Centres fermés et familles séparées : l’alerte du JRS Belgium
Après une année d’enquête au sein des centres de détention administrative pour les personnes étrangères en Belgique, le JRS Belgium publie un rapport sur les conséquences psychologiques, sociales et financières de la séparation des familles.
Depuis sa fondation, le Jesuit Refugee Service Belgium visite chaque semaine les centres fermés où sont détenus les étrangers qui n’ont pas de titre pour séjourner sur le territoire. L’ONG a mené des entretiens auprès de 317 personnes placées en détention au sein de trois des six centres de détention administratives que compte le pays (Bruges, Caricole et Merksplas). Des pères, des mères, des conjoints sont détenus, et parfois rapatriés, alors qu’ils sont en couple ou ont des enfants à l’extérieur.
Un enfermement qui fragilise toute la famille
D’après le JRS, 40% des personnes détenues interrogées ont des proches à l’extérieur. Le rapport du JRS dénonce le fait que la situation familiale d’une personne n’est jamais prise en compte par les autorités dans la décision de recourir à la détention. Le fait d’avoir une compagne et/ou des enfants (dans la grande majorité des cas rencontrés, il s’agit de citoyens et d’enfants de nationalité belge) ne constitue pas non plus un facteur favorable à une remise en liberté. Si, théoriquement, la détention ne doit pas dépasser huit mois, dans les faits, les délais peuvent être plus longs. « Ces personnes sont enfermées non pas en raison d’un crime ou d’un délit qu’elles auraient commis mais en raison de leur statut administratif » indique Nicolas Wéry, responsable du plaidoyer au sein du JRS Belgium. L’enfermement et l’attente quant au traitement de leur situation affecte la santé mentale des personnes détenues et celle de leur famille. Les conditions de détention entrainent aussi une rupture sociale et fragilisent l’équilibre financier familial puisqu’elles s’accompagnent souvent de la perte d’un salaire pour le foyer.
Des procédures liberticides
En pratique, la détention peut viser toute personne arrêtée à la frontière, dont le visa a expiré ou dont la demande d’asile a été refusée et toute personne entrée de façon irrégulière sur le territoire ou dont le statut de séjour a été révoqué. Le plus souvent, cette détention débouchera sur un rapatriement ou une libération assortie d’un « OQT » : un ordre de quitter le territoire. Dans les deux cas, continuer à mener une vie familiale ordinaire est impossible. « Intenter les procédures familiales en détention est un vrai casse-tête pour les familles » alerte le JRS dans son rapport. En effet, lors d’une décision de retour et d’éloignement, un appel de la décision peut être introduit dans les dix jours, un délai très court pour trouver un avocat et entamer les démarches donc les recours sont très rares. Des migrants se voient ainsi renvoyés vers leur pays d’origine alors que leurs proches vivent en Belgique. Pourtant le droit à l’unité familiale est garanti par le droit au respect de la vie privée et familiale, un droit consacré par la Constitution, la Déclaration universelle des droits de l’homme et la Convention européenne des droits de l’homme, rappelle le rapport.
Renforcer la protection juridique des familles et l’intérêt de l’enfant
Face à ce constat, le JRS plaide en faveur d’un renforcement de la protection juridique et demande que la famille « devienne une pierre angulaire et non un aspect négligé dans le processus de décision entourant la détention et l’éloignement de personnes migrantes « . Le rapport liste des recommandations pour mieux protéger la vie familiale comme l’inscription dans la loi de l’interdiction de la séparation des familles, des alternatives à la détention respectueuses du droit à la vie familiale, privilégier l’intérêt supérieur de l’enfant avant chaque prise de décision de retour et de détention et faciliter les démarches de regroupement familial.
Pour aller plus loin :
Le rapport complet « Séparation de familles par la détention – Rapport JRS Février 2024 » est à retrouver sur jrsbelgium.org