Du Châtelard à Loyola, le cheminement passionnant d’un Procureur
Pour faire émerger les questions et défis nouveaux qui se posent à la Compagnie de Jésus, le P. Arturo Sosa, Supérieur Général, a réuni une « Congrégation des Procureurs ». Le P. Thierry Anne sj retrace sa mission et son cheminement vers cette rencontre qui se tient à Loyola du 6 au 21 mai.
Fin décembre 2021, le centre spirituel du Châtelard près de Lyon accueille une bonne quarantaine de jésuites élus parmi les quelques 400 de la Province EOF. Entre autres points à l’ordre du jour à l’occasion de cette Congrégation Provinciale, l’élection d’un Procureur. Sa mission sera double, comme l’a détaillée le P. Antoine Kerhuel sj, Secrétaire de la Compagnie : « participer d’une part à la Congrégation des Procureurs, envoyer d’autre part un rapport écrit sur l’état de la Province. Le devoir d’informer le Père Général sur l’état de la Province a été établi par saint Ignace lui-même comme l’un des trois moyens de suppléer à une trop grande fréquence des Congrégations générales. » Au terme de quelques tours de vote, mon nom sort afin d’assumer cette double mission.
Visites et rencontres
Me voici dès janvier 2022 à chercher à aménager différemment mon agenda afin de préparer ce rapport. Car il s’agit d’élargir au maximum mon point de vue personnel sur la Province, en allant rencontrer compagnons, communautés et institutions jésuites. Ce qui m’était apparu telle une tâche supplémentaire à assumer prend rapidement l’allure d’une série de rencontres passionnantes. Très vite je perçois l’enjeu d’écouter non seulement les compagnons jésuites mais aussi les laïcs et religieuses impliqués dans des missions communes.
Ainsi, un déplacement à Marseille me fera rencontrer les chefs d’établissements de centres scolaires sous tutelle jésuite, le président de JRS Marseille (Service Jésuite des Réfugiés), une responsable pédagogique du Centre Laennec, les principaux animateurs de l’église Saint-Ferréol et de la toute nouvelle Maison Montolieu, en plus des jésuites missionnés en ces secteurs. Parallèlement la communauté tout entière réunie m’offre une à deux heures de conversation autour des thèmes principaux que le P. Général désire approfondir : les progrès de la Province et ses affaiblissements depuis 2017, la pastorale des jeunes et des vocations, la réception et la mise en œuvre des Préférences apostoliques universelles de la Compagnie. Impossible ici d’énumérer toutes les régions, villes, institutions, communautés, associations, églises, mouvements ou réseaux dont cette mission m’aura ouvert les portes.
Dynamismes et faiblesses
Chaque ville ou région visitée a apporté son lot de particularités. Particularités, issues de l’histoire, d’appels reçus des évêques, du génie des hommes investis, de la magie des ententes ou alliances. Partout j’ai été témoin de dynamismes édifiants, d’inventivité hors-normes, d’investissements passionnés. Pour autant, ce tableau aux couleurs si variées s’ouvrait à mes yeux sur fond de faiblesses ou d’inquiétudes, tout autant que sur fond de forces et d’élans. Parmi les questions partagées : que deviendra l’identité de notre Établissement alors que le nombre de chrétiens diminue y compris parmi nos cadres ? Est-il envisageable que la Compagnie ferme sa communauté en notre ville ? Où trouverons-nous du soutien ignatien pour continuer une formation fondamentale si nécessaire à notre réseau ? La question des vocations à la vie religieuse est souvent apparue. Dans le même temps, me venait qu’aux débuts de la Compagnie une simple poignée d’hommes a su mettre le feu, éveiller et réveiller la ferveur spirituelle d’un très grand nombre, y compris parmi les clercs.
Au terme de ces visites, des visages si nombreux habitent ma prière. Je rends grâce pour ces missions apostoliques confiées par la Grande Église à la Compagnie de Jésus, pour ces missions initiées par la Compagnie elle-même au long de l’histoire. Et voici qu’elles se prolongent nouvellement, grâce notamment à la multitude des laïcs, amis, partenaires et collaborateurs. Assurément, les compagnons, parce que moins nombreux aujourd’hui, ne peuvent plus être en première ligne sur tous les fronts que nos prédécesseurs ont ouverts. Ne seraient-ils pas appelés, comme le propose le pape François, à initier des processus, puis à savoir se retirer une fois qu’ils sont bien engagés ? Les jésuites resteraient alors peut-être pour soutenir ou accompagner selon les circonstances, mais guère davantage. Ce qui leur permettrait de retrouver l’intuition première d’Ignace de Loyola : des hommes à la posture apostolique souple et légère.
P. Thierry Anne sj
Rédacteur en chef de la revue Christus, directeur de la Maison Magis et responsable du pôle pastoral Magis Paris.
Pour aller plus loin :
- En savoir plus sur la Congrégation des Procureurs qui se déroule du 6 au 21 mai, à Loyola.
- Accéder à la page YouTube sur laquelle seront retransmises les prières du matin.
- Accéder au site dédié à cette Congrégation des Procureurs.
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Article publié le 18 mai 2023