Être fidèle à sa foi tout en s’acceptant comme personne homosexuelle ayant une place bien à soi dans l’Église : telle est la quête de nombreuses personnes homosexuelles catholiques. Pour les aider à cheminer, des associations et des initiatives existent. Le P. Patrice Proulx sj, chapelain de la chapelle du Centre spirituel jésuite de La Pairelle, à Wépion en Belgique, et accompagnateur d’un groupe Devenir Un En Christ, nous invite à retrouver une capacité d’accueil inconditionnel de l’autre.

personnes homosexuelles église Depuis quelques années, j’ai le bonheur d’accompagner un groupe DUEC (Devenir Un En Christ) composé d’une quinzaine de chrétiens homosexuels. Ces hommes et femmes, profondément ancrés dans la foi chrétienne, sont souvent blessés par le discours officiel de l’Église. Ils ne comprennent pas pourquoi ils sont rejetés pour ce qu’ils sont. Ils n’ont pas choisi cette orientation et ils aspirent à être pleinement acceptés. Ils désirent être fidèles à leur foi tout en s’acceptant comme personne homosexuelle ayant une place bien à eux dans l’Église. Plusieurs nourrissent leur vie spirituelle en étant engagés dans leur communauté paroissiale, assurant plusieurs services, tant dans la liturgie que dans l’accueil des plus pauvres.

Fiducia supplicans : joie et tristesse

La publication, en décembre dernier par le dicastère pour la doctrine de la foi, de la déclaration, Fiducia supplicans, autorisant la bénédiction des couples dits irréguliers, notamment les couples homosexuels et les divorcés-remariés, a suscité des réactions fort contrastées. Pour les personnes vivant des situations irrégulières, notamment les personnes homosexuelles, de la joie dans l’annonce de la possibilité de recevoir une bénédiction pour l’amour qu’ils vivent, et une certaine tristesse, désillusion et même souffrance de constater que leur réalité affective n’est toujours pas pleinement acceptée dans cette Église qu’ils aiment profondément. Une bénédiction, oui, mais dans la discrétion… Pour d’autres, c’est un texte inaudible car il irait à l’encontre de la Révélation et de l’enseignement traditionnel de l’Église. Pourtant, depuis plusieurs décennies, bien du chemin a été parcouru pour mieux comprendre cette réalité et essayer de donner de justes balises dans l’accueil de ces personnes. Et nous assistons aussi à une compréhension renouvelée de certains passages bibliques qui ont été à la base du rejet des personnes homosexuelles. Le livre de Joël Pralong (supérieur du Grand Séminaire de Sion en Suisse), Église et homosexualité : un accueil si difficile !, est bien éclairant sur ces questions.

Quelle Église voulons-nous construire ?

Au début de son pontificat en 2013, le « Qui suis-je pour juger » du pape François avait provoqué bien des réactions : de l’espoir pour certains, du désarroi pour d’autres. La question de l’accueil des personnes homosexuelles continue à faire débat dans une certaine partie de l’Église où les positions sont souvent bien définies. Alors, comment faire avancer le sujet ? Il me semble qu’il nous faut bâtir des ponts entre l’Église et les personnes homosexuelles. De la compréhension mutuelle, de la compassion et du respect pour tous. Et nous touchons ici un point essentiel : quelle Église voulons-nous construire ? Une Église basée sur des normes morales, faisant exclusion de tout ceux qui ne correspondent pas parfaitement à ce que devrait être un chrétien, ou une Église d’hommes et de femmes marqués par le péché, incapables d’accueillir pleinement la tendresse et l’amour du Père, cheminant ensemble en essayant de s’entraider pour grandir sans cesse dans l’acceptation de l’autre tel qu’il est et dans l’accueil de l’amour infini de Dieu pour ses enfants.

Redonner vie et espoir

Je crois que la contemplation de l’attitude de Jésus devant les personnes qui n’étaient pas en règle avec les lois religieuses de son temps peut nous aider à dépasser une certaine rigidité et à retrouver une capacité d’accueil inconditionnel de l’autre. En effet, Jésus s’invite chez Zachée, accepte de partager le repas de Simon le pharisien, parle à la Samaritaine, guérit un lépreux et aussi le serviteur d’un occupant, pardonne à la femme adultère, ramène Lazare à la vie, intègre Judas dans son intimité. Jamais il ne condamne, mais il a toujours une parole qui redonne vie et espoir à celles et ceux qu’il rencontre.

Le pape François n’a jamais arrêté de nous interpeller pour aller aux frontières de l’Église, aller à la rencontre de celles et ceux qui ont faim de la paix et soif de Dieu, sortir de notre confort et de notre entre-soi. Peut-être parce que ceux qui sont aux frontières de l’Église sont en fait ceux qui sont au cœur du message évangélique et que Jésus est venu spécialement pour leur redire l’amour de Dieu pour eux ? Sans exclusion, sans condition.

P. Patrice Proulx sj,
chapelain de la chapelle du Centre spirituel jésuite de La Pairelle, à Wépion en Belgique,
accompagnateur d’un groupe Devenir Un En Christ,

Témoignage : l’accueil en Église à travers Devenir Un En Christ (DUEC)

À 20 ans, expérience de l’amour de Dieu. « Je t’aime sans limite, sans condition, toi, tel que tu es. Et ta réponse d’amour, quelle qu’elle soit, je la recevrai comme un cadeau merveilleux. » Pendant 10 ans, j’offre mon célibat, me consacre même par des vœux monastiques. Mais j’offre aussi bataille contre moi-même : anorexie pour extirper mon affectivité, que je vois comme ma part d’ombre. Jusqu’à réaliser le sens de sa Parole « Et ta réponse d’amour, quelle qu’elle soit… » Et j’accepte. D’aimer, comme il m’est donné d’aimer. Renoncer à être normal selon l’Église. Rencontre avec l’Arche, où je réalise l’erreur de la normalité, sa dictature. Mais fuite de l’Église, ses célébrations hypocrites, ses homélies assassines, ses chrétiens choqués que je communie, que j’ose me dire chrétien.

Enfin, DUEC. Des chrétiens. Hommes, femmes, célibataires, en couples, parents. D’autres homos, qui offrent partage, soutien, prière. Lieu où la communauté forme ce même désir : suivre le Christ. Petit goût de l’Église du Christ. Un prêtre aussi, qui tend l’oreille et lance une parole d’espérance. Et qui, en périphérie, rapproche l’Église de Rome de cette petite communauté.

Gabriel

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Cet article est paru dans la revue Échos jésuites (printemps 2024), la revue trimestrielle de la Province d’Europe Occidentale Francophone. L’abonnement numérique et papier est gratuit. Pour vous abonner, cliquez sur ce lien.

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