Homélie du P. Thierry Dobbelstein sj pour les derniers vœux de Vincent de Beaucoudrey, Benoît de Maintenant, Romain Subtil et Benoît Willemaers le 29 décembre 2024

Les P. Vincent de Beaucoudrey sj, Benoît de Maintenant sj, Romain Subtil sj et Benoît Willemaers sj ont prononcé leurs derniers vœux au cours d’une célébration joyeuse et émouvante le 29 décembre 2024 en l’église à Saint-Ignace à Paris. Ils étaient entourés de plus de 210 jésuites, laïcs et religieuses réunis à Versailles à l’occasion de l’assemblée de Province sur le thème de la collaboration et des vocations. Dans son homélie, le Provincial a commenté les textes du jour en lien et a témoigné de la joie de cet engagement à la lumière de la fête de la Sainte Famille. 

Chers amis,
Chers compagnons,

homélie derniers vœux église saint ignace 2024 C’est souvent dans nos familles que nous vivons les émotions les plus fortes – émotions positives mais aussi négatives. Les textes choisis pour cette fête de la sainte Famille en témoignent. Ce ne sont pas des images d’Epinal, contrairement à ce que nous laisseraient penser certaines images pieuses ou certains vitraux. Et bien entendu toute ressemblance avec ce que vivent les familles des quatre jésuites qui prononcent aujourd’hui leurs derniers vœux est purement fortuite… ou peut-être pas…

Commençons par la première lecture. Anne a enfanté et elle respecte la promesse qu’elle a faite la dernière fois qu’elle est allée au temple. Elle était désespérée, car elle n’avait pas d’enfant. Son désespoir l’a fait prononcer cette demande : « Seigneur de l’univers ! Si tu veux bien regarder l’humiliation de ta servante, te souvenir de moi, ne pas m’oublier, et me donner un fils ». Une demande articulée à une promesse : « Je le donnerai au Seigneur pour toute sa vie. » La prière devait être très instante, car le prêtre Eli était persuadé qu’elle était ivre ; il l’a invitée à aller cuver son vin ailleurs. Mais Anne a été exaucée : elle a enfanté. Désormais elle ne remonte plus au temple, mais tient sa promesse : dès que son fils sera sevré, il sera conduit au temple, pour y rester toujours, pour y être consacré au Seigneur.

Je me pose une question : pourquoi avoir tellement insisté pour avoir un enfant, si c’est pour le perdre, encore jeune, et le consacrer au Seigneur ?

Les histoires familiales des deux Benoit, de Vincent et de Romain sont certainement très diverses. Mais elles se croisent au moment où leurs parents découvrent qu’ils sont appelés à devenir prêtres et religieux. À ce moment, la question résonne : « Pourquoi avoir un enfant si c’est pour le perdre, encore jeune, et qu’il soit consacré au Seigneur ? » Tous les parents de religieux se posent cette question, dans des termes plus ou moins semblables, plus ou moins explicitement. Leur entrée au noviciat est toujours douloureuse ; cela prend ensuite du temps – pour certains toute une vie – pour trouver un élément de réponse à cette question. Il en faut de la patience et du temps pour parvenir à la réponse : « Oui cela valait la peine de donner la vie à celui qui a été consacré pour toujours au Seigneur ». Je vous souhaite, chez parents, de pouvoir dire, comme Anne, au moment où vos fils prononcent leurs derniers vœux : « À mon tour je le donne au Seigneur pour qu’il en dispose. Il demeurera à la disposition du Seigneur tous les jours de sa vie. »

