Deux jésuites belges à Taiwan
Au milieu des années 1980, le Père Hans Kolvenbach, Supérieur Général entre 1983 et 2008, invita les Provinciaux jésuites du monde entier à considérer l’envoi de jeunes recrues au service de l’apostolat chinois. La Province de Belgique méridionale accepta alors d’envoyer deux de ses jeunes membres à Taiwan pour se préparer à cette mission particulière : Corneille Hermans et Olivier Lardinois, tous deux nés à Bruxelles en 1964.
Au service des aborigènes de Taïwan
Olivier Lardinois est arrivé sur l’île de Taïwan en 1990 pour effectuer deux années de coopération en lieu et place de son service militaire, dans un centre d’accueil pour handicapés cérébraux : Huan Kuang situé dans la belle campagne vallonnée et verdoyante de la préfecture de Hsinchu. À la fin de ses deux ans de service social et éducatif, Olivier consacra une troisième année à perfectionner sa connaissance du chinois mandarin. Ensuite, il effectua un premier cycle de théologie de trois ans à la faculté jésuite de théologie de Fujen (Taïpei). Après un second cycle de théologie de deux ans à Lumen Vitæ (Belgique) et son ordination sacerdotale, Olivier reçut en 1998 sa première mission, qu’il exerça pendant presque 15 ans : pasteur auprès des communautés catholiques aborigènes montagnardes Tayal du district de Hsinchu, spécialement en charge de la pastorale des jeunes, ainsi que responsable du suivi de la formation pastorale des étudiants aborigènes (séminaristes diocésains, religieuses et laïcs) au théologat de Fujen.
Les aborigènes de Taïwan sont les descendants des populations austronésiennes arrivées dans l’île bien avant les premiers migrants chinois débarquant à Taïwan à partir du 16e siècle. Ils constituent aujourd’hui moins de 5 % de la population de l’île, soit quelque 500 000 personnes sur 24 millions d’habitants, mais plus de 85 % d’entre eux se convertirent au christianisme catholique ou protestant dans les années 1950-60. Durant ces 15 années de résidence et de travail en montagne, Olivier fut aussi un membre actif de la commission interdiocésaine taïwanaise pour l’apostolat aborigène, et il participa à la création d’une revue annuelle de théologie et pastorale aborigène : « Yuan Mu ». En outre, il aida, entre 2006 et 2016, à l’organisation en Chine de sessions estivales de formation pour séminaristes et catéchistes des communautés catholiques Hmong/Miao, Kachin, Yi et tibétaines de la province du Yunnan.
Début 2013, Olivier Lardinois quitta le district de montagne du diocèse de Hsinchu pour Taïpei afin de prendre en charge la coordination de la formation de la Province jésuite chinoise. Cette nouvelle mission consistait à redéfinir et accompagner, avec l’aide d’une petite équipe, les étapes de la formation d’une cinquantaine de novices, scolastiques et jeunes prêtres jésuites chinois, taïwanais ou étrangers se destinant à l’apostolat chinois.
Un promoteur du Mouvement Eucharistique des Jeunes (MEJ)
Arrivé à Taïwan en 1994, Corneille Hermans commença le cursus de formation traditionnel des jeunes jésuites étrangers qui se destinent à la mission chinoise : deux années d’apprentissage intensif du mandarin, une troisième année de travail pastoral permettant un usage plus pratique de la langue et enfin trois années de premier cycle de théologie au théologat de Fujen. Corneille travailla ensuite pendant un an comme vicaire dans la paroisse du Sacré-Cœur, une des deux paroisses jésuites du centre-ville de Taïpei. Cette année de travail paroissial qui précéda son deuxième cycle de théologie, permit à Corneille de faire connaissance avec le Mouvement Eucharistique des Jeunes (MEJ) dont il deviendra plus tard un promoteur actif. À la fin de ses études en 2005, Corneille fut nommé vicaire, et puis très vite, curé de la paroisse principale de Chutung, une ville industrielle du diocèse de Hsinchu, qui se situe au pied du district pastoral aborigène jésuite de Taïwan. Cette paroisse autrefois majoritairement peuplée de paroissiens sino-taïwanais Hakka, accueille de nombreuses familles catholiques aborigènes qui ont immigré dans la ville afin de s’assurer un avenir meilleur. C’est là que Corneille acquit facilement l’affection des nombreux jeunes et des enfants de la paroisse, qu’il engagea progressivement dans les activités du MEJ local dont il est aujourd’hui encore un fervent animateur.
