A l’annonce du décès du pape, je n’ai éprouvé aucune tristesse mais plutôt de la joie et de la reconnaissance – Les mots du P. Vincent Klein sj

A l’annonce du décès du pape François, le lundi de Pâques, je n’ai éprouvé aucune tristesse, mais plutôt de la joie et de la reconnaissance. Je ne fais pourtant pas partie de ceux qui attendaient sa mort en espérant que l’Église tourne rapidement la page d’un pontificat trop bousculant, voire iconoclaste.

Non. Si je n’arrive pas à partager la douleur de ceux qui se sentent, sans doute de manière tout à fait légitime, tristes, voire orphelins, c’est pour des raisons bien précises. D’un côté, je suis heureux, voire soulagé, que le pape François aussi affaibli, ne soit pas demeuré dans ses fonctions trop longtemps et qu’il n’a pas vécu une trop longue agonie. Autant je trouvais qu’il n’était pas du tout opportun qu’il démissionne tant que son pronostic vital était engagé, autant j’espérais qu’il le fasse sans trop tarder dès qu’il serait en convalescence. J’avoue que je craignais qu’il ne s’accroche à son siège comme à une bouée qui le maintiendrait en vie. Il n’en était rien : il savait qu’il vivait ses derniers jours et je me suis bien trompé !

Oui, je pense qu’il savait bien que sa fin était proche, car comment expliquer autrement ses apparitions furtives à la prison le Jeudi Saint, à Saint Pierre vendredi et surtout le dimanche de Pâques à la bénédiction Urbi et Orbi suivi de son dernier bain de foule sur la place Saint-Pierre, à quelques heures de son décès. Ces apparitions brèves ont valeur de testament. La raison de ma joie profonde à la nouvelle de son décès tient justement au témoignage qu’il a donné en ce dimanche de Pâques. Le texte qu’il a fait lire du balcon de la basilique est un appel à nos consciences, un cri pour la paix dans le monde. Il est comme le sceau de son pontificat. Oui, je pense que le pape François ne pouvait avoir une plus belle mort. Elle est une Pâques, un passage, un message de paix et d’amour à répandre comme la Bonne Nouvelle.

Pour des évêques, des chefs d’état, des diplomates ou autres officiels, les réactions de tristesse tiennent parfois de l’exercice obligé. Mais je suis interpelé par toutes ces personnes souvent loin de l’Église, qui sont touchées par sa mort et évoquent une perte et un manque. J’ai reçu des messages d’amis, de membres de la famille parfois éloignés de l’Église et même d’un imam qui tous me disent leur tristesse de cette disparition. Je mesure un peu plus que, de par son engagement pour l’écologie, la justice, l’accueil inconditionnel, notamment des étrangers, par son acharnement à dénoncer les guerres et à promouvoir la paix et le dialogue à temps et à contretemps et jusqu’à son dernier souffle, le pape François était pour beaucoup un phare, une autorité morale, un guide.

Ces réactions de gens très divers et souvent loin de nos églises me font prendre conscience qu’aucun homme, aucune femmes vivant n’incarne une référence morale universellement reconnue, comme le pape François. Je comprends alors que beaucoup se sentent orphelins.

Certains, comme ce vendeur de fruits et légumes que j’ai rencontré hier, craignent que le pape suivant n’incarne pas les mêmes valeurs ou n’ait pas la même autorité. Je dois avouer que je ne partage pas ces inquiétudes, peut-être par naïveté ou sans doute parce que je fais confiance à l’Esprit Saint pour guider la barque de Pierre. En tout cas, cela n’altère pas la joie qui monte en moi quand je rends grâce pour la vie et la mort du pape François. Cela ne m’empêche pas non plus d’espérer et de prier pour que le successeur de François incarne, à sa manière propre, ces mêmes valeurs de dialogue, d’humilité, de respect de la vie et de la création, de la paix et de la fraternité universelle.

Article publié le 24 avril 2025

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