Transition écologique : un choix professionnel porteur de sens
De nombreux jeunes adultes ont soif de sens, notamment dans leur travail. Leur idéal conduit certains à délaisser des carrières rémunératrices pour un métier plus utile à leurs yeux. Si ces choix exigeants suscitent parfois l’incompréhension, ils sont sans doute une bonne nouvelle pour notre société. Gabrielle Pollet témoigne de son cheminement professionnel au service de la transition écologique.
D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours désiré que mon travail contribue à créer une société meilleure. J’ai du mal à identifier d’où cela vient, mais pour moi ce n’est pas possible d’envisager les choses autrement, par exemple en considérant mon métier d’abord sous l’angle de la rémunération ou du statut social.
Je crois que par ce choix, je suis bien de ma génération. Une soif de sens pousse beaucoup de jeunes adultes à changer d’orientation, par exemple en se tournant vers un métier artisanal ou social alors qu’ils gagnaient bien leur vie dans une voie plus classique. Dans mon entourage, je citerai tel ami qui se forme pour devenir directeur d’ESAT (établissements ou services d’aide par le travail), mon frère, qui a quitté un cabinet de conseil pour accompagner des personnes vers leur vocation professionnelle, ou encore des amis d’amis devenus boulangers en milieu rural. Tous sont issus d’écoles supérieures reconnues. Il me semble que cette aspiration de fond, qui coïncide avec le besoin d’ »ouvriers » pour la transition écologique et solidaire, est une bonne nouvelle pour notre époque.
Vie pro, vie perso ?
Faire une distinction entre vie professionnelle et vie personnelle m’a toujours mise mal à l’aise… comme si notre vie professionnelle n’était pas « vraiment nous ». D’une part, je suis convaincue que tous, nous pouvons contribuer à changer le monde – puisque celui-ci est fait de l’addition des choix de chacun – et que c’est dans l’activité professionnelle que ce pouvoir peut particulièrement s’exercer, puisque c’est là que nous utilisons une bonne partie de notre temps et de notre énergie. En ce sens, travailler, pour moi, c’est construire le Royaume. D’autre part, il y a à mes yeux une correspondance profonde entre ce qui nous épanouit dans notre travail et ce qui est utile au bien commun. Le monde se portera mieux si nous sommes guidés dans nos choix professionnels par ce que nous aimons.
Discernement
Quelle forme donner à cette « contribution à l’intérêt général » ? Mon discernement personnel a été tout sauf un long fleuve tranquille ! La relecture m’a aidée à voir la cohérence de mon parcours, malgré ses apparences parfois brumeuses. Je l’ai fait avec l’aide de saint Ignace de Loyola et de ses Exercices spirituels… et même de Steve Jobs, qui proposait de se retourner pour « relier les points » de notre chemin personnel et y trouver du sens a posteriori. Dans mon cas, c’est l’écologie qui a été le fil rouge, unissant mon affection pour la nature à mon besoin d’un métier dont l’utilité soit indiscutable. Quand j’ai choisi de me spécialiser en droit de l’environnement, mes études ont pris du sens ; les postes que j’ai occupés m’ont de mieux en mieux convenu, au fur et à mesure que l’écologie y prenait plus de poids.
Les retraites selon les Exercices spirituels, l’accompagnement spirituel, la Communauté de Vie Chrétienne (CVX) dont je faisais partie m’ont aidée. Deux temps forts ont soutenu mon discernement : la retraite « Jeunes professionnels » au Centre spirituel jésuite de Penboc’h (Morbihan), en 2013, et plus récemment un bilan d’orientation vocationnelle au Centre spirituel jésuite du Châtelard. Inspiré de la relecture ignatienne, ce bilan m’a donné une conscience affinée de mes talents propres et le désir de mieux les employer dans ma vie professionnelle.
Contribuer à la transition écologique
Mes changements de travail ont tous été suscités par le désir de me sentir suffisamment utile. J’ai quitté mes premières fonctions car nos propositions pour l’environnement étaient trop peu suivies d’effet. Devenue assistante parlementaire, je me suis sentie vraiment à ma place, dans un métier au service de l’intérêt général. La quête d’utilité m’a poussée, au bout de deux ans, à travailler pour un autre député, à l’engagement écologique plus fort.
Aujourd’hui, ma fonction de responsable de la transition écologique pour les jésuites m’enthousiasme profondément. Elle répond à ma soif de contribuer à la transition de manière encore plus tangible. J’accompagne les jésuites dans l’évolution de leurs pratiques et modes de vie, depuis l’alimentation jusqu’à la rénovation énergétique des bâtiments. Je suis aussi au service des institutions du réseau jésuite, y compris les établissements scolaires. Nous avançons pas à pas car le chantier est vaste !
Je me réjouis que la Compagnie de Jésus ait choisi de s’engager sur le chemin de la conversion écologique, par l’adoption des Préférences Apostoliques Universelles. Les chrétiens ont un rôle important à jouer dans cette transition, pour « faire leur part », mais aussi pour accompagner leurs contemporains sur ce chemin pour lequel l’espérance est vitale.
Gabrielle Pollet
Responsable de la transition écologique pour la Province EOF
Pour aller plus loin
- Consulter les fiches Ecojesuit
- « Entre foi, mode, économie, politique et gestes du quotidien, une vie écologique », écoutez le témoignage qu’a donné Gabrielle Pollet dans le podcast « Commune conversion » diffusé sur RCF.
- Cet article a paru dans la revue Échos jésuites (printemps 2022), la revue trimestrielle de la Province d’Europe Occidentale Francophone. L’abonnement, numérique et papier, est gratuit. Pour vous abonner, merci d’envoyer votre mail et/ou votre adresse postale à communicationbxl [at] jesuites.com.
- Découvrir la Préférence Apostolique Universelle des jésuites : « Travailler avec d’autres pour la sauvegarde de notre Maison commune »