part. L’enjeu de tout le travail du JESC est de faire entendre un autre son de cloche, celui de Laudato si’ et de Fratelli tutti : un autre mode de fonctionnement est possible, pour autant que nous ayons la force et le désir de voir en l’autre un frère, et non pas un étranger.