« Carême infirmé » : méditation du P. Vincent Klein sj à partir de l’Évangile du mercredi des Cendres

Depuis Marseille, le P. Vincent Klein sj partage sa méditation pour entrer en Carême, à partir de l’Évangile du mercredi des Cendres (Mt 6, 1-6 ; 16-18).

« Mais toi, quand tu fais l’aumône, que ta main gauche ignore ce que fait ta main droite » (Mt 6, 3).

carême vincent klein Voilà plusieurs années maintenant que ma droite a décidé de n’en faire qu’à sa tête. Sans doute ne supportait-elle plus d’être soumise à un rythme de vie effréné. Alors elle s’est mise en grève, comme un partenaire de tandem décide, épuisé, de ne plus pédaler. La gauche y croit toujours et prend le relais autant qu’elle le peut. Se sent-elle coupable de ne pas avoir remarqué les multiples signaux d’alarme que lui lançait sa jumelle ? La voilà maintenant à son chevet, elle redouble d’égards envers elle, mais la droite est de plus en plus sourde, pauvre et dépouillée.

« Mais toi, quand tu pries, entre dans ta chambre, ferme ta porte, et prie ton Père qui est là dans le lieu secret » (Mt 6, 6). « Quand la foule eut été renvoyée, il entra, prit la main de la jeune fille, et la jeune fille se leva » (Mt 9, 25).

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Oratoire de Manrèse © Centre spirituel jésuite de Manrèse

Une moitié de moi courbe l’échine et regarde vers le bas. Est-elle morte ou simplement endormie, comme la fille du chef de synagogue ? Dehors une foule bruyante s’affaire autour de la maison et les chants funèbres se multiplient. Il y a tant de joueurs de flûte sur nos écrans, tant d’experts raisonnables dans les médias. Seigneur, quand viendras-tu chasser les vendeurs du temple de ton corps, que je puisse t’accueillir au plus secret de ma chambre, porte fermée ? Ce jour-là, je le sais, dans le silence d’un cœur enfin chaste, sans partage et sans division, j’entendrai ta voix. Alors tu viendras prendre ma main endormie, tu me relèveras et je pourrai te louer et célébrer l’unité de mon être enfin retrouvée.

« Quand tu jeûnes, parfume ta tête et lave ton visage, afin de ne pas montrer aux hommes que tu jeûnes, mais à ton Père qui est là dans le lieu secret » (Mt 6, 17-18). « Jésus dit à l’homme qui avait la main sèche : lève-toi, là au milieu (…). Étends la main. Il l’étendit et sa main fut guérie » (Mc 3, 3.5).

© Vincent Klein

Chemins en Provence © Vincent Klein

Sècheresse, désert de la soif, ces termes résonnent en moi. Je me suis parfumé la tête et lavé le visage, car je souhaite rester discret comme l’homme à la main desséchée. Il n’avait rien demandé, mais tu l’as invité à se lever et à se mettre au centre. Tu comprends sa réticence ? Être mis en avant comme un cas intéressant pour la médecine ou pour la curiosité populaire, ça non ! Sur ta parole, il quitte le vêtement de la honte qui lui colle à la peau, puis il se lève et se tient là, en plein milieu. Tu lui demandes ensuite d’étendre sa main atrophiée qui ne répondait pourtant plus à ses injonctions. Mais la foi guérit et l’audace libère. Est-ce que moi aussi, dans l’obéissance, j’entendrai ta parole qui délie mes liens, tout ce qui m’empêche de marcher avec toi sur les chemins de Pâques ?

P. Vincent Klein sj,
Communauté jésuite Notre Dame des Missions à Marseille

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