Devenir jésuite, pourquoi ?, par Pierre Molinié sj
Avant d’entrer dans la Compagnie de Jésus, un jeune homme passe par un temps de « candidature ». Pendant quelques mois, voire un ou deux ans, il apprend à mieux connaître les jésuites, jusqu’au moment où il est prêt à entrer au noviciat. Dans la Province EOF, trois jésuites sont chargés d’accompagner cette étape du discernement. Le P. Pierre Molinié est l’un d’eux. Il témoigne.
Quelles sont les raisons qui peuvent pousser un homme à suivre le Christ, et à le faire en entrant dans la Compagnie de Jésus ? Il y a souvent, au départ, une rencontre avec un jésuite. Un aumônier ou un accompagnateur qui marque par une certaine forme de présence, par la solidité de ses enseignements, par la sagesse de ses conseils, par la profondeur de son écoute. Un fruit de cette rencontre est souvent la confiance. Cette rencontre peut en inaugurer d’autres et, de fil en aiguille, dessiner un chemin. Il arrive que l’on fasse alors l’expérience de la disponibilité, voire que l’on s’émerveille, en relisant le chemin parcouru. Ainsi, le jésuite peut faire vivre, à travers lui-même et sans le vouloir, quelque chose de la rencontre avec Celui qui affirme à tout être humain : « Tu as du prix à mes yeux ».
Une tradition spirituelle
La rencontre ou la relecture du chemin peut se produire à un moment décisif de la vie : au retour d’une expérience de coopération, au moment de se lancer dans la vie professionnelle, après une rupture amoureuse… Ayant entendu parler des jésuites, ou simplement des Exercices spirituels, la personne se risque à s’inscrire pour un week-end de relecture ou pour quelques jours d’initiation à la prière. À ces moments où le cœur est ouvert, et où l’on pourrait facilement être blessé ou manipulé, la justesse des paroles ou des silences d’un accompagnateur peut être appréciée. Derrière le jésuite ou l’accompagnateur, apparaît aussi celui qui porte en lui et qui témoigne d’une tradition spirituelle ancienne, vigoureuse et libératrice.
Un corps apostolique
Toutefois on ne devient pas jésuite à cause d’une personne, si formidable soit-elle ; ni à cause d’une spiritualité, aussi nourrissante soit-elle : beaucoup de jeunes, attirés par les manières de faire de la Compagnie de Jésus, discernent que le Christ les invite à devenir, non pas jésuites, mais ignatiens, au cœur de leur vie professionnelle, dans leur séminaire ou dans le mariage. Certains, pourtant, découvrent qu’ils se sentent à l’aise non seulement avec tel ou tel compagnon jésuite, mais dans le corps de la Compagnie lui-même. Un repas pris en communauté, une invitation à une rencontre de jésuites sont des occasions de sentir quelque chose de notre vie de famille, de l’atmosphère qui imprègne nos rapports les plus quotidiens. La simplicité des relations, la place de l’humour, voire de l’ironie mordante, la capacité à débattre, parfois durement, sans mettre en péril une communion vécue dans l’Eucharistie ou à table… Tout cela peut faire fuir, ou au contraire susciter une petite voix qui dit : « En fait, je me verrais bien là ! » Voire : « Puisqu’ils sont si différents les uns des autres et qu’ils arrivent à s’entendre, peut-être y a-t-il aussi une place pour moi ? »
Une parole
Il est bon, parfois, qu’une parole extérieure fasse écho à cette petite voix intérieure. Malgré la légendaire discrétion, voire pudeur ignatienne, un compagnon jésuite ose parfois poser à un jeune homme cette question : « Est-ce que tu pourrais t’imaginer vivre dans la Compagnie ? Y as-tu déjà pensé ? » Ou alors, sous une forme différente : « Tu sais, je crois que tu ferais un bon jésuite. » À cet endroit, beaucoup d’accompagnateurs hésitent, craignant de manipuler l’interlocuteur ou de briser tout net le fragile élan qui monte dans son cœur. Les témoignages ne manquent pas, pourtant, de compagnons qui affirment que de telles paroles les ont encouragés à regarder en face la question de leur vocation, qu’elles leur ont permis d’oser se dire : « Alors, c’est possible ? »
Pierre Molinié sj
Enseignant au Centre Sèvres et coresponsable de la candidature, communauté de Vanves
Entendre l’appel – témoignages
Christian : « Je suis parti comme volontaire au Cambodge et y ai fait la connaissance d’un jésuite. En l’écoutant, je me suis surpris à penser : « Si à son âge, je raconte la même chose, j’estimerais ma vie réussie ». La vie d’un homme engagé pour la mission, capable de contempler Dieu et de lui « donner du poids », spécialement aux périphéries, là où personne ne veut aller. Un homme formé à une vie intérieure structurante et féconde pour se tenir au cœur du monde avec un cœur de moine. Plus tard, j’ai découvert que la Compagnie de Jésus et ses amis formaient une grande famille, un large espace de liberté où j’ai pu vivre le compagnonnage avec le Christ et être signe de son amitié amoureuse pour le monde. »
Sébastien : « Sorti d’un collège jésuite, j’ai rejoint une collocation d’étudiants catholiques durant mes études supérieures. Dès la première année de colocation, je me suis rapproché de la communauté jésuite de Bordeaux. J’y ai rencontré des hommes de Dieu : je garde le souvenir d’hommes heureux, apostoliques (c’est-à-dire toujours au travail) et dotés d’une liberté intérieure sans faille. L’un d’eux, un vieux père, m’a accompagné durant un an et demi. Au terme de cette période, j’ai ressenti un appel intérieur à consacrer ma vie à Dieu, et j’ai vu que je devenais de plus en plus heureux sur ce chemin d’accompagnement. J’ai alors demandé comment devenir jésuite. »
Pour en savoir +
> sur la candidature chez les jésuites
Droits photos
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Cet article est paru dans la revue Échos jésuites (hiver 2020), la revue trimestrielle de la Province d’Europe Occidentale Francophone. L’abonnement, numérique et papier, est gratuit. Pour vous abonner, cliquez sur ce lien ou envoyez vos coordonnées (adresse électronique/postale) à communicationbxl[at]jesuites.com.