« Sauvez-moi, ô mon Dieu, car les eaux ont pénétré jusqu’à mon âme » (Ps 69, 2), est-il inscrit sur le souvenir de mon baptême, célébré en 1967. Certes, ces mots peuvent offrir une interprétation spirituelle du baptême, mais il s’agit aussi d’un des psaumes de la Passion. Ma vie se déroulerait à l’ombre de la croix…

J’ai grandi, troisième de quatre enfants, entre la ville (Liège) et la campagne (le Condroz namurois). La ville m’a révélé le poids des souffrances humaines, le jeu complexe des libertés, la conscience de l’histoire. La campagne m’a transmis le sens de la terre, le goût de la solitude, le contact avec la nature. J’ai été aussi formé à deux écoles. Celle d’Israël, à travers l’Écriture et la liturgie : l’irruption du « Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob ». Celle des nations, à travers les humanités gréco-latines : la splendeur de l’esprit humain en quête de sens et de sagesse. Plus tard, au confluent des deux, vinrent les Pères de l’Église et, plus récemment, Bonaventure.

Aux alentours de Pâques 1981, le Seigneur visita mon cœur d’adolescent loin de la foi, mais épris d’absolu et de vérité, et me révéla sa présence en Jésus et dans l’eucharistie. Il est devenu le feu dévorant, l’unique amour « jaloux », bien qu’entravé souvent par tant d’autres passions. En 1984, à l’Abbaye de Val Dieu, je ressentis un appel au sacerdoce.

Peut-être avais-je une vocation à la chartreuse… Mais c’est dans la Compagnie que je suis entré, en 1993. Le Seigneur, dans sa bonté, m’a conduit de Bruges à Rome, en passant par Bruxelles, Paris et le Chili, jusqu’à la Grégorienne. J’y enseigne la christologie et la sotériologie : Jésus dans sa personne et sa mission.

Ma vie se partage entre cinq espaces symboliques. Le premier est ma chambre, sobre comme une cellule, lieu de l’oraison et du repos, et la chapelle, où je concélèbre la messe du matin. Le second est le bureau et la bibliothèque, recueillis comme un scriptorium, lieu de l’étude, de l’écoute, de l’écriture. Le troisième est l’ensemble des lieux communautaires, où ces espaces, fraternellement, s’entrecroisent. Le quatrième sont les salles de cours et de séminaires, la rencontre avec ces générations d’étudiants, venus du monde entier, qui nous transmettent les attentes, les désirs, les questions de l’Église. Le cinquième est la terrasse sur les toits, où je déambule en priant ou en admirant la reposante beauté de la ville, et la montagne, le dimanche, lieu de ressourcement, dans les hauteurs. Dans l’espérance qu’en ces espaces, extérieurs et intérieurs, « ceux qui aiment son Nom y auront leur demeure » (Ps 69,37).

P. Amaury Begasse de Dhaem sj
Source : Échos jésuites • no 2019-1, p.18

Docteur en théologie (Centre Sèvres), Amaury Begasse de Dhaem sj est actuellement professeur de christologie et de sotériologie à l’Université Grégorienne à Rome. Il est l’auteur de plusieurs publications, en particulier en théologie dogmatique.

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