« Dans la nuit ukrainienne, la lumière de l’espérance » : témoignage du P. Vitaliy Osmolovskyy sj

Depuis l’invasion de l’Ukraine, la Pologne a accueilli près de trois millions de réfugiés. Les jésuites polonais se mobilisent pour soutenir et accompagner ces personnes, souvent des femmes et des enfants. Originaire d’Ukraine, membre de la Province polonaise du Sud, le P. Vitaliy Osmolovskyy sj (41 ans) préparait une thèse de théologie à Berkeley (Californie) lorsque le conflit éclata. Répondant à l’appel du Supérieur général, ce polyglotte – il maîtrise l’ukrainien, le polonais, le russe, l’italien et l’anglais – rentra en Pologne pour y coordonner les secours d’urgence et planifier une aide à plus long terme. Il nous parle de sa mission.

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Une volontaire du JRS avec des réfugiés à la frontière entre l’Ukraine et la Roumanie. © M. Giarracca/JRS)

Avec la Mission « Jésuites pour l’Ukraine » composée d’une équipe de cinq personnes et de bénévoles, nous nous rendons une à deux fois par semaine à la frontière
ukrainienne pour apporter des vivres et des fournitures et ramener des personnes réfugiées. Les hommes amènent leur famille à la frontière puis repartent sur le front. Ce qu’il y a de plus difficile pour moi : être témoin de l’au-revoir – peut-être un adieu – d’un mari à son épouse, d’un père à ses enfants. Je suis le spectateur impuissant d’un moment intime, mystérieux et si douloureux. Dans mon action humanitaire, je dois contenir mes émotions. Une fois seul, dans ma prière, je me reconnecte à mes sentiments, à Dieu, et je pleure… Mes larmes agissent comme une purification de la souffrance et de la douleur.

Solidarité humaine

Depuis l’invasion russe, la Pologne a accueilli trois millions de réfugiés. Mais on ne les voit pas dans les rues : il n’y a ni camps, ni centres d’hébergement, car les Polonais, très hospitaliers, les accueillent chez eux.

Toutes nos communautés jésuites sont mobilisées, soutenues par de nombreux bénévoles. L’aide que nous apportons est très variée. Certains lieux fonctionnent comme des « hubs » humanitaires, fournissant des produits alimentaires et d’hygiène, un soutien psychologique et une assistance médicale. Des personnes reprennent des forces durant quelques jours, puis poursuivent la route à l’étranger : nous les orientons vers la France, l’Espagne, la Croatie, l’Allemagne ou l’Italie… Un petit nombre a choisi de rentrer en Ukraine. Nous logeons actuellement 150 réfugiés dans nos maisons. Nous sommes à la fois présents en Ukraine (à Khmelnitski et à Lviv, siège du JRS) et en Pologne (à Varsovie et dans six autres villes). Certaines personnes ne peuvent pas se déplacer facilement : nous hébergeons par exemple une jeune fille souffrant d’une maladie rare et sous respirateur d’oxygène. Par ailleurs, les enfants souffrent de syndromes traumatiques liés à la guerre et nous essayons de leur apporter un soutien éducatif et scolaire.

Où trouver la lumière ?

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Pâques : malgré la guerre, célébrer la Vie. Femmes et enfants réfugiés décorent des œufs.

Dans les innombrables rencontres quotidiennes, un regard vrai, le sourire et même le sens de l’humour, léger et empli de respect, apportent une petite lumière dans l’obscurité.
La spiritualité ignatienne m’aide beaucoup pour comprendre ce que vit et ressent la personne en face de moi. J’essaie, par la contemplation et la méditation, d’imaginer ce qu’elle peut ressentir. La foi, une aide pour traverser l’épreuve ? Deux situations extrêmes se rencontrent. Certains croyants sont de plus en plus ancrés dans leur foi : « C’est comme une traversée du désert, et Dieu chemine à nos côtés ». Mais d’autres ne sont plus capables de prier. Récemment, nous avons fêté Pâques. Ce fut douloureux de célébrer la plus grande fête de la Vie alors que la mort est partout… La tradition, dans notre pays, est d’offrir des œufs peints. Nous avons organisé des ateliers créatifs pour les enfants, qui ont pu se concentrer sur ce bricolage et sur ce qui est lumière et vie… Mais cela reste très difficile.

Après la Passion du Christ, vient la Résurrection. Ici, les gens continuent à vivre la Passion. Le peuple ukrainien veut que ses valeurs et son indépendance soient respectées et reconnues. Au-delà de l’agression militaire russe, la tiédeur politique initiale des pays occidentaux et des institutions internationales, mais aussi le silence persistant des pays d’Afrique et du Moyen-Orient ont profondément blessé les citoyens de ce pays.

Quelle est mon espérance ?

ukraine (1) Chaque jour apporte un espoir nouveau, toujours à renouveler. Quand l’amour disparaît, Dieu aussi disparaît… En tant que jésuite, je veux être témoin de la vie, de l’amour. Notre mission consiste à garder vive la flamme de l’espoir, de la paix. Cela passe par le soutien matériel, médical, moral, mais aussi par l’accompagnement… qui requiert silence et écoute. Un proverbe dit : « Si nous avons une bouche et deux oreilles, c’est parce qu’il nous faut écouter davantage. » Alors, j’écoute. Oui, je garde l’espoir de la paix pour le pays : l’espoir de redonner courage… et de manifester la présence de Dieu. Je garde cette capacité d’être un sourire, si léger soit-il. Non pas un sourire sur le visage mais un sourire solidement enraciné dans le cœur. Le peuple ukrainien a besoin de votre amitié, de votre prière et de votre soutien matériel. Continuons à prier et à œuvrer pour la paix.

Propos recueillis le 10 mai
par le P. Sébastien Majchrzak sj
et Mme Caroline Jeunechamps

Dossier spécial sur la guerre en Ukraine

couverture dossier spécial des jésuites guerre en ukraine La guerre entre la Russie et l’Ukraine a éclatée le 24 février dernier. Les jésuites d’Europe occidentale francophone expriment leur solidarité avec la population ukrainienne durement éprouvée par ce conflit et avec tous ceux qui viennent en aide aux personnes déplacées de force en Ukraine.
Dans les pays limitrophes, en Pologne et en Romanie notamment, les jésuites se mobilisent pour venir en aide aux réfugiés et aux très nombreuses personnes déplacées. Retrouvez dans ce dossier des éléments pour mieux comprendre la situation en Ukraine, pour prier pour la paix et pour soutenir l’aide à la population ukrainienne. > Lire le dossier

Urgence Ukraine : faire un don

Pour soutenir la mission des jésuites pour l’Ukraine, il est possible d’adresser vos dons au JRS Europe (sans reçu fiscal).

Cet article a paru dans la revue Échos jésuites (été 2022), la revue trimestrielle de la Province d’Europe Occidentale Francophone. L’abonnement, numérique et papier, est gratuit. Pour vous abonner, merci d’envoyer votre mail et/ou votre adresse postale à communicationbxl [at] jesuites.com.

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Article publié le 10 juillet 2022

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