Décès du Père jésuite Xavier Tilliette, philosophe et écrivain
Le Père Xavier Tilliette, jésuite, est décédé à Paris, le 10 décembre 2018, à l’âge de 97 ans. Philosophe de notoriété internationale, il est l’auteur d’une œuvre importante et durable.
Né en 1921 dans la Somme, il est entré au noviciat de la Compagnie de Jésus à Laval en 1938. Après les années de formation, à la fois littéraire, philosophique, puis théologique à la Faculté de Lyon-Fourvière, il est ordonné prêtre dans cette même ville en 1951 par le Cardinal Gerlier. Orienté vers l’enseignement de la philosophie, il exerce tout d’abord au collège Saint Louis de Gonzague à Paris (Franklin), avant d’être appelé dans la maison de formation des jésuites à Chantilly.
Il enseigne par la suite à l’Institut Catholique de Paris, à l’Université Grégorienne de Rome, au Centre Sèvres-Facultés jésuites de Paris, tout en assurant d’innombrables interventions en divers lieux du monde.
En 1970, le P. Xavier Tilliette soutient sa thèse de doctorat en philosophie sur Schelling, une philosophie en devenir : thèse monumentale, de quelque 1200 pages, qui consacre en lui un spécialiste incontesté de cet auteur. Schelling et l’idéalisme allemand ont été le terreau de son œuvre, mais celle-ci, riche d’environ deux mille titres parus en différentes langues (ouvrages, articles, préfaces, etc.), n’a jamais manqué de s’ouvrir à d’autres préoccupations. Ce fut en particulier un intérêt croissant pour une réflexion sur le rapport de la philosophie et de la théologie, donnant des pages remarquablement informées sur la christologie des philosophes, ou encore les Philosophies eucharistiques de Descartes à Blondel, l’un de ses derniers ouvrages, paru en 2006. La phénoménologie de Husserl comme les différentes expressions de l’existentialisme français retinrent son attention. Au-delà de la philosophie, mais la rencontrant toujours, la littérature, la poésie en particulier trouva toujours chez lui un intérêt vital. Paul Claudel fut une référence majeure, une source d’inspiration dans son témoignage de la foi chrétienne ; il lui consacra de nombreuses chroniques littéraires dans la revue Etudes et édita certaines de ses lettres. Plus inattendu peut-être, mais non moins réel chez cet intellectuel austère, fut un intérêt pour le cinéma, qui passait aussi par la réflexion et se traduisit par une collaboration à la revue Positif et aux Études cinématographiques.
Le P. Xavier Tilliette fut un enseignant, un chercheur exigeant, d’une ample culture, d’une érudition sans failles. Unanimement respecté pour la qualité de son travail, il fut honoré de deux prix de l’Académie Française, de nombreuses distinctions, en particulier en Allemagne et en Italie, pays avec lesquels il développa d’amples liens de collaboration. Il fut l’ami ou le disciple d’un nombre impressionnant de personnalités intellectuelles du XXe siècle, et toujours parmi les plus grandes, les plus créatives, que ce soit dans le champ de la théologie ou de la philosophie : paradoxe d’un tempérament parfois ressenti comme distant, voire critique avec ses proches, mais aux amitiés fidèles.
Le souci d’une réflexion rigoureuse faisait intimement partie de sa vocation de prêtre jésuite ; il sut ainsi témoigner du dialogue de la foi et de la culture, dans une diversité de ses expressions. En un temps où la recherche philosophique pouvait et peut être encore moins honorée qu’auparavant, il avait le souci d’en montrer la force et la pertinence, l’obligation même pour l’Église, aujourd’hui plus que jamais. Il entendait exprimer combien raison et foi, dans leur rencontre, sont essentielles à la recherche et à la découverte de la Vérité ; cette exigence était une préoccupation ; elle orientait sa pensée, elle animait son enseignement.
Miné par la maladie, réduit progressivement par elle au silence, le P. Xavier Tilliette vécut ses dernières années dans une obscurité croissante. On mesure le sacrifice que pouvait représenter pour lui l’arrêt de ce qui comptait tellement dans sa vocation. Mais pour ce religieux, cet homme d’intelligence et de conviction, le temps de l’épreuve devait s’inscrire jusqu’au bout au cœur de sa foi.
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