Années de formation dans la ville éternelle
Après deux ans de régence en service pastoral au Lycée Saint-Marc à Lyon, François Xavier Chambounaud sj a été envoyé à Rome pour un deuxième cycle de théologie à l’Université Grégorienne. Depuis sa résidence au collège Saint-Robert Bellarmin, il revient sur ses études et sur son ordination diaconale.
Qui se promène à Rome s’émerveille rapidement devant les trésors de la ville. Déambuler au milieu des ruines antiques, côtoyer les angelots d’une église baroque, ou, plus simplement, jeter une pièce dans la fontaine de Trevi valent tout autant qu’une bonne pizza au Trastevere ou une glace chez Giolitti. Le charme opère et le temps s’arrête, c’est un petit goût d’éternité ! Cette évocation me ferait presque oublier le Covid, qui m’a tenu confiné une bonne partie de l’année dernière, et ce pour quoi le Provincial m’a envoyé à Rome : les études ! Depuis septembre 2020, je poursuis en effet une licence en théologie biblique à l’Université Grégorienne, célèbre institution jésuite.
À l’école de l’éléphant
Parmi les curiosités romaines saisissantes mais pourtant paradoxales, l’obélisque de la Piazza Minerva me parle particulièrement : affectueusement surnommée « pulcino » (poussin), l’œuvre édifiée par Bernini en 1667 se compose d’un petit éléphant de marbre portant un obélisque égyptien. La réalisation de l’oeuvre aurait suscitéquelques tensions entre les frères dominicains et l’artiste, qui aurait alors, malicieusement, orienté le postérieur du pachyderme vers l’entrée du couvent…
Si la véracité de ce « fioretti » est incertaine, l’œuvre du Bernin ne manque pas de symbolisme venant éclairer les études que j’ai commencées l’an dernier. L’éléphant est connu pour avoir une bonne mémoire : une précieuse faculté dans l’apprentissage des cours à la Grégorienne ! La trentaine bien entamée, les raisons me poussant à reprendre les chemins de l’école se devaient d’être fondées. Les deux belles années passées au Lycée Saint-Marc à Lyon ont éveillé en moi un désir d’approfondir la Bible et, derrière cela, de mieux comprendre ce qu’il en est de la rencontre entre un Dieu et sa créature : au fond, qu’en est-il de cette parole de Dieu, qui engendre la vie dans le cœur de l’être humain ? Qui est ce Dieu à qui le Psalmiste s’adresse par ces mots : « Qu’est-ce que l’homme pour que tu penses à lui ; le fils d’un homme, que tu en prennes souci ? » (Psaume 8).
L’éléphant symbolise aussi, dans le monde antique, la force d’âme. Il en faut assurément pour porter la connaissance, symbolisée par l’obélisque. Si cette vertu ne m’a pas encore permis de déchiffrer les hiéroglyphes, elle m’a néanmoins soutenu dans l’étude du grec et de l’hébreu, véritable sésame pour une lecture en 3D des récits bibliques. C’est aussi elle qui, donnée, permet de mieux connaître Celui que nous désirons aimer et servir. Obélix ne s’y serait pas trompé ! Même s’il ne taillait pas ses menhirs en forme de pyramide très élancée, il n’aurait certainement pas laissé fleurir une croix en son sommet, à l’inverse du « pulcino » dont la trompe, espiègle, invite le passant à lever les yeux vers elle. Et c’est peut-être aussi cela la mission du jésuite : être sur les places du monde et inviter à regarder, dans ce qui fait la vie et le quotidien des gens, la croix du Christ ressuscité. Deux ou trois années à Rome ne seront pas de trop pour approfondir les Écritures et cultiver cette posture imagée de l’éléphant.
Une ordination diaconale au Gesù
Je ne peux évoquer Rome sans revenir sur mon ordination diaconale. Vécue en petit comité – Covid oblige –, elle fut à ma grande surprise un beau temps de grâces. Après dix ans dans la Compagnie de Jésus, je pensais que ce serait une petite formalité, « un pas de plus » selon une formule ignatienne. Erreur ! En remontant la nef de l’église, les visages de tous ceux qui ont fait celui que je suis aujourd’hui étaient bien présents à ma mémoire : les jésuites, la famille et les amis, bien sûr, et à travers eux les rencontres faites pendant le noviciat, au Centre Sèvres, à la Messe qui prend son Temps, à Inigo Volontariat, à Saint-Marc, mais aussi à l’établissement pénitentiaire de Mézieu, au catéchisme à Saint-Lambert… Il y a aussi les rencontres plus furtives mais non moins marquantes. Bref, si on a l’habitude de dire qu’il faut du temps pour faire un jésuite tant la formation est longue, il faut aussi en réalité, et peut-être en premier lieu, beaucoup de monde ! C’est dire combien l’amour et le service sont liés. C’est, en définitive, une belle invitation à laisser l’amour occuper la première place.
Qu’est-ce que la formation d’un jésuite ?
La formation des jésuites s’étend sur plusieurs années et articule études, prière et engagements apostoliques. Que le jésuite se prépare à être prêtre ou frère, ce parcours de formation est toujours personnalisé. L’ordination diaconale ouvre à certains ministères (proclamation de la Parole et prédication, service d’autel, baptême et mariage). L’ordination presbytérale vient en général à la fin des études pour les jésuites appelés à être prêtres au sein de la Compagnie de Jésus.
François-Xavier Chambounaud sj
Cet article a paru dans la revue Échos jésuites (hiver 2021), la revue trimestrielle de la Province d’Europe Occidentale Francophone. L’abonnement, numérique et papier, est gratuit. Pour vous abonner, merci d’envoyer votre mail et/ou votre adresse postale à communicationbxl [at] jesuites.com.
En savoir + sur la formation d’un jésuite
Article publié le 15 décembre 2021