Saint Pierre Favre, premier prêtre de la Compagnie de Jésus

Pierre Favre, fêté le 2 août, a été proclamé saint le 17 décembre 2013 par le pape François. Il fut le premier prêtre de la Compagnie de Jésus. Un des trois fondateurs de la Compagnie avec Ignace de Loyola et François-Xavier.

Ordonné le 30 mai 1534, il célébra la messe des vœux des premiers compagnons au Martyrium de Montmartre à Paris le 15 août 1534. Il reçut en premier  les vœux des six compagnons, dont d’abord celui d’Ignace de Loyola, avant d’émettre ensuite son propre vœu. Après que l’un des Compagnons ait prononcé son vœu, Pierre lui a tout de suite donné la communion. Ils avaient dans ces vœux le projet de revenir à la pauvreté évangélique, de se rendre en pèlerinage aux Lieux Saints, et de se mettre à la disposition du « Vicaire du Christ sur la terre », le pape, pour recevoir de lui toute mission chez les fidèles et les infidèles.

Pierre Favre, appelé à « aider les âmes »

On comprend qu’aux côtés d’Ignace et de Xavier la tradition ait un peu oublié Pierre Favre, né la même année que Xavier en 1506. Eux le tenaient en grande estime et n’ont cessé de se référer à lui, mais il faut bien avouer que cet étudiant studieux et pieux, timide et un peu scrupuleux, ne paraissait pas promis aux grandes aventures de la foi et de la mission.

Pierre considérera toujours comme une grâce particulière de Dieu qu’ils aient été rassemblés si différents autour d’Ignace pour ce qui allait devenir leur mission commune. Car, comme Ignace et François, Pierre est sensible aux besoins de son temps. Pas d’abord aux courants d’idées et aux recherches idéologiques de l’époque, mais â la mentalité de ses contemporains. Le désir d’aider les âmes qu’Ignace a suscité chez eux les a rendus attentifs aux aspirations des hommes de ce temps. À travers écoute de leurs contemporains, ils ont perçu, sans savoir la formuler, .: mutation qui était en train de se produire : la naissance d’un homme nouveau, épris de liberté et d’indépendance, avide de grands horizons, responsable de sa foi. C’est cet homme qu’ils tâcheront de rejoindre dans un dialogue personnel pour témoigner du salut en Jésus-Christ.

P. Michel RONDET  sj

La décision d’écrire son Mémorial :

« Supplier l’Esprit Saint de bien vouloir discipliner tous les esprits qui nous habitent », Mémorial, 13 mai 1543

C’est Favre lui-même qui, au milieu de la première génération de la Compagnie, se caractérise de cette manière : « j’étais très triste et affligé de constater que je ne faisais rien de grand ; j’en venais à penser que de tous mes contemporains je devais être de loin celui qui réussissait le moins » (Mémorial, 3 avril 1545).

En effet, nullement doué pour le gouvernement comme Ignace, ni poussé vers de grands exploits comme François, Favre se consacre à l’accompagnement spirituel de tant de gens à la recherche de Dieu, au moins par cette trilogie de ministères confessions, conversations et Exercices. Il connaît le danger de « faire misérablement des grandes choses », dans le cas où « le passionné de la gloire de Dieu » ne se rend pas attentif par la grâce de l’Esprit Saint « aux moindres intérêts de Dieu -» (cf. Mémorial, 26 novembre 1542), par exemple lorsqu’il s’agit d’accompagner l’autre personnellement sur la route qui mène à Dieu. Mais de ce ministère que Favre privilégie, il a pu dire que l’Esprit consolateur aime ajouter parfois du sien aux réalités et aux actions les plus petites : « Plus on s’unit à lui, plus abondante est la bénédiction que répand sur ces humbles travaux celui dont ils viennent et auxquels ils se conforment » (Mémorial, 3 avril 1545)
Les ministères de la « cura personalis » demeurent dans la Compagnie un défi, une nécessité, à l’intérieur de l’institutionnalisation inévitable et croissante de l’éducation et de la formation. Car même les changements sociaux indispensables passent par la conversion des cœurs, qui peuvent mettre fin à la misère dans le monde mais ne le veulent pas vraiment. Favre peut nous servir de guide, lui que l’Esprit Saint poussait à désirer et même à espérer accomplir le ministère du Christ consolateur. Il roulait être celui « qui secourt, délivre, guérit, libère, enrichit et fortifie » pour apporter aux gens « non seulement en matière spirituelle, mais encore, si cette audace et cette espérance sont permises en Dieu, de façon matérielle, avec tout ce que la charité peut faire pour l’âme et le corps de n’importe lequel de nos frères » (Mémorial, 26 novembre 1542).

P. Peter-Hans KOLVENBACH sj, ancien Supérieur Général de la Compagnie de Jésus

La rencontre de Pierre Favre et d’Ignace

« Le 10 janvier 1529, à vingt-trois ans, je devins bachelier ès arts et, après Pâques licencié sous la direction de maître Juan de la Peňa, actuellement docteur en médecine. Daigne la divine bonté me donner de me souvenir avec gratitude des bienfaits, pour le corps et pour l’esprit, qu’elle m’accorda par tant de moyens au long de ces trois années et demie : un tel régent pour moi, et ces compagnons que j’ai trouvés dans sa chambrée, particulièrement maître Francisco de Xavier, membre de la Compagnie de Jésus-Christ. Cette année-là, Inigo entra au collège de Sainte-Barbe, dans la même chambrée que nous, avec l’intention de suivre le cours des arts à la Saint Remi suivante, et c’est notre régent qui devait se charger de ce cours. Que soit à jamais bénie cette rencontre, ménagée par la souveraine Providence pour mon bien et pour mon salut : car après qu’elle eut elle-­même disposé que j’instruirais ce saint homme, il s’ensuivit pour moi des relations d’abord superficielles, puis intimes avec lui, et ensuite une vie en commun où nous avions, à deux, la même chambrée, la même table et la même bourse. Il finit par être mon maître en matière spirituelle, me donnant règle et méthode pour m’élever à la connaissance de la volonté divine; nous en vînmes à ne faire plus qu’un, de désirs et de volonté, dans la ferme résolution de choisir la vie que nous menons aujourd’hui, nous tous, membres présents ou futurs de cette Compagnie dont je ne suis pas digne. »

