Homélie du P. Thierry Dobbelstein sj, Provincial, à l’occasion de la fête de saint Ignace 2024
A l’occasion de la saint Ignace de Loyola ce mercredi 31 juillet 2024, le P. Thierry Dobbelstein sj, Provincial, a prononcé une homélie en l’église saint Ignace à Paris pour célébrer ce jour qui honore le fondateur des jésuites.
Paris est pour quelques semaines la capitale mondiale du sport, des compétitions olympiques et paralympiques. Et la fête d’Ignace tombe dans cette période. Le saint a-t-il quelque chose à nous dire au sujet de cet événement ? Bien entendu ! Ignace nous invite à trouver Dieu en toutes choses, donc aussi dans les anneaux olympiques.
Les anneaux ont beau être des cercles, ils ne sont pas fermés sur eux-mêmes mais s’entrecroisent. Fête de compétitions, sont aussi célébration de la fraternité universelle, de l’ouverture à l’autre. Quand un petit pays gagnera sa première médaille ce sera la fête du monde entier.
Quelle espérance ! A une époque où certains et certaines veulent polariser, diviser puis prétendre qu’il est impossible de vivre ensemble. Comme jésuites, comme ignatiens, nous nous engageons dans la mission du Christ, qui est une mission de réconciliation de toutes choses en lui.
Ignace aurait pu tenter une qualification aux jeux olympiques. François Xavier aurait certes eu plus de chance que lui, mais Inigo disposait néanmoins de certaines qualités propres aux sportifs de haut niveau : compétiteur prêt à affronter l’adversaire, doué d’une réelle envie de dépassement, pointilleux pour soigner les détails en vue d’atteindre l’objectif. Mais un boulet de canon passa par là sur les remparts de la forteresse de Pampelune, et après ce drame il aurait plutôt eu ses chances aux jeux paralympiques.
Ignace raconte la suite immédiate de cet événement (il y parle de lui-même à la troisième personne) : « Ceux de la forteresse se rendirent immédiatement aux Français, lesquels après s’être emparés de la place, traitèrent fort bien le blessé en se conduisant avec lui courtoisement et amicalement. Et après qu’il fut resté douze ou quinze jours à Pampelune, ils l’emmenèrent dans une litière à son domaine. » C’est la première vraie défaite de sa vie ! Bien perdre fait aussi partie du sport.
Dans ce court passage, je veux voir une discipline sportive inconnue des jeux olympiques et paralympiques : « le portage sur civière et sur longue distance de personne handicapée ». Un sport d’équipe à l’intersection entre l’olympisme et le paralympisme ! De Pampelune à Loyola, il y a 85 km (un double marathon !) et 1400 mètres de dénivelé positif cumulés. On ne fait pas cela en un jour, quand on transporte une civière ! Cet effort n’est donc pas à un détail pour les adversaires d’Inigo. Il aurait été beaucoup plus facile de laisser ce blessé mourir sur place comme cela arrive sur beaucoup de champs de bataille. Inigo est d’ailleurs resté en danger de mort jusqu’à la fin du mois de juin, bien après son arrivée à Loyola.
Avez-vous déjà songé à tout ce que nous devons à ces soldats ? Était-ce des Français ou des Espagnols alliés des Français ? – on ne le sait pas ; on sait simplement que c’était des adversaires d’Ignace – Ils ont beau être anonymes, quelle noblesse dans ces jours de marche à porter un estropié ! Sans eux, sans leurs efforts, sans cet acte aussi sportif que noble, nous ne serions pas ici réunis en ce 31 juillet. Sans eux, pas d’Exercices spirituels, pas de Compagnie de Jésus, … je vous laisse continuer la liste.
Pendant ces semaines de Jeux Paris 2024, nous espérons voir beaucoup de gestes de noblesse semblables, où les adversaires montreront le respect qu’ils ont les uns pour les autres. Les poignées de main et embrassades entre vainqueurs et vaincus sont plus précieuses que l’or des médailles.
Les Exercices spirituels nous parlent eux aussi de sport. Ils sont un entraînement pour nous aider à trouver notre centre de gravité et à le placer dans le Christ. J’aime parler de centre de gravité. Ce n’est pas que notre intelligence qui doit savoir que le Christ est notre Sauveur (l’intelligence est dans la tête, un peu trop haut) ; c’est toute notre personne, qui met sa vie, son existence, son poids dans la confiance et l’attention au Christ.
Quel lien avec le sport, me direz-vous ? Pendant les Jeux, nous supportons toutes et tous, des athlètes particuliers et des équipes particulières. Je puis mettre beaucoup d’attention et d’ardeur dans celui, celle ou ceux je supporte. Je peux faire dépendre mes émotions et mon humeur de leurs résultats. Et l’intensité de cette attention et de ces émotions me parlent de ce que pourrait être ma relation au Seigneur. Je fais le lien avec la méditation du règne dans les Exercices spirituels. Ignace nous fait imaginer un noble roi qui a toutes les qualités, celui au service de qui je m’offrirais sans hésiter ; et puis en comparaison, me faisant imaginer le Christ, roi éternel, il me fait comprendre : « Ne dois-tu pas te mettre au service du roi éternel avec le même zèle, voire bien davantage ? » Alors suis-je capable d’avoir les mêmes émotions pour le Christ que pour l’équipe que je supporte ? suis-je capable d’être transporté par le Christ, comme par une victoire de mon champion ? C’est cela placer son centre de gravité dans le Christ. Cela demande de l’entraînement, cela demande de creuser le désir et d’en demander la grâce.
De plus, mettre son centre de gravité en Christ nous parle aussi des sportifs, pas seulement de leurs supporters. Dans leur entraînement, les gymnastes ou plongeurs doivent trouver leur centre, autour duquel ils font des pirouettes. Pour les judokas, trouver leur centre, leur permet de rester sur leurs appuis malgré des forces contraires. Les uns et les autres travaillent cela à l’entraînement. Dans tous les cas, trouver leur centre est ce qui leur permet de faire confiance. Sauter d’un haut plongeoir, se jeter en arrière, debout sur une poutre, tout en sachant qu’il n’y a qu’une poutre pour la réception… cela demande beaucoup d’audace. Que d’entraînement pour oser, se lâcher et faire confiance que cela va marcher ! Ainsi en est-il pour nous quand nous plaçons notre centre de gravité en Dieu : faire confiance, parvenir à lâcher prise, et oser des gestes dont nous nous sentions incapables. Et c’est aussi beau qu’impressionnant !
Je résume en trois points :
> Il y a 502 ans des anonymes ont gagné la médaille d’or de la noblesse sportive et nous leur en sommes très reconnaissants.
> Que sont les Exercices spirituels ? un entrainement dont l’objectif est de trouver son centre de gravité et de le mettre en Christ.
> Cela permet de garder son équilibre pour affronter des défis et cela permet de faire des gestes étonnants d’audace.
Dans deux jours nous fêterons saint Pierre Favre. Dans quatre jours encore une fête, d’un autre genre : nous célébrerons une ordination presbytérale. Celle de Cédric Lecordier à Maurice.
P. Thierry Dobbelstein sj, Provincial
Fête de la saint Ignace 2024
Pour aller plus loin :
Article publié le 31 juillet 2024