Comme saint Charles de Foucauld, revisiter notre histoire par les yeux de Dieu
Jésuite du Proche Orient, Tony Homsy sj fait partie de la communauté jésuite de Versailles. Ordonné diacre le 2 avril 2022 en l’église Saint Sulpice à Paris, il sera ordonné prêtre le 13 août prochain à Beyrouth. À l’occasion de la messe célébrée au lycée Sainte-Geneviève (Ginette) à Versailles le 15 mai, jour de la canonisation de Saint Charles de Foucauld, il a prononcé l’homélie et invité chacun à revisiter sa vie, avec ses hauts et ses bas, ses succès et ses échecs et à chercher ainsi comment vivre l’amour de Dieu ici et maintenant.
Saint Charles de Foucauld… Aujourd’hui, l’Église catholique l’a déclaré saint et c’est une grande fête pour la famille du Lycée Sainte-Geneviève (Ginette), Charles de Foucauld étant lui-même, comme vous, ancien de Ginette et appelé à la sainteté.
Pour revenir aux lectures d’aujourd’hui, la première lecture parle de l’histoire de l’église primitive, et plus précisément du premier voyage missionnaire de Barnabé et Paul. Laissez-moi vous rappeler le contexte de cette histoire.
Cette église envoie Barnabé et Paul, et nous voyons que ce binôme passe rapidement par de nombreuses villes. Effectivement, nous savons qu’ils sont à Pisidie – les juifs les ont expulsés parce qu’ils ont dit que le salut était pour tous. Ils passent ensuite à Iconium. Ils sont de même persécutés et presque lapidés parce qu’une partie de la ville réussit à semer la suspicion. Puis ils passent par Lystre. Là-bas, les païens essaient de déifier le binôme après que Paul guérit un paralysé. Et quand Paul et Barnabé refusent ceci, les gens lapident Paul qui s’échappent miraculeusement.
En fait, il ne s’agit pas de voyages rapides, pour rentrer directement de Derbé à Antioche, qui étaient très proches par voie terrestre en fermant la boucle, mais plutôt d’une revisite de lieux qui portent dans leur mémoire un peu de succès et beaucoup d’échecs et de persécutions. C’est ce qu’ils ont essayé de partager avec leur communauté d’Antioche. Ils ont ainsi témoigné des œuvres du Seigneur au milieu des difficultés. Et ils pardonnaient, ils pardonnaient à ceux qui les haïssaient. Ils étaient toujours fidèles au message de la Croix.
Saint Charles de Foucauld n’était pas loin de cette dynamique dans sa vie… La biographie de ce saint, et de bien d’autres, n’est pas une histoire idéale. Il s’agit plutôt d’une histoire personnelle qui témoigne de l’œuvre de Dieu dans une vie. Il n’a pas eu honte de dire qu’il avait connu des doutes et perte de foi durant ses années d’études, avant de rejoindre l’école militaire, et que sa conversion était due au fait qu’il avait été témoin de la sincérité des musulmans dans leurs prières… Revisiter sa propre histoire lui a permis une relecture de sa vie qui est un chemin dans lequel Dieu l’a toujours accompagné.
Nous pouvons lire dans son autobiographie un exemple de cette dynamique, quand il a pris sa décision d’entrer à la Trappe après une retraite au centre spirituel jésuite de « Manrese » : « Je suis rentré hier de Clamart, et j’y ai pris enfin la décision d’entrer à la Trappe ».
La clé de cette lecture réside dans le dernier et le nouveau commandement de Jésus : aimer comme Jésus nous aime.
Il s’agit de garder en tête le « pourquoi » ! N’oublions pas pourquoi nous aimons, et pourquoi Dieu donne à chacun de nous certains dons spirituels. Pourquoi sommes-nous chrétiens ? C’est pour nous permettre de glorifier le Père par nos œuvres. Jésus lui-même a demandé à son Père de glorifier Dieu par ses œuvres, par son amour, et surtout par l’amour qui pardonne.
Cet amour s’est manifesté sur la Croix. C’est ce que Barnabé et Paul ont compris lorsqu’ils ont témoigné qu’il fallait traverser des épreuves pour entrer dans le royaume des cieux. L’amour connaît sa profondeur lorsqu’il est frotté et scruté par le feu.
Aussi, Saint Charles de Foucauld a compris l’amour de Jésus-Christ. Il était ouvert au monde et a vécu profondément le sens de la fraternité universelle, d’abord, en revisitant son histoire personnelle par sa conversion et en admettant sa vie de péché, comme l’a fait Saül après avoir persécuté les chrétiens. Deuxièmement, par la retraite, la solitude et la prière, et c’est ce que Foucauld a vécu à Nazareth, ainsi que Paul dans le désert arabe… Et troisièmement, la traduction de cet amour en un désir de communiquer et de connaître l’autre. Saint Charles de Foucauld s’est dirigé vers le désert d’Algérie. Il y a fait connaissance avec les musulmans de différentes races, religions et cultures. De même, Paul est reparti et a fait connaissance avec les chrétiens de la communauté d’Antioche. Il a ouvert son message au monde païen après avoir été un pharisien zélé.
Aujourd’hui, je vous invite à garder vos souvenirs, avec ses hauts et ses bas, vos succès et vos échecs… tels qu’ils sont ! À les revisiter, à chercher comment vivre l’amour de Dieu ici et maintenant. En acceptant Son Amour comme un don dans notre réalité, dans les personnes qui nous entourent et dans notre histoire personnelle.
Le christianisme ne nous appelle pas à effacer notre histoire et à la reconstruire à nouveau… C’est une vision déformée de la vie du royaume. Il n’y a pas d’interruption entre maintenant et l’éternité.
Bien que la vieille terre et le vieux ciel disparaissent, l’histoire continue et le royaume de Dieu a commencé avec l’incarnation du Christ, et il nous invite à l’achever. Comment ? Avec amour, en rendant grâce. Alors, nous dirons avec Saint Charles de Foucauld, sur nos chemins vers la sainteté : « Mon Père, Je m’abandonne à toi, fais de moi ce qu’il te plaira. Quoi que tu fasses de moi, je te remercie ».
Tony Homsy sj,
Communauté Pierre Teilhard de Chardin à Versailles
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Article publié le 20 mai 2022