Pierre FAVRE, Mémorial, D.D.B., coll. Christus, n° 4, n° 151, p. 111-112.

Pierre Favre, ministre du Christ consolateur

« Le jour de la saint Évariste, pape et martyr, je m’étais levé vers trois heures du matin, et je trouvais beaucoup de dévotion […] à prier pour les besoins des autres en évoquant successivement les chrétiens, les juifs, les Turcs et les païens, les hérétiques, et aussi les morts. J’avais à l’esprit toutes les misères des hommes, leurs faiblesses, leurs péchés, leurs endurcissements, leurs désespoirs et leurs larmes, les désastres, les famines, les épidémies et les angoisses, etc., et d’autre part, pour y remédier, le Christ rédempteur, le Christ vivificateur, illuminateur, secourable, miséricordieux et compatissant, Seigneur et Dieu; je le priais avec toute la force de ces noms de daigner venir au secours de tous les hommes. Je souhaitais alors et je demandais, avec une grande dévotion et comme avec un sentiment tout nouveau, qu’il me soit accordé d’être enfin le serviteur et le ministre du Christ consolateur, d’être le ministre du Christ qui secourt, qui délivre, guérit, libère, enrichit et fortifie, afin que je puisse, moi aussi, par lui venir en aide à beaucoup.

Pierre FAVRE, Mémorial, D.D.B., coll. Christus, n° 4, n° 151, p. 230-231.

Aux avant-postes ignatiens Pierre Favre, jésuite

Ne pas prêter attention à Pierre Favre et à son étonnante carrière apostolique, c’est perdre quelque chose du dynamisme de ce nouveau corps religieux dans l’Église qu’est la Compagnie de Jésus. Les premiers compagnons sont dispersés par les missions du pape, Ignace les reliant encre eux à partir du centre, Rome.

Un autre François-Xavier parmi les trois premiers est lancé jusqu’au Japon dans une folle équipée missionnaire. À Pierre il est donné d’être en contact avec la chrétienté qui craque à travers toute l’Europe. Il est le premier des compagnons à avoir pénétré en cette Allemagne où se développe quasi sans résistance le mouvement luthérien. Il rencontre aux Pays-Bas la poussée de la sorcellerie et, en Espagne, l’effervescence illuministe. Car il randonne apostoliquement à pied dans toutes ces contrées, traversant quatre fois la France pour passer d’un terrain de mission à un autre. Et il fait face, petitement, patiemment, avec le sérieux de la foi pratiquée en vérité, répondant aux aspirations de populations dont les racines restent profondément chrétiennes.

Des jeunes gens s’attachent à sa façon de vivre et deviennent compagnons. La Compagnie se fonde dans le Nord de la France, tout comme en Espagne. Ignace est aux avant-postes de la cohésion, François, à l’extrême de l’Asie, Favre, à la brisure culturelle et spirituelle de l’Europe. On le consulte à Rome sur la conduite à unir avec ceux qu’on appellera plus tard les protestants. Il résume ainsi son expérience sur ce terrain: d’abord les aimer, ensuite ne discuter avec eux que ce sur quoi il y a accord. Jean XXIII, sans le savoir sans doute, est passé par là. Pierre Favre avait été choisi pour aider spirituellement les Pères du Concile de Trente, il est mort à Rome en s’y rendant. Il avait quarante ans.

P. Dominique BERTRAND sj

Qu’est-ce qu’une canonisation équipollente ?

Pour une telle canonisation, selon la doctrine depuis Benoît XIV , sont nécessaires trois éléments : la possession antique du culte ; la constante et commune attestation d’historiens dignes de foi sur les vertus ou sur le martyre ; la renommée ininterrompue de prodiges. Si sont satisfaites ces conditions – c’est encore la doctrine du Pape Benoit XIV – le Pontife suprême, de son autorité, peut procéder à la canonisation équipollente, c’est-à-dire à l’extension à l’église universelle de la récitation de l’office divin et de la célébration de la messe « sans aucune sentence formelle définitive, sans avoir conduit aucun procès juridique, sans avoir accompli les cérémonies habituelles »

La pratique de la canonisation équipollente a toujours été présente dans l’Église et pratiquée régulièrement, même si ce n’est pas fréquent. Le même Benoît XIV a énuméré 12 cas de saints canonisés ainsi. Après lui, on peut attester d’autres cas de canonisations équipollentes, parmi les plus récentes : Marc di Križevci, Stefan Pongrácz et Melchiorre Grodziecki canonisés en 1995 par Jean-Paul II, Hildegarde de Bingen, œuvre de Benoît XVI le 10 mai 2012.

En savoir + :

>   La première rencontre d’Ignace avec François-Xavier et Pierre Favre

>   Biographie de saint Pierre Favre sur le site de la Curie jésuite à Rome

Article publié le 16 décembre 2013

Aller en haut