Lutte contre les abus sexuels : appel aux victimes et point d’étape
En écho à l’appel à témoins lancé par la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (CIASE), la Compagnie de Jésus en France encourage les victimes de jésuites à se faire connaître de la CIASE (victimes@ciase.fr) et de sa propre cellule d’accueil et d’écoute ( victime-abus.accueil@jesuites.com).
La remontée de témoignages est primordiale pour pouvoir établir et prendre toute la mesure de la réalité des faits. Cet appel répond également à des demandes exprimées par des victimes de jésuites : que tout ancien élève ou toute autre personne qui aurait été blessé(e) et éprouverait le besoin de parler, puisse sortir du silence. La Compagnie de Jésus est consciente de la nécessité pour les victimes de pouvoir être entendues et reconnues. Et cela vaut tant pour des faits récents, que pour des faits anciens, que les auteurs soient encore vivants ou non.
L’appel de la CIASE est un moment opportun pour que la Compagnie de Jésus en France fasse un point d’étape sur son travail d’écoute des victimes et de lutte contre les abus. Depuis sa création en 2014, la cellule d’accueil et d’écoute mise en place par les jésuites de France a ainsi recueilli des témoignages de 28 personnes mettant en cause 19 prêtres jésuites pour abus sexuels en France, dont 13 sur mineurs et 6 sur majeurs. Sur ces 19 jésuites, 15 sont décédés. La majorité des faits dénoncés se sont déroulés entre 1950 et 1980, notamment dans des établissements scolaires alors sous la tutelle de la Compagnie de Jésus à Paris, Nantes, Le Mans, Lille, Toulouse et Vannes. Parmi les quatre jésuites toujours vivants, trois ont été condamnés par la justice pénale. Pour le quatrième, des recherches d’informations sont en cours ; il n’est plus en activité. Composée de jésuites, de psychologues et de juristes, la cellule d’accueil et d’écoute travaille en totale collaboration avec la justice civile et la justice ecclésiastique.
La Compagnie de Jésus est déterminée à porter un regard lucide et sans concession sur son passé. Elle a conscience que tous les témoignages ne sont pas encore parvenus jusqu’à elle et que le travail de mise en lumière n’est pas achevé.
La Compagnie de Jésus condamne toute situation d’abus, qu’il soit sexuel, de conscience ou de pouvoir. Elle exprime sa honte et sa tristesse parce que des personnes ont été blessées par certains de ses membres. Elle demande pardon pour toutes les fois où elle n’a pas adopté la bonne manière de gérer ces dossiers, donnant l’impression de privilégier la défense de l’institution au souci des victimes actuelles ou potentielles.
Accompagner et éduquer à la liberté fait partie des missions fondatrices des jésuites, et garantir la sécurité notamment aux mineurs et aux personnes vulnérables est une priorité. Depuis plusieurs années, des actions ont ainsi été mises en œuvre pour prévenir les situations d’abus.
- Depuis 2016, le protocole « Face aux situations d’abus sexuels – Prévention et actions » (consultable ici) s’applique dans tous les lieux qui dépendent des jésuites en France (établissements scolaires, centres spirituels, aumôneries étudiantes…) et précise à la fois les réglementations qui s’appliquent, les règles de comportements à adopter avec des mineurs, et la procédure en cas de suspicion ou de plainte contre toute personne travaillant dans une œuvre de la Compagnie.
- Un accent est porté sur la formation à la fois des directeurs d’établissements scolaires et des jésuites en formation ou en activité. Des formations spécifiques sur la prévention des abus comprenant notamment des témoignages de victimes sont ainsi dispensées de façon régulière et obligatoire, avec l’intervention de psychologues et de juristes.
- Au-delà de ces formations spécifiques plus récentes, chaque candidat et chaque jésuite, tout au long de sa formation et de sa vie apostolique, fait l’objet d’un accompagnement spirituel dans lequel sa vie affective, ses éventuelles difficultés notamment vis-à-vis de la chasteté sont abordés de façon explicite.
Ce travail nous conduit à regarder en face les pages sombres de notre passé. Nous savons combien il est essentiel pour les victimes qui doivent être aidées et encouragées à briser le silence. C’est également une étape indispensable pour que la parole de la Compagnie de Jésus et de l’Église puisse continuer à être crédible dans l’annonce de l’Évangile, dans un monde en recherche de sens, de vérité et de justice.
« Pour que ces phénomènes, sous toutes leurs formes, ne se reproduisent plus, il faut une conversion continue et profonde des cœurs, attestée par des actions concrètes et efficaces qui impliquent chacun dans l’Église, si bien que la sainteté personnelle et l’engagement moral puissent contribuer à promouvoir la pleine crédibilité de l’annonce évangélique et l’efficacité de la mission de l’Église. »
Pape François, Lettre apostolique Vous êtes la lumière du monde, mai 2019
« Nous, jésuites, encourageons les victimes à témoigner » : entretien avec le P. François Boëdec sj
Le Provincial explique, dans une interview parue dans La Croix, l’importance du recueil de ces témoignages pour les victimes, pour l’Église et pour la Compagnie elle-même.
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Article publié le 3 juillet 2019