Croire en l’homme : éclairage du P. Charles Delhez sj sous le regard d’Etty Hillesum
Oser croire en Dieu pour pouvoir croire en l’homme. Depuis Louvain-la-Neuve, le P. Charles Delhez sj partage cet éclairage de Carême en s’inspirant des écrits d’Etty Hillesum dont le chemin spirituel est d’une étonnante actualité.
« Croyez-vous en Dieu ? – Non, mais je crois en l’homme. » Cette réponse me surprend à chaque fois. Il m’est plus facile de croire en Dieu, que je ne vois pas, mais dont je peux apercevoir des traces, qu’en l’homme dont je vois trop souvent la turpitude, la méchanceté, l’orgueil.
J’irais jusqu’à dire : je crois en Dieu, malgré l’homme. Bigre, que le mal peut être inventif et pervers, cruel et meurtrier ! Hélas, l’actualité me donne une fois de plus raison. Et il n’y a pas que ce qu’on lit dans les journaux, mais aussi ce dont on est témoin trop souvent. Le mal est champion dans l’art de se cacher et de préserver les apparences. Je ne suis bien sûr pas sur le banc des meilleurs, tandis que les méchants du fond de la classe seraient les autres.
Croire en l’homme est un acte de foi peut-être plus difficile que de croire en Dieu. Mais je veux le poser. « Dieu vit que cela était très bon », affirme la Bible dès la première page, après avoir créé l’être humain homme et femme, « à son image et à se ressemblance ». Incroyable ! Cette ressemblance est parfois si défigurée. Je veux cependant faire mienne cette phrase qui ouvre la Bible. Elle est un cri d’espérance. Elle invite à ne jamais désespérer au sujet de l’homme, cette créature qui ne semble pas à la hauteur des responsabilités qui lui ont été confiées.
En une période plus troublée encore que la nôtre, elle ose croire en Dieu pour pouvoir croire en l’homme. Et elle comprend que le premier lieu de notre action, c’est nous-mêmes. Elle nous invite à « défricher en nous-mêmes de vastes clairières de Paix et les étendre de proche en proche, jusqu’à ce que cette Paix irradie vers les autres ». Ce qui est en mon pouvoir, c’est tout d’abord moi-même, peu de chose dira-t-on ! Certes, mais commençons par là.
Le Carême tombe donc à point nommé pour me remettre en conversion, pour traquer en moi tout germe de mal, et surtout, pour cultiver le bien, la gratuité, la bonté, la générosité. 40 jours pour prendre conscience que c’est à nous de sauver le projet de Dieu : « Il m’apparaît de plus en plus clairement, à chaque pulsation de mon cœur, disait-elle encore à Dieu, que tu ne peux pas nous aider, mais que c’est à nous de t’aider et de défendre jusqu’au bout la demeure qui t’abrite en nous. » Aider Dieu ! Pas moins que cela. Telle est notre étonnante liberté.
P. Charles Delhez sj,
Communauté jésuite de Louvain-La-Neuve
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Article publié le 16 mars 2022