« Ici, en Irak, on revit grâce à la fraternité » – témoignage du P. Antoine Paumard sj
Directeur de JRS Irak, le P. Antoine Paumard sj répond aux questions de la rédaction de Mains nues, la revue de l’association Aux captifs la libération. Vivant en contexte de guerre, il aborde notamment le sujet de la fraternité universelle et invite à oser la rencontre.
« Tous frères et sœurs », sujet de notre dossier, est aussi le titre de l’encyclique du pape François : Fratelli tutti. Concrètement comment JRS vit cette invitation en lrak aujourd’hui ?
Après quelques mois en lrak, dans un contexte de guerre ou de suite de la guerre, avec des musulmans et des chrétiens, qu’avez-vous appris ou réappris sur la fraternité ?
P. Antoine Paumard sj : « C’est un peu bête, mais déjà dans nos bureaux, nous sommes une douzaine de salaries issus de tous les horizons : des hommes, des femmes, des musulmans sunnites et chiites, des chrétiens chaldéens, syriaques ou catholiques… Ce qui nous avons en commun c’est la fraternité blessée. Parmi nous, les deux expatriés mis à part, tous ont dû fuir à un moment ou à un autre. Et nous apportons notre soutien à ceux qui souffrent. Et c’est ce que j’apprends : la fraternité peut toujours renaitre. Le postulat pour ces personnes-là, C’est vraiment « continuons de donner une chance à cette fraternité », c‘est le seul horizon pour vivre une vie vivable. Avant d’être ici, je n’avais jamais autant associé fraternité et résurrection. Ici, on revit grâce à la fraternité. Et un mot fort pour les Irakiens, c’est l’espérance parce qu’elle manque cruellement. Ici, a JRS lrak, nous participons à la reconstruction de la fraternité, c’est réel. »
Pour grandir en fraternité en ce temps de Noel, a quoi nous invitez-vous, que nous soyons donateurs, bénévoles, salariés, volontaires, ou accueillis des Captifs ?
P. Antoine Paumard sj : « Je trouve cette question géniale ! J’invite chacun à agir selon sa force, avec un objectif : « oser la rencontre ». Par exemple, inviter quelqu’un à ta table à Noël. Par exemple un étranger, qui vit loin de chez lui. Dans les Ecritures, c’est souvent l’étranger qui révèle le visage de Dieu. ll faut donc s’interroger : quel étranger va m’apprendre le visage de Dieu ? Par exemple, ici je suis un étranger pour les Irakiens, mais ils me sont étrangers, ce sont eux qui m’enseignent le visage de Dieu. Aux personnes seules, qui n’ont pas les moyens d’inviter, je dis qu’il faut au moins être curieux de cet étranger. Et ce n’est pas forcément l’étranger au premier degré, mais il peut s’agir d’un membre de sa famille avec lequel on est fâché. ll faut cultiver le terreau de la fraternité. Et ce terreau c’est la paix. Faire la paix, c’est mettre en premier la fraternité qu’on cherche à construire. Détruire une relation, c’est facile. Construire la fraternité, c’est beaucoup plus difficile.
Alors oui inviter à sa table et être curieux de celui qui nous semble différent participe à la paix qui nous visite à Noël. Jésus qui arrive, c’est le Prince de la Paix. Et c’est parce qu’ils ont été curieux que les bergers, comme les mages, des étrangers nous montrent Dieu et nous permettent de le rencontrer. »
> Cet interview est parue dans la revue Mains nues, éditée par l’association Aux captifs la libération.
Pour aller plus loin :
Le P. Antoine Paumard sj est l’ancien directeur de JRS France. Depuis septembre 2022, il est directeur de l’antenne de JRS en Irak. L’équipe de 150 salaries apporte un soutien psychologique, éducatif et matériel aux Yézidis et aux chrétiens de Qaraqosh.
- Découvrir le numéro de décembre de la revue Mains nues de l’association Aux captifs la libération.
- Accéder au dossier spécial des jésuites « Fêter Noël ».
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Article publié le 4 janvier 2023