Promouvoir la foi, la justice et le dialogue interculturel
Suite au départ d’Olivier du district de montagne de Hsinchu, Corneille quitta la ville de Chutung pour prendre en charge deux des paroisses dont Olivier avait été curé : Jianshi-Naluo en basse montagne (région de culture de bambous) et Xiuluan en haute montagne (région de vergers et de culture de légumes et de champignons). Corneille qui héritait de deux solides conseils pastoraux, consacra son temps à la formation des leaders de ces deux paroisses et continua aussi à donner une part importante de son travail pastoral à la catéchèse des enfants et à l’animation de la jeunesse. Cette mission d’animation facilita la diffusion des activités du MEJ dans les paroisses non jésuites du territoire pastoral dont Corneille a encore toujours la charge. Depuis l’été dernier, Corneille est retourné à Chutung où il a été nommé curé pour un second mandat. De là, il continue à desservir la lointaine paroisse de Xiuluan qui bénéficie maintenant du soutien humain et logistique de la grosse communauté ecclésiale citadine de Chutung. Sachant que la population aborigène de Taïwan compte une part importante de familles défavorisées s’acclimatant difficilement aux défis de la vie moderne, et que la paroisse principale de Chutung constitue une communauté où aborigènes et chinois vivent une belle communion fraternelle, on ne peut pas manquer de souligner ici que la communauté catholique locale conduite par Corneille est clairement engagée au service de trois des principales priorités de Compagnie de Jésus en ce début de 21e siècle : la promotion de la foi, de la justice et du dialogue interculturel.
Favoriser les synergies entre œuvres Depuis un an, Olivier n’est plus coordinateur de la formation, mais directeur du Tien Center de Taïpei (TEC). Le TEC est un grand bâtiment au centre de la métropole de Taïpei, qui abrite plusieurs œuvres jésuites : une des plus grosses paroisses de la ville, le staff de la Communauté de Vie Chrétienne (CVX) taïwanaise, les locaux des aumôneries catholiques des universités de la capitale, un centre de spiritualité ignatienne, l’Institut Ricci de Taïpei, le réseau jeunesse Magis de la Province chinoise, etc. Le job de directeur du TEC consiste à coordonner la nouvelle équipe pastorale qui a pour mission de favoriser une plus grande synergie entre ces différentes institutions ; mais le directeur doit également veiller à la restauration du bâtiment qui a plus de 50 ans. Outre son travail au TEC, Olivier est membre du staff de l’aumônerie des étudiants catholiques de la National Taïwan University (NTU) où il suit des cours d’anthropologie. Olivier aide également à la redéfinition de la mission de l’institut Ricci de Taïpei (TRI). Après un passé glorieux au service du dialogue culturel entre l’Occident et l’Orient, cette vénérable institution recentre sa mission sur la formation des jeunes jésuites, collaborateurs et amis taïwanais de la Province jésuite chinoise ; elle œuvre à mieux faire connaître l’histoire des jésuites en Chine, ainsi qu’à mieux comprendre les défis actuels des sociétés chinoise et taïwanaise.
Clin d’œil de l’histoire : l’année même où les Provinces de France et de Belgique méridionale/Luxembourg sont réunies, un jésuite belge hérite de la destinée d’une institution où ont travaillé d’éminents sinologues français tels les Pères Yves Raguin (auteur de nombreux ouvrages sur la rencontre des spiritualités,
et ancien coordinateur des « petit et grand dictionnaires de la langue chinoise Ricci »), Jean Lefeuvre (spécialiste en inscriptions oraculaires antiques), Michel Masson et Benoît Vermander.
Olivier Lardinois sj,
Corneille Hermans sj
Zoom sur les jésuites en terre chinoise
La Province jésuite chinoise compte 156 membres résidant à Taïwan (cinq communautés, une faculté de théologie, un centre spirituel, plusieurs paroisses et deux collèges), à Hong-Kong (une communauté, un centre spirituel et deux collèges), à Macao (une communauté et deux collèges) et en Chine continentale. Aucune des sept communautés de la province ne se situe en Chine continentale, mais plusieurs compagnons y travaillent soit à plein temps soit par intermittence. Un peu plus de la moitié des jésuites de la province chinoise ne sont natifs ni de Chine ni de Taïwan.
Un pas de plus
Si vous souhaitez soutenir l’action des jésuites à Taïwan, vous pouvez adresser vos dons aux Œuvres sociales et éducatives des jésuites au Tiers-Monde (OSEJTM) – ASBL, en mentionnant au choix “Aborigènes Hsinchu à Taïwan”, “Formation des jésuites en Chine” ou encore “Institut Ricci Taïpei” (IBAN BE78 2100 9029 1086 – déduction fiscale en Belgique).
Cet article a paru dans la revue Échos jésuites (été 2017), la revue trimestrielle de la Province d’Europe Occidentale Francophone. L’abonnement, numérique et papier, est gratuit. Pour vous abonner, merci d’envoyer votre mail et/ou votre adresse postale à communicationbxl [at] jesuites.com.
En savoir + sur la présence des jésuites à Taïwan, en Chine et en Asie
Article publié le 15 juin 2017