Le 28 août 2020, le Centre spirituel jésuite de Penboc’h, nouvellement restauré, a été inauguré en présence de 150 invités. la célébration eucharistique a été l’occasion de rendre grâce pour ce qui se vit en ce lieu. L’homélie a été prononcé par le P. François Boëdec, Provincial.

 

Évangile de Saint Matthieu, 25, 1-13

Frères et sœurs, chers amis,

Visiblement, Jésus aime bien les mariages. Cela lui donne des occasions pour parler du Royaume des cieux. Comme ici, dans cette parabole, où il fonde son propos sur les pratiques et les coutumes habituelles des noces de son époque. Le marié emmenait la mariée, de la maison de son père à la sienne, mais seulement lorsque toutes les négociations étaient terminées, d’où un retard toujours possible. Et un domestique ou un proche alertait alors la famille du marié que le couple était en route. La parabole que raconte Jésus s’inscrit donc dans une réalité familière pour ses auditeurs. Pourtant, ce qu’il dit peut avoir de quoi déconcerter voire même choquer. Comment comprendre en effet cette histoire de dix filles qui sont toutes en attente d’un seul et même époux, ce qui n’est pas un modèle de fidélité ? Comment comprendre que Jésus appelle sages ces personnes qui refusent de partager leur huile ? Comment comprendre la terrible sévérité de Jésus qui ferme la porte et est ensuite sans pitié pour celles qui demandent à entrer ?  Comment concilier cela avec le cœur de l’Evangile du Christ qui est l’amour de Dieu même pour ses ennemis, et la promesse qu’il ne rejette pas celui qui vient à lui ?

En fait, cette parabole des dix jeunes filles – certaines traductions parlent de la parabole des dix vierges ou des dix fiancées – est dans la suite directe du discours de Jésus dans le chapitre précédent où il parle de la fin des temps et des signes qui l’annoncent (il est question de faux prophètes, de nations en conflit, de famines, de tremblements de terre, etc…). Jésus poursuit son propos, mais il l’oriente tout autrement, partant de cette réalité toute simple qu’est la préparation des noces. Le message est clair : il s’agit de ne pas rater le seul rendez-vous important de nos vies. Et il invite ses disciples, il nous invite, à nous tenir prêts, à ne pas nous perdre en choses inutiles, et à prévoir l’essentiel. Il s’agit en effet d’être prêt lorsque l’époux reviendra. Lorsque Dieu passe dans nos vies.

Dès lors, les dix fiancées représentent des personnes qui ont déjà répondu à l’appel de Dieu. Toutes se préparent, attendent, espèrent sa présence. C’est déjà bien, et nous pouvons souvent penser que cela suffit. Mais avec cette parabole, Jésus nous montre que cela ne suffit pas.

Et pour cela, il va se servir de cette grande opposition entre sagesse et folie qui parcourt toute la Bible et qui – nous l’avons entendu dans la première lecture – est chère à l’apôtre Paul. Qui est vraiment fou, qui est vraiment sage ? Et de quelle sagesse s’agit-il ? Ce sont des questions qui parfois peuvent nous traverser devant certaines situations de nos vies, ou les évolutions du monde. Notre parabole nous montre que les Vierges folles pensaient connaître l’heure exacte à laquelle l’Époux va arriver. Au contraire des sages, elles ont pris juste ce qu’il faut d’huile pour attendre, et puis elles ont découvert qu’il n’y en avait pas assez. Elles ont été laissées dehors non parce qu’elles étaient de mauvaises personnes mais parce qu’elles n’étaient pas préparées pour l’arrivée de l’époux. Peut-être pourrait-on dire que le défi d’être sage est finalement toujours lié à une certaine humilité et souplesse, que l’on pourrait conjuguer avec une certaine détermination et vigilance.

