Le noviciat, une expérience de la mobilité

Après plusieurs mois de noviciat, le rythme de vie et de formation qui est le nôtre commence à nous apparaître comme une façon d’être avec Dieu d’abord en bougeant. 

C’est une prise de conscience bien éloignée des idées qui se font jour, par exemple, dans les cartes des amis : « Comment ça se passe dans ton monastère ? ». Comme si la vie religieuse consistait dans une immobilité sereine ou à l’inverse dans de grandes épopées missionnaires ! La vie jésuite est tout simplement une vie en mouvement, voilà ce que nous commençons à découvrir au noviciat.

Que la vie de jésuite soit mouvement parce qu’elle est d’abord une vie apostolique, nous le découvrons d’abord au fil des lectures bibliques et des textes fondateurs de la Compagnie : cette vie consacrée se révèle être en fait une expérience d’Évangile. Le modèle de vie apostolique, qu’ont choisi et fixé Ignace et les premiers compagnons, s’appuie directement sur l’expérience même du Christ et de ses disciples qui deviennent ses apôtres. Le Christ, le premier, vit et déclare qu’il ne sait pas « où reposer la tête » (Mt 8, 19-22), tant il va et vient. Mais il ne cherchait pas une terre promise, car « aussitôt » il repartait et continuait sa route d’annonce de place en place. Le noviciat est un temps pour se découvrir disciple du Christ et consiste donc à s’exercer à cette forme d’errance.

L’esprit de cette disponibilité à toujours bouger est un principe inscrit dès le début dans la pratique de la Compagnie. Dans la Formule de l’Institut, premier exposé de cette orientation, le jésuite par son engagement doit se tenir « la ceinture sur les reins » toujours prêt et disposé à partir « sans même terminer la lettre qu’il rédige » ! Cet esprit a traversé le temps jusqu’à aujourd’hui. Il s’est illustré parfaitement en saint Jean François Régis apôtre infatigable de l’Ardèche. Et il s’exprime avec justesse en ce poème au titre significatif, « Je veux aller courir parmy le monde », du mystique Jean Joseph Surin qui désire y vivre « comme un enfant perdu ».

Au noviciat, nous faisons cette expérience d’allées et venues entre nos différents expériments. Nous sortons pour servir, puis nous sommes promenés par tel père en excursion, il faut refaire nos valises, un séjour dans une autre communauté ; il faut de nouveau refaire nos valises. Quand survient la retraite des trente jours, nous repartons. Nous n’avons de cesse d’aller et venir. Nous restons pour quelques semaines, ici, en expériment, puis de retour au noviciat pour d’autres semaines, avant de repartir. Cette mobilité est particulièrement vécue pendant le pèlerinage, où nous sommes amenés à reproduire pendant près d’un mois ce que le « Pèlerin », Ignace lui-même, a vécu des années durant.

La vie du noviciat est quasi une vie hors du noviciat (pour presque la moitié du temps) ! L’image d’Épinal du jésuite fixé-attaché à son bureau ou défendu par sa bibliothèque en prend un vieux coup. Comme les premiers compagnons jésuites, toujours en mouvement, nous apprenons à vivre ce temps comme une fondation sur le Christ. Non sans humour, une sœur ignatienne nous confiait que la vie religieuse apostolique consistait bien à faire un vœu de stabilité mais à fixer celui-ci sur sa seule valise. L’affaire est finalement assez sérieuse : c’est faire l’expérience d’une vie fondée sur la relation à Dieu, partout présent, et non plus sur un lieu, un mode de vie, une attache, ni même une communauté particulière.

Qui plus est, sur place, à l’intérieur même du noviciat, nous vivons le « grand chambardement » ! Deux fois par an, nous changeons de chambre. Une vie jésuite est une vie en mouvement, sans chambre appropriée et aménagée à jamais. Même si ce n’est que d’un étage à l’autre, nous ne sommes que de passage. Il faut s’habituer à déballer et à remballer les quelques affaires que nous gardons avec nous.
Pour des sédentaires d’office, cette mobilité pourrait presque faire rêver. Après quelques mois de « pratique », c’est un vrai exercice spirituel d’aller et venir ainsi. C’est, comme novice, une épreuve, qui amène à discerner plus avant le désir de répondre à cet appel : « Viens et suis-moi ». Il y a là un commencement concret. Au noviciat, dans la pratique limitée mais bien réelle de l’errance, de lieux en lieux et de moments en moments, nous apprenons à y discerner la volonté de Dieu.

Un novice de 1ère année

> Photo : CC Pixabay

 

Article publié le 1 juin 2014

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