Une retraite spirituelle à distance, c’est possible ?
125 jeunes adultes ont participé à une halte spirituelle pendant le week-end de Pâques. Confinés aux quatre coins de France – pas seulement l’Île-de-France, mais aussi Chambéry, Toulouse, et même la Côte d’Ivoire – tous étaient reliés par les outils numériques. Cette proposition était organisée par la Communauté de Vie Chrétienne (CVX), le Mouvement Chrétien des Cadres (MCC), les religieuses ignatiennes, le Centre spirituel jésuite de Manrèse et le réseau Magis.
Le P. Pierre Alexandre Collomb sj témoigne de cette expérience.
Je participais pour la deuxième fois cette année à l’organisation de cette halte spirituelle. Habituellement, cette retraite se déroule au centre spirituel jésuite Manrèse à Clamart et dans le contexte actuel s’était posée la question de la maintenir ou non. Grand bien nous a fait de persévérer !
Bilan : plus de 120 participants de la France entière et au-delà, avec du temps pour méditer l’Évangile, de l’accompagnement individuel, des groupes de partage, des témoignages, des activités créatives…
En écho, les retours sont excellents. Nombreux sont ceux qui craignaient de vivre le Triduum dans la solitude et la désolation. Et comme au jour de la Résurrection, la vie a surgi de façon inattendue ! Dans la confiance des échanges, dans la contemplation de la beauté, dans la belle œuvre de Dieu dans nos vies. Et cela que l’on soit seul dans son studio, dans l’appartement familial ou chez ses parents.
Cela m’a aidé à entrer dans une compréhension différente des échanges en ligne par Zoom, Skype et autre. La communication par écran est souvent comprise comme une forme dégradée de présence à l’autre, comme on peut le dire du pâle reflet du réel que serait une peinture ou une photographie. Et pourtant, l’image a une efficacité si elle n’est pas seulement un écran mais renvoie à plus qu’elle, à la manière de l’icône. Dans la virtualité des échanges de cette retraite, j’ai pu faire l’expérience de la promesse qu’ils manifestent, et non un ersatz de relation. Quelque chose de la vie se donnait à sentir dans ces rencontres, non pas malgré les écrans mais grâce à eux. Et c’est heureux !
Le mystère pascal nous invite à accueillir la situation présente et pas seulement à la supporter. Le Nolite me tangere (Ne me touche pas) au matin de la Résurrection porte à la fois l’impossibilité du contact, c’est-à-dire de retrouver la relation d’avant la Passion, mais il est aussi promesse d’une relation où la proximité se conjugue à l’éloignement, où une autre proximité naît de cet éloignement. Karl Rahner, jésuite allemand et professeur de théologie, parle très bien de la grâce comme « la proximité du mystère permanent » : « La grâce est exactement aussi la grâce de ne pouvoir plus se faire illusion sur le mystère incompréhensible de Dieu, de ne plus le tenir pour provisoire, c’est la grâce de l’amour inconditionné pour la ténèbre divine, le courage donné par Dieu d’entrer dans cette béatitude qui est la seule vraie et d’en jouir comme de la nourriture des forts » (dans son ouvrage Sur le concept de mystère dans la théologie catholique). La grâce de ce temps est peut-être de nous faire toucher que toute relation porte en elle le mystère de l’autre.
Cette retraite ouvre pour moi des possibilités insoupçonnées dans la manière d’être au service de ceux qui cheminent. Oui, la grâce de Pâques est de nous faire entrer dans l’inouï de Dieu !
P. Pierre Alexandre Collomb sj,
Communauté jésuite Pedro Arrupe à Vanves
Lire d’autres méditations, éclairages et témoignages dans notre dossier spécial pour nourrir sa vie spirituelle et rester en lien.
Article publié le 15 avril 2020