Prier à Penboc’h autour du vitrail Isaïe
Dans un centre spirituel, les lieux de prières sont au cœur de nos préoccupations. Si le site de Penboc’h invite naturellement à la méditation, trois nouveaux oratoires ont été conçus au cours de la restauration des bâtiments. La création de leurs vitraux a été confiée à Dominique Pollet, qui avait déjà travaillé à la rénovation de la chapelle St Joseph en concevant notamment le mobilier liturgique. Dominique nous raconte son cheminement pour aboutir à ce qui deviendra l’oratoire Isaïe.
Au début de l’histoire, une commande, au mois de mai 2018 : aménager un oratoire où l’on puisse, à l’occasion, célébrer l’eucharistie en petit groupe, et dessiner un vitrail pour cet espace, faisant partie intégrante de l’architecture. Le volume m’est donné, suivant les plans de l’architecte, une marge de manœuvre non négligeable m’est offerte..
Mon premier sentiment est que la hauteur proposée, jusqu’au toit, est dynamique et inspirante, non seulement pour l’aménagement de la pièce mais aussi et surtout pour le vitrail. Cette forme très haute et très étroite me paraît avoir beaucoup de caractère en elle-même, et je me propose de la conserver.
Pendant l’été je dessine le projet de l’aménagement, simple et sobre, à l’image du volume, avec comme élément central la belle croix en bois polychrome qui a accompagné la prière des retraitants pendant tant d’années dans l’ancienne chapelle Notre Dame. Le grand panneau légèrement courbe qui soutient la croix est entouré par un tabernacle mural et un présentoir de la Bible qui reçoit la lumière du vitrail et sert aussi d’ambon pour les lectures. Je dessine un autel pliable qui sera rangé la plupart du temps derrière le panneau central. Les bancs, fixés aux murs, dégageront un large espace pour la prière.
Pendant tout ce temps je ne fais pas d’esquisse pour le vitrail, pour lequel on m’a laissé toute liberté de choix du sujet. Mais une parole m’accompagne inlassablement :
« De même que la pluie et la neige descendent des cieux et n’y retournent pas sans avoir arrosé la terre, sans l’avoir fécondée, et l’avoir fait germer pour fournir la semence au semeur et le pain à manger, ainsi en est-il de la parole qui sort de ma bouche, elle ne revient pas vers moi sans effet, sans avoir accompli ce que j’ai voulu et réalisé l’objet de sa mission. » Isaïe 55 1-11
Elle m’est inspirée par la forme du vitrail, favorable à un mouvement descendant et remontant, et par la forme de prière que l’on vit dans un oratoire ignatien : s’exposer à la Parole de Dieu pour qu’elle fasse en nous son travail et produise du fruit dans nos vies.
Je laisse passer du temps. Cette parole persiste jusqu’à ce que le temps du dessin arrive, et je décide de me laisser guider par elle. Elle va m’aider à chercher non pas à faire une œuvre d’art mais à accompagner la prière. (S’ouvre alors une période de 3 semaines où, grâce à des circonstances familiales qui ne s’étaient jamais présentées, je peux être durablement seule et travailler en immersion complète.)
Je commence des croquis, mouvement descendant de pluie et de neige sur la gauche, mouvement remontant de végétation diverse sur la droite. N’étant pas satisfaite je reviens au texte, pour constater qu’il parle clairement de nourriture, de choses bonnes à manger. D’où une descente au potager, carnet de croquis en main. C’est un mois de septembre étonnant où voisinent les courges, des fraises tardives, des pommes précoces ; les raisins ne poussent pas chez moi mais c’est la saison. Le mouvement montant de tous ces éléments se fait très facilement, presque tout seul, au crayon. Puis je passe à l’ordinateur pour régler les proportions, les pleins et les vides, les couleurs, un graphisme progressivement plus stylisé. Economie de moyens, pour laisser parler les formes, pour elles-mêmes et entre elles.
Vient le moment de la présentation du projet aux commanditaires. Je me sens à la fois tranquille car je me suis sentie portée pendant l’élaboration, et un peu interrogative tout de même. Que va-t-on penser de mes légumes dans un oratoire ? J’ai envoyé le document numérisé quelques jours avant, et les personnes ont eu le temps d’échanger entre elles. Etonnamment l’accord est immédiat, sans demande de retouches.
Vient alors l’échange avec le maître verrier, professionnel aguerri possédant plusieurs techniques possibles pour le travail du verre. Il me propose spontanément cette technique du panneau de verre épais de 10 mm, thermoformé pour recevoir le graphisme souhaité. Seule contrainte : la couleur apportée par cuisson sur ce type de verre ne peut être qu’une légère variation de jaune orangé, et diminue donc la gamme que je souhaite. Mais on gagne beaucoup en diffusion de la lumière dans l’épaisseur du verre, et les contours de formes sont enrichis par ce traitement. Je fais réaliser un échantillon, qui est accepté.
Une fois le vitrail réalisé, il ne m’appartient plus. Il est passé par l’interprétation et la main d’autres personnes, je le reconnais sans le reconnaître tout à fait. Et c’est bien ainsi.
Le lieu est nommé Oratoire Isaïe, selon la parole qui a inspiré ce vitrail.
Dominique Pollet
Architecte d’intérieur et peintre
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Article publié le 28 juin 2021