Comment sanctionner le comportement complexe des élèves pour les aider à grandir ? Un séminaire inédit de la Cocéjé pour les écoles jésuites de Belgique
Les 15 et 16 octobre derniers, la Cocéjé (Coordination des Collèges et Ecoles Jésuites en Belgique) consacrait un séminaire à la question de la sanction au sein des établissements. Les deux jours ont rassemblé une vingtaine de Conseillers Pédagogiques d’Education et de Directeurs d’écoles primaires et de collèges jésuites belges.
« Quel sens la notion de sanction peut-elle avoir de nos jours ? » ; « Comment sanctionner pour aider l’élève à grandir ? » ; « Une sanction est-elle utile si elle n’est pas éducative ? »… voilà autant de questions abordées durant ces deux jours de formation en présence de deux spécialistes. Eirick Prairat est philosophe de l’éducation et l’auteur d’un livre sur la sanction éducative (collection Que sais-je ?). Il a donné des aspects théoriques, utiles pour comprendre la signification de la sanction et son histoire à travers les époques. Philippe Landenne sj, côtoie l’univers carcéral depuis plus de 40 ans . Jésuite, ex-aumônier de prison, son parcours et son engagement uniques l’ont amené à développer la notion de justice réparatrice qu’il a partagée durant ce séminaire. « Il nous a semblé intéressant d’entendre le témoignage de Philippe Landenne car il a directement travaillé aux côtés de ceux qui ont été sanctionnés et mis en prison » explique Vincent Sohet, membre de la Cocejé.
Quel est le lien entre le monde de la justice et la pédagogie jésuite ?
Peut-on vraiment voir un rapport entre des délits, relevant parfois du système pénal, et des sanctions d’écoliers ? Comme toutes les écoles, les établissements jésuites rencontrent des situations difficiles face auxquelles la communauté éducative doit se positionner. « Il y a un peu plus d’un an, un élève de primaire a mis le feu à son école. Il n’avait pas l’intention de blesser mais les faits sont graves. Dans un collège, des adolescents ont échangé des photos volées d’un camarade dénudé. C’est arrivé aussi à une jeune fille dont la photo a été récupérée sur son téléphone personnel » explique Vincent Sohet, ajoutant « qu’il est parfois difficile de distinguer la victime du coupable quand un élève moqué, harcelé, fini par commettre un acte répréhensible ». La justice réparatrice, aussi appelée « justice restaurative » en France, est un dispositif qui permet de faire dialoguer, en présence d’un médiateur neutre et formé, une victime et un auteur d’une infraction. Elle vise la reconstruction de la victime et la responsabilisation du délinquant. Au sein de l’école, ce modèle de justice permet d’aider l’enfant qui a commis une faute à grandir et l’institution elle-même à sortir de la posture du juge. « Le jeune est, par définition, irresponsable devant la loi. C’est précisément pour cela qu’il est qualifié de « mineur ». Le sanctionner doit lui permettre de prendre conscience de sa responsabilité » indique Vincent Sohet. Mais la démarche s’applique aussi aux élèves majeurs.
La bienveillance en actes
En 2024-2025, le thème d’année porté par toutes les écoles jésuites de Belgique est l’a priori favorable. Ce présupposé de bienveillance, comme toute la pédagogie ignatienne, s’enracine dans l’expérience spirituelle de saint Ignace et dans les Exercices spirituels. On parle de « cura personalis » pour désigner cette attention et cette confiance première en l’autre. « En tant qu’éducateur, nous faisons le pari de l’éducabilité, ce postulat qu’il y a chez l’autre quelque chose de positif sur lequel il est possible de s’appuyer pour le faire grandir » souligne Vincent Sohet. L’approche de la justice réparatrice invite à voir naitre dans les écoles jésuites des dispositifs spécifiques et réfléchis en profondeur, et à mettre en question ceux qui existent. Durant ces deux journées de travail, le discours de Philippe Landenne sj a été clair : il faut une vraie formation pour jouer le rôle du médiateur. Cela ne s’improvise pas. C’est la raison pour laquelle deux autres journées sont prévues avec lui pour guider au mieux les responsables dans nos écoles.
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