Coronavirus, un « mal commun » ?

Le P. Marcel Rémon sj est le directeur du Centre de Recherche et d’Action Sociales (CERAS). Il partage sa réflexion à la revue Projet sur l’épidémie du Covid-19 en rapport avec la notion de « bien commun » : le coronavirus n’est-il pas un mal partagé collectivement, la face sombre de certains communs ?

Coronavirus Marcel Rémon L’épidémie du Covid-19 nous prend littéralement à la gorge. À l’heure d’écrire cet édito, ce 19 mars, le Nord de l’Italie doit choisir à qui prodiguer des soins ou non et la France déclare l’état d’urgence sanitaire afin de ralentir, pas d’arrêter, la propagation du virus et son funeste cortège.

Il est de bon ton de parler dans cette revue de biens communs. Le coronavirus nous entraîne de l’autre côté du miroir. Explication. Les biens communs sont des biens partagés en commun, comme une copropriété ou une planète. Le coronavirus n’est-il pas un mal partagé collectivement, la face sombre de certains communs ?

Le Covid-19 nous rappelle que l’économie est affaire de contacts humains, que sans échange physique, il n’y a plus de commerce.

Prenons l’exemple de ce commun qu’est l’économie globalisée. Côté face, on nous prédit que les réseaux, l’intelligence artificielle et la robotisation seront les caractéristiques des futurs échanges planétaires. Le monde deviendrait une immense toile d’individus virtuellement connectés, un archipel d’îles individuelles. Côté pile, le Covid-19 nous rappelle que le monde est réellement connecté, que l’économie est affaire de contacts humains, que sans échange physique, il n’y a plus de commerce. Finalement, tous nos biens échangés, quels qu’ils soient, sont des biens partagés, des biens communs à un certain degré.

Le virus s’est attaqué aux relations réelles en nous les rendant contagieuses et donc « dignes d’intérêt ». On ne peut plus ignorer notre voisin, surtout s’il se met à tousser. L’indifférence n’est plus de mise dès que nous sommes en contact.

Garrett Hardin, dans sa tragédie des communs, affirme que trois solutions existent pour éviter l’épuisement incontrôlé et inexorable des communs : la privatisation des biens disponibles ; le contrôle d’autorité via la peur du gendarme ; le contrôle social démocratiquement accepté via l’éducation civique et citoyenne. La première proposition est à écarter car elle fait l’impasse sur la gestion commune, alors que les deux dernières solutions entendent empêcher les « passagers clandestins », qui profitent des communs sans participer à leur entretien.

Il reste le sens civique, le bon sens et l’entraide entre victimes.

Face au coronavirus, ce « mal commun », la tragédie des communs va-t-elle se vivre au carré, ou va-t-elle produire son contraire ? Telle est ma réflexion actuellement.

La tentation est grande de choisir la solution de privatisation de son espace de vie (masque, isolement, télétravail). Le contrôle d’autorité, à la chinoise, ne nous semblait pas envisageable ici en Occident, mais on a vite fait machine arrière dans nos préjugés. Il reste le sens civique, le bon sens et l’entraide entre victimes. Le « mal commun » met en lumière la nécessité d’un agir commun, d’une coresponsabilité. Que ce soit face au coronavirus ou au réchauffement climatique, la résilience sera collective ou ne sera pas.

P. Marcel Rémon sj

> Source de l’article : revue Projet

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