Le Père Raphaël ROBERT est né en 1923 à Croix ; son père, Joseph, travaillait dans l’industrie textile, sa mère, Louise VANDEVYERE, veillait sur les enfants : Joseph, frère jumeau de Raphaël, René, Marie-Thérèse et Henriette. Raphaël aura été le dernier survivant de la fratrie, mais il avait une belle-sœur et des neveux, qui comptaient beaucoup pour lui.

Raphaël a grandi et exercé son activité et ses ministères jésuites presqu’exclusivement dans la région des Hauts de France. Sous sa modestie et sa piété, il cachait des dons certains pour les sciences : il aura laissé le souvenir d’un excellent professeur à ses anciens élèves de l’Icam et de Saint-Paul. Il aurait pu se satisfaire de sa fonction d’enseignant, mais cela aurait été méconnaitre sa fibre spirituelle qui se manifestait déjà, quand professeur de mathématiques à l’Icam, il accompagnait les étudiants lors des pèlerinages annuels à Notre-Dame de Lorette, au début des années 60 ; plus tard, en approfondissant le concile Vatican II et en écoutant les appels de la 32e Congrégation générale, il se sent appelé à se tourner vers les plus pauvres ; il en fait part à son supérieur de l’époque, qui tergiverse un peu, mais finalement confirme cette voie : on le retrouvera aumônier au Centre Saint-Paul (qui regroupait des établissements de l’enseignement catholique de Lille dont l’ancien collège jésuite Saint-Joseph de Lille) et participant à l’aumônerie du centre anticancéreux Oscar Lambret, où il exercera jusqu’en 2010 ; il a alors 87 ans, mais il se sent encore capable d’avoir une activité et il participe pendant plusieurs années à l’aumônerie de la clinique du Bois. Sans avoir totalement délaissé les mathématiques, il s’était remis au Grec biblique qu’il pratiquait couramment.

Raphaël était doué d’une grande sensibilité ; elle a pu être pour lui cause de souffrance dans sa vie de jésuite préconciliaire : la vie religieuse allait alors de pair avec une certaine rigueur ; on peut dire que le Renouveau charismatique fut pour Raphaël comme une rosée bienfaisante, qui l’imprégna et lui fit produire beaucoup de fruits dans des milieux que la militance post Vatican II risquait de stériliser.

Petit à petit, l’âge se fait plus pesant et l’oblige à se faire aider et son rythme de vie n’est plus celui d’une petite communauté apostolique : Raphaël comprend qu’il lui faut rejoindre la Rue des Stations ; il y arrive vaillamment, mais il a un temps de découragement à la perspective d’avoir à vivre « ces années dont tu diras : je ne les aime pas ; et que s’obscurcissent le soleil et la lumière, la lune et les étoiles ; et que reviennent les nuages après la pluie… ». On s’inquiète pour lui ; puis il se reprend et décide que la vie vaut la peine d’être vécue, même en EHPAD : il propose un groupe de prière, préside, quand on le sollicite, l’eucharistie quotidienne ; on aime manger à sa table… Mais sa sensibilité, qui l’avait aidé à écouter les autres, à les réconforter rajoute de la souffrance et de la peine ; il lui semble que son corps le lâche et que Dieu se tait. Ses compagnons et amis ne peuvent qu’être témoins de son affaiblissement et de sa désolation jusqu’à ce 30 janvier où, après un bref mieux, son Seigneur vient le chercher. Raphaël aura vécu, tel un bon arbre fruitier, enraciné dans la bonne terre du potager familial, mais dont le feuillage et les fruits s’offraient aux passants par-dessus la clôture presque toute sa vie jésuite dans des institutions, mais nombreux sont les gens de l’extérieur qui auront pu profiter de son écoute et de ses dons.

Thierry GEISLER sj