Au terme de l’Année ignatienne – Eclairage du P. Paul Legavre sj
Pour la fin de l’Année ignatienne et la fête de saint Ignace de Loyola le 31 juillet, le P. Paul Legavre sj revient sur les moments phares de l’Année : les événements marquants, les joies et les peines, ainsi que les fruits et enseignements reçus pour continuer notre chemin de sainteté.
Quand en septembre 2019, le supérieur général des jésuites, le P. Arturo Sosa, lançait l’invitation à une Année ignatienne du 20 mai 2021 au 31 juillet 2022, personne n’imaginait à quel point ces mois seraient éprouvants : pandémie avec, pour notre pays, confinements et 150 000 morts ; publication du rapport Sauvé, terrible et salutaire, sur les abus sexuels dans l’Eglise ; guerre en Ukraine, avec son cortège d’horreurs. Quelle concomitance ! Cela a conduit les jésuites et la famille ignatienne à vivre sans doute à une plus grande profondeur la mémoire de la conversion d’Ignace de Loyola, 500 ans après sa blessure à Pampelune (20 mai 1521) et 400 ans après la canonisation du chemin de sainteté qu’il a ouvert (12 mars 1522).
Ce 31 juillet, en la fête de saint Ignace, l’Année s’achève, dans le renouvellement de la consécration de la Compagnie de Jésus au Cœur de Jésus. Quel regard porter sur ces mois écoulés ?
Se rassembler pour partir à la rencontre
Nous ne nous sommes certes pas « laissé voler la joie » de ce temps mémoriel et nous avons désiré accueillir l’appel renouvelé à la conversion, au cœur même de ce que notre humanité et notre Église traversent.
Nous l’avons d’abord fait au cours du rassemblement Au large avec Ignace à Marseille, qui a rassemblé à la Toussaint 2021 plus de 7000 personnes sous des pluies diluviennes. Joie des multiples rencontres : ces dernières décennies, les ignatiens sont vraiment devenus une famille ; dynamisme des ateliers et des veillées : je garde au cœur le temps de prière pour les migrants morts en chemin, sur la route de l’exil, ainsi qu’une assemblée sur les abus sexuels dans l’Eglise ; profondeur du Congrès de la Communauté de Vie Chrétienne ; expérience puissante d’une Église en sortie : nous sommes allés, par petits groupes, à la rencontre des paroisses et des réalités humaines et ecclésiales si contrastées de Marseille.
Aller de l’avant
Je reste habité par la grande célébration eucharistique de la Toussaint, présidée par le futur cardinal de Marseille, Mgr Jean-Marc Aveline. La liturgie simple a été marquée par une grande intériorité. Des enfants, au terme d’une course joyeuse, ont transmis au diacre l’évangéliaire, dans un relais inversé de la transmission : ce sont bien les enfants et les tout petits qui nous communiquent l’Evangile, et cet Evangile, ce sont les béatitudes de Jésus, chantées dans l’assemblée.
Mgr Aveline a alors donné la parole à une femme, Sœur Christine Danel, supérieure générale de la Xavière, pour commenter la Parole de Dieu. Cette parole de femme, nous invitant vigoureusement à aller de l’avant, avait les accents prophétiques d’une autre manière d’être en Eglise. Comme en réponse, c’est depuis l’assemblée que les prêtres ont concélébré, eux qui sont membres du peuple de Dieu. Cette célébration était ainsi symboliquement partie prenante du chemin synodal engagé avec l’Eglise tout entière, et elle nous a fait du bien.
Dans la multiplicité des événements qui ont jalonné cette année ignatienne, comment ne pas évoquer aussi la belle rencontre d’une centaine de jeunes jésuites le 12 mars dernier à Montmartre, lieu de l’engagement initial de saint Ignace et de ses premiers compagnons ?
Désirer « aider les âmes »
Le long travail de conversion qu’a vécu Ignace, après avoir été blessé à Pampelune par le fameux boulet de canon a trouvé progressivement une réponse : aider les âmes. Une parole du pape François m’a profondément éclairé et consolé : Ignace a échoué dans les rêves qu’il avait pour sa vie. Mais Dieu avait un plus grand rêve pour lui. Il s’agissait d’aider les âmes.
Ignace ouvre un chemin de sainteté à celles et ceux qui veulent servir le Christ ; il prend la forme de désirer, à notre tour, aider les âmes. Ce chemin, nous l’avons creusé cette Année, et une moisson de questions et de réponses personnelles, à l’intime, nous est venue, dans la mémoire des « boulets », blessures ou impasses, qui ont jalonné notre recherche de Dieu et nos chemins de foi. Ignace a fait l’expérience de la mort imminente, il s’est progressivement ouvert à la joie qui vient de Dieu, et la joie est devenue la boussole de sa vie et des Exercices spirituels qu’il propose, pour aider autrui dans son combat. En chemin, il a été conduit à « voir toutes choses nouvelles ».
Gageons que beaucoup, au cours de cette année, auront été amenés à voir leur existence autrement, dans la lumière de la foi et l’expérience renouvelée de la joie, avec des raisons neuves d’espérer. Et le désir partagé d’aider les âmes, ce feu intérieur, est devenu un peu plus le ressort secret de leur existence.