Né à Gand le 16 janvier 1937, Gérard FOUREZ s’est éteint le 2 septembre 2018 à la maison de repos de Lustin près de Dinant. On avait diagnostiqué très tôt la maladie de Parkinson qui, ces dernières années, l’ont peu à peu coupé de tout moyen de communication, sauf par le regard.

Entré au noviciat en 1953, il suit un parcours classique pour un jésuite : juvénat où se dessine son orientation en mathématiques, licence en philosophie, deux années d’enseignement au collège, licence en théologie, commencée en Belgique et terminée aux États-Unis. Des études qu’il complète en acquérant une licence en mathématiques à Leuven, puis un doctorat en physique théorique à l’université du Maryland. Rentré au pays, il est nommé professeur de philosophie des sciences aux Facultés de Namur, fondées par les jésuites.

C’est là qu’il crée, dès 1969, le département « Sciences, philosophie et société ». Un de ses apports marquants a été bien exprimé par une collègue, Marie Larochelle, professeur à la faculté de l’Éducation de l’Université Laval (Quebec) : « Gérard était l’un des rares penseurs dans le domaine de l’enseignement des sciences, qui proposait de revisiter résolument celui-ci en resituant les scientifiques dans le temps et l’espace, dans le monde des actrices et des acteurs sociaux et donc, dans le monde des conflits et des négociations, quant aux manières de dire et de ‘faire science’. Il était aussi l’un des rares à préciser le lieu d’où il parlait, ses postulats, idéologies et engagements, bref, tout ce qui ‘fait exister le regard’, qu’il soit quotidien ou spécialisé ».

Lorsqu’on parcourt son abondante bibliographie, on s’aperçoit qu’il n’oublie jamais qu’il est théologien et un théologien visant un objectif précis : rendre plus accessible la force vivifiante de l’Évangile, un Évangile encombré d’affirmations et de pratiques d’Église, qui lui font obstacle. D’où son rejet du jargon courant en la matière. Dans un de ses derniers livres, Cette foi-ci, Itinéraire d’un confiant, il résume en termes très simples sa trajectoire spirituelle : « Né voici plus de soixante ans dans une famille profondément chrétienne, j’ai accepté la religion avec le lait de ma mère. Je suis même devenu jésuite et prêtre presque comme si cela allait de soi. Aujourd’hui, je me perçois toujours comme croyant, mais je suis conscient que l’adolescent que je fus au début des années cinquante eût assurément considéré comme suspect – hérétique sans doute, voire mécréant – quelqu’un pensant comme je le fais aujourd’hui […] Je m’aperçois qu’en quarante ans, bien des choses ont radicalement changé dans ma façon de voir le christianisme. Et je m’y trouve bien. J’ai même l’impression que mes croyances actuelles sont plus proches de l’Évangile que celles que je professais antérieurement [1]»

Depuis près de trente-cinq ans, dans l’annuaire de la Province BML, à la suite des communautés, se trouvait une page intitulée Diaspora, dispersion. C’est là que Gérard figure, avec quelques compagnons tous plus ou moins en marge. Au rythme de nos rencontres, cela a dû bien faire près de trois-cents réunions. Nous y étions très fidèles. Nous nous aidions à vivre « dans l’esprit de la Compagnie », qui nous avait tous marqués, mais surtout, nous nous aidions à vivre tout simplement. Le chemin qu’évoque Gérard dans Cette foi-ci a été largement le nôtre. Avec sa parole brève et réfléchie, même si à la fin on l’entendait à peine, Gérard nous y a certainement aidés.

Paul TIHON sj (Bruxelles-La Colombière)

[1] Gérard FOUREZ, Cette foi-ci. Itinéraire d’un confiant, Bierges, Éditions Mols, Collection Autres regards, 2001, p. 9-10.