Collège Saint-Michel à Tananarive

Depuis l’arrivée à Tananarive des premiers jésuites, il y a 150 ans, qu’en est-il de la présence de la Compagnie aujourd’hui à Madagascar ? Récit du P. Nicolas Pesle sj.

À la suite des Français, sont venus s’amarrer des jésuites italiens de Turin et de Sicile, dans les années 50, puis quelques jésuites polonais, dans les années 80. Du côté français, si le flux des missionnaires a été constant jusque dans les années 60, il s’est maintenant tari. La vice-province, née en 1958, est devenue province de la Compagnie en mai 1971. Elle compte 275 jésuites, presque tous malgaches. Plus de la moitié de la province est encore « en formation » (167). C’est donc une province jeune !

Perte de prédominance

Le Madagascar jésuite aborde une nouvelle étape. Longtemps, les jésuites ont eu une position prédominante dans la société ecclésiale et religieuse. Ils furent à l’origine du catholicisme des Hauts Plateaux. Avec 21 diocèses, et trente-deux congrégations masculines de Pères et Frères, la Compagnie devient minoritaire. Les jésuites sont encore reconnus pour la solidité de leur formation, mais ils doivent faire attention à ne pas se reposer sur leurs lauriers. Le provincial, François de Paule Randriamanalina, souligne la nécessité de continuer de se former « en profondeur », pour être capable d’apporter une réelle contribution à l’Église locale en matière de formation et d’accompagnement spirituel, tant du clergé que des laïcs.

Fête à la communauté Arrupe, de Tananarive

Fête à la communauté Arrupe, de Tananarive

S’ouvrir à de nouveaux horizons

De « nouvelles frontières » apparaissent avec l’expansion urbaine et l’impact de la mondialisation sur la société et la culture. Les soubresauts socio-politiques et économiques créent de nouvelles questions politiques, éthiques et culturelles.
Depuis les débuts, la dimension « sociale » est présente par le journalisme, les analyses politiques, le développement. Les promoteurs en ont été les Pères Bouet, de Puybaudet, Dunand, de Laulanié, Boltz. Les générations montantes, doivent trouver un « nouveau souffle » dans ce domaine. Ainsi Jean Simon Ratsimbazafy développe- t-il actuellement une pastorale de la famille qui combine une ligne éthique et la lutte contre le Sida.

Wilson Randriamantena tient l’hebdomadaire Lakroa, de la Conférence épiscopale. Sylvain Urfer est impliqué sur l’analyse socio-politique et culturelle, avec la société civile. Les collèges sont passés de deux à trois, avec celui de Mananjary, au début des années ’90.

L’enseignement supérieur se développe : technique, industriel, agricole, communication- journalisme. L’apostolat intellectuel doit aussi s’inventer, dans un pays qui « ne lit pas » et où les jeunes générations passent de la tradition orale au numérique et au téléphone portable.

Une petite douzaine d’apôtres

Dans cet océan tropical chahuté, les jésuites français ne sont plus que onze sur la Grande Île. Mais ils trouvent encore leur place dans les divers secteurs apostoliques de la province (voir encadré).

Les treize italiens sont tournés vers la pastorale directe, l’apostolat spirituel et le développement. Cette présence européenne, à laquelle il faut joindre deux polonais et un hollandais, permet à la province d’éviter un repli sur son insularité.

Le fait qu’une partie de la formation jésuite se fasse hors du pays crée déjà cette ouverture. Mais ce n’est pas le tout d’aller « au-delà » de la mer – «an-dafy », mot plein de mirages pour un malgache ! Il faut continuer d’être capable d’accueillir des jésuites d’ailleurs, sinon le risque de devenir une « petite congrégation locale » est réel, mais le Seigneur veille, avec Ignace !

Nicolas Pesle, sj

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