« Restez éveillés » : voilà en effet l’invitation qui nous est ici adressée, comme si souvent dans l’Évangile, non par peur de la venue du Seigneur, mais afin de ne pas passer à côté de lui quand il passe dans nos vies. Nous savons bien qu’il y a plein de manières d’être endormis. Les « distractions », au sens large du terme, peuvent nous tirer loin de là où le Seigneur nous espère, là où la vie de Dieu nous attend, telles les vierges folles prises dans l’instant présent sans penser au grand moment à venir. N’est-ce pas cela qui peut nous arriver quand nous nous laissons prendre par l’avoir, le pouvoir et le paraître, quelle que soit la forme, parfois bien subtile, que cela peut prendre ? Mais ce peut être plus simplement les soucis, tout ce qui occupe et préoccupe nos esprits et notre espace intérieur, et qui fait qu’il n’y a plus de place pour autre chose que nous-mêmes et nos affaires.

Frères et sœurs, mes amis, je ne sais pas si nous sommes sages ou fous de nous être lancés dans cette aventure de la rénovation de Penboc’h. D’autres en jugeront. Peut-être un peu des deux selon le point de vue que l’on adopte. Ce que je sais, – ce que nous savons –  c’est que le monde, lui, est souvent fou et manque d’huile. Ou bien, le monde, un peu comme les vierges folles, a présumé qu’il aurait assez d’huile, assez de pétrole, assez de tout. Nous pensions savoir, nous pensions pouvoir dominer les choses, être les maîtres de tout, et ainsi d’une certaine manière fixer l’heure à laquelle Dieu devrait venir. Ce que nous vivons en ces mois si particuliers, à travers notamment la pandémie du Covid et les différentes crises qui bousculent nos sociétés, nous montrent qu’il n’en est rien. La fragilité des choses, celle de nos vies, la vacuité de tant de discours et de constructions, apparaissent avec force et nous laissent désemparés, sans repère, sans lumière, sans huile pour la route.

L’huile c’est ce qui alimente et permet la lumière, et permet donc de distinguer les choses, d’y voir clair dans nos vies et ce qui nous entoure, mais l’huile, c’est aussi – nous le savons – le signe des bénédictions de Dieu pour nous. Ces huiles par exemple dont nous sommes marqués à des moments importants de la vie comme au baptême ou au sacrement des malades. Bénédictions de Dieu comme autant de signes d’affection, d’attachement, d’intérêt de Dieu pour nous. Ces bénédictions-là, ces mémoires de l’amour de Dieu pour nous, elles nous sont précieuses sur la route de nos vies.

Alors, ce que nous pouvons souhaiter, ce que nous pouvons demander à Dieu dans cette eucharistie, c’est que Penboc’h soit non seulement un lieu où chacun peut trouver l’huile de sa lampe, suffisamment pour voir clair dans toutes les nuits et clairs-obscurs de sa vie, mais aussi un lieu où il goûte les bénédictions de Dieu, où il découvre de quel amour il est aimé et à quel amour des autres il est appelé.

Il faut parfois du temps, du silence, de l’écoute, de la bienveillance pour découvrir et comprendre intimement ce que nous a dit l’apôtre Paul que « ce qui est folie de Dieu est plus sage que les hommes, et ce qui fait la faiblesse de Dieu est plus fort que les hommes » (1 Cor, 1, 25). Et pour en tirer toutes les conséquences pour sa vie. Et bien, que Penboc’h soit un lieu pour ce travail de Dieu en nous, pour rester éveillés, pour aider à discerner dans tous les enjeux et les agitations de notre cœur et du monde, ce qui est sagesse et folie, ce qui conduit à Dieu et à la vie, et ce qui conduit à la nuit.

N’est-ce pas en fait l’expérience que St Augustin que nous fêtons aujourd’hui a faite dans sa vie ? Rappelons-nous les mots qu’il prononçait, ceux d’un cœur touché par cet amour fou qu’il a découvert, un amour qui surpasse tous les autres, et auquel il s’est donné avec passion : « la mesure d’aimer Dieu, c’est Dieu même ; la mesure de cet amour c’est de l’aimer sans mesure ».

Frères et sœurs, quel que soit le point où nous en sommes de notre vie, que Dieu, par l’intercession de St Augustin, nous donne de percevoir de quel amour il nous aime et nous espère. Qu’il nous donne de ne pas nous perdre dans le superflu et l’inutile, mais qu’il nous permette d’être là, prêts, disponibles quand il passe dans nos vies. Afin que nos existences soient à jamais éclairées de la seule lumière qui vaille. Amen !

 

P. François Boëdec, sj.

Provincial

 

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