Au souffle de l’Esprit, par le P. Charles Delhez sj

À l’approche de la fête de la Pentecôte, le P. Charles Delhez sj, curé de la paroisse Saints-Marie-et-Joseph à Blocry, quartier d’Ottignies-Louvain-la-Neuve, partage son homélie.

Esprit Saint Pentecôte « Recevez l’Esprit », leur dit Jésus en soufflant sur eux. Chacun d’entre nous, frères et sœurs, a déjà fait l’expérience de cet Esprit qui souffle où il veut et sans nécessairement laisser sa carte de visite. Ce souffle, c’est celui de Pâques. Nos portes closes ne l’impressionnent pas. Il est puissant à faire rouler les pierres de nos tombeaux et à ouvrir l’avenir, mais parfois discret comme une brise légère.

L’Esprit de liberté

L’Esprit Saint, c’est la liberté de Dieu qui s’empare de nous ! Il y a en effet en nous cet appel mystérieux à l’amour gratuit, même quand il n’y a aucune reconnaissance, cette exigence de pardon, même lorsque l’autre ne le demande pas, cette invitation à l’engagement généreux avec pour seul motif l’espérance que le monde s’en trouve plus beau. Avons-nous déjà perçu ces exigences de notre conscience, malgré tous les bons motifs qu’il y aurait de choisir notre intérêt ou tout simplement d’éviter les désagréments ? Alors nous avons fait l’expérience de l’Esprit. Dès qu’il y a de l’amour, il est là.

Quand on ressent au plus profond de soi le désir de rencontrer Dieu et de l’appeler Père, comme Jésus, c’est encore lui qui y invite. Lorsqu’on se sent porté plus loin, au-delà de soi-même, et que l’on devient audacieux sur les routes de Dieu, il est notre force. Si parfois nous sommes désespérés et que nous traversons une période plus sombre, il est cette petite lumière qui nous semble vacillante, peut-être, mais qui nous aide à deviner la suite du chemin.

Cet Esprit ne prendra jamais notre place, mais il nous donne la nôtre dans ce grand corps qu’est l’Église et que l’humanité est appelée à devenir. Entendons saint Paul : « C’est dans un unique Esprit, en effet, que nous tous, Juifs ou païens, esclaves ou hommes libres, nous avons été baptisés pour former un seul corps. »

Les multiples Pentecôtes

Esprit Saint Pentecôte Il y a eu la Pentecôte inaugurale, vécue par les quelques hommes et femmes présents au Cénacle. Mais, dans les Actes des Apôtres, il y a aussi d’autres effusions de l’Esprit[1]. Tout au long de l’histoire, il y a encore eu d’autres visites de l’Esprit Saint, plus ou moins manifestes. Ainsi, récemment, le concile Vatican II. Il y a les Pentecôte officielles, si je puis dire, mais aussi celles pour de plus petits groupes ou même davantage personnelles. À chaque fois, c’est une invitation à ouvrir les portes, un bouleversement qui nous remet en route. Le pape François aime dire que si le Christ frappe à la porte de l’Église, ce n’est pas pour entrer y retrouver ceux qui le prient, mais pour qu’ils le laissent sortir. Oui, Jésus nous entraîne vers le monde.

La Pentecôte fut comme une première mondialisation. Il y a avait les dieux des Grecs et ceux des Romains, le Dieu des Hébreux aussi[2]. Mais voici la bonne nouvelle : il y a le « Dieu de Jésus Christ[3] » qui transcende toutes les nations. Il est le Dieu de tous. Il fait lever son soleil sur chacun, sans distinction aucune[4] ? Et ce Dieu-là, les apôtres ne l’imposeront pas par les armes, ils l’annoncent simplement, sans peur. La langue qu’ils utilisent, c’est celle de l’amour sans frontières.

Tel est en effet l’Esprit que nous envoie ce Jésus qui a été jusqu’au bout de l’amour, jusqu’au don de lui-même dans les conditions les plus horribles. Il nous a laissé un seul commandement, celui de l’amour — Aimez Dieu et votre prochain comme vous-mêmes. Il abolit tous les codes religieux d’obligations et d’interdits qui permettaient d’être en règle avec la divinité, mais qui divisaient aussi.

L’amour à la manière de Jésus rassemble par-delà toutes les frontières nationales, politiques, économiques, religieuses ou idéologiques. Tel est le dessein de Dieu. L’Église a pour vocation d’en être comme l’inauguration, le sacrement, nous dit Vatican II. Cette litanie ne fait-elle pas rêver : « Chacun de nous [les entend dans sa langue maternelle] : Parthes, Mèdes et Élamites, habitants de la Mésopotamie, de la Judée et de la Cappadoce, la province du Pont et de celle d’Asie… » Et la liste continue. Tous, ils entendent parler des merveilles de Dieu dans la langue du cœur.

Vers l’an 200 circulait un écrit anonyme, la Lettre à Diognète. On pouvait y lire : [Les chrétiens] « se répartissent dans les cités grecques et barbares suivant le lot échu à chacun ; il se conforment aux usages locaux pour les vêtements, la nourriture et la manière de vivre, tout en manifestant les lois extraordinaires et vraiment paradoxales de leur république spirituelle. » Spirituelle, donc : qui vit au souffle de l’Esprit.

Une nouvelle urgence

L’Esprit est de tous les commencements : la création du monde, la naissance de Jésus et sa résurrection, la naissance de l’Eglise au jour de Pentecôte. Aujourd’hui, sans doute plus que jamais, nous avons besoin de lui. Ne l’avez-vous pas remarqué, le monde change ? Un nouveau monde cherche à naître. Pour qu’il soit aux couleurs d’Évangile, que Dieu puisse l’habiter, laissons-nous emporter par l’Esprit. Nous serons alors, pour les autres, son visage. Il prend en effet toujours le visage de ceux qui se laissent habiter par lui !

Aujourd’hui, frères et sœurs, cette mondialisation connaît une nouvelle urgence et cette crise du coronavirus en fut comme une répétition générale : c’est solidaires, en effet, par-delà les frontières, que devons nous sentir responsables de notre Planète. Celle-ci semble prendre sa revanche. En fait, elle pleure avec nous. « En me sauvant, vous vous sauverez aussi », nous dit-elle. Notre comportement a en effet quelque chose de suicidaire. Le pape François nous invite à un changement de style, à une conversion spirituelle. Ce 24 mai, à l’occasion du 5e anniversaire de Laudato si’, il a lancé une année spéciale dédiée à cette encyclique. Puisse l’Esprit nous accompagner dans cette remise en question sans doute radicale.

Sainte fête de Pentecôte !

> Écouter l’homélie en podcast sur le site de la paroisse de Blocry

P. Charles Delhez sj,
curé de la paroisse Saints-Marie-et-Joseph à Blocry 
Communauté jésuite de Louvain-la-Neuve 

Notes :
[1] La conversion de Paul (9), la visite chez Corneille (10), le « concile de Jérusalem » (15), etc.
[2] Cfr Exode 3, 18, p. ex.
[3] Romains 15, 6.
[4] Matthieu 5, 45.

En savoir + sur la fête de la Pentecôte :

En lien avec les jésuites à Louvain-la-Neuve : 

Article publié le 28 mai 2020

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