Deuxième lecture. Saint Jean écrit : « Voyez quel grand amour nous a donné le Père pour que nous soyons appelés enfants de Dieu. Et nous le sommes ». « Enfants de Dieu » et « Dieu Père ». Il est frappant que ce sont les mots de la famille qui nous permettent de parler de Dieu et de sa relation aux humains. Quand un homme et une femme se marient, ils sont sacrement de Dieu. Ils nous parlent de Dieu. Ils le deviennent encore davantage quand ils deviennent parents. Non seulement ils parleront à leurs enfants de Dieu : ils leur apprendront à prier, ils les inscriront au catéchisme ; etc. Mais surtout ils seront eux-mêmes les mots avec lesquels on dit Dieu. Leurs enfants savent ce que cela signifie que Dieu est Père et qu’il aime comme une Mère, en vivant depuis les premiers moments de leur vie cette relation tendre à leur maman et à leur papa. Ce n’est pas dans un dictionnaire qu’ils découvrent la signification de « papa » et « maman », ni la signification du mot « amour ». Ce n’est donc pas dans les dictionnaires qu’ils apprennent les mots qui disent Dieu. C’est dans leur relation à leurs parents qu’ils savent ce que signifie être aimés de Dieu. Aussi, chers parents, vous êtes, sans le savoir, sans en être toujours conscients, bien responsables de la consécration de vos fils. Et sachez que nous vous en sommes reconnaissants !

Troisième lecture, l’Evangile, et donc troisième point. La vie de famille n’est pas un long fleuve tranquille. Jésus a douze ans, il s’émancipe. Tous les parents se reconnaissent dans ce récit. Dans toutes les familles il y a ces souvenirs de l’angoisse expérimentée : on a perdu un enfant, il a disparu, il a fugué. « Vois comme ton père et moi avons souffert en te cherchant ». Et quand l’adolescent répond « Comment se fait-il que vous m’ayez cherché », les parents ne comprennent pas. « Notre fils a grandi, on ne le comprend plus ! et il ne nous comprend plus, il semble ne même pas mesurer notre angoisse ». Et bien entendu toute ressemblance avec ce que vivent les familles des quatre jésuites qui prononcent aujourd’hui leurs derniers vœux est purement fortuite… à moins que… ?

derniers vœux église saint ignace 2024

De gauche à droite : Vincent de Beaucoudrey, Benoît de Maintenant, Romain Subtil et Benoît Willemaers

L’un est à Maurice, dans l’Océan indien ; l’autre est en Syrie. Les deux autres sont à Paris et Bruxelles. Quels que soient les lieux ou les missions, ils travaillent aux affaires du Père. Les modalités ou les lieux des missions de Romain, Vincent et des deux Benoît vont encore changer ; peut-être échangeront-ils même leur mission un jour. Mais ce ne sont que des modalités d’une mission unique, la mission de Dieu. Ce n’est pas leur mission, ce n’est pas notre mission ; la mission de Dieu. Comme jésuites, nous travaillons à la mission d’un autre, du Tout Autre.

Je résume :

  • Mon souhait pour vous, chers parents : que vous puissiez dire : « à mon tour je donne mon enfant au Seigneur pour qu’il en dispose ».
  • Mon remerciement pour vous, chers parents : c’est grâce à vous qu’ils ont entendu l’appel du Seigneur.
  • Mon rappel pour vous quatre : les lieux et les modalités changeront, mais la mission reste la même, c’est celle de Dieu.

P. Thierry Dobbelstein sj,
Provincial de l’EOF,
le 29 décembre 2024 à l’église Saint-Ignace à Paris

En savoir + sur la célébration des derniers vœux

Les P. Vincent de Beaucoudrey sj, Benoît de Maintenant sj, Romain Subtil sj et Benoît Willemaers sj ont prononcé leurs derniers vœux le dimanche 29 décembre 2024 en l’église à Saint-Ignace à Paris, au cours d’une célébration joyeuse et émouvante.
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À quoi correspondent les derniers vœux dans la formation d’un jésuite ?

Les derniers vœux marquent l’intégration définitive d’un jésuite dans le corps de la Compagnie de Jésus. Après une formation durant laquelle il a pu découvrir les différents aspects de la vie jésuite (une vie de religieux missionnaire ancrée dans les Exercices spirituels de saint Ignace de Loyola), le jésuite est appelé, par le Préposé Général de la Compagnie de Jésus, à exprimer les vœux de pauvreté, chasteté et obéissance, ainsi que sa plus totale disponibilité au pape pour la mission. Découvrez le sens spirituel et la portée de cet engagement ultime avec le P. Benoît de Maintenant sj, responsable du Service des Vocations.
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Article publié le 30 décembre 2024

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