IHS : le blason de la Compagnie de Jésus
Le monogramme IHS qui représente le nom de Jésus est parfois interprété de plusieurs manières, et notamment en latin comme Iesus Hominum Salvator. Mais que signifie-t-il véritablement ? Et, en fin de compte, est-il si jésuite que cela ?
En réalité il s’agit d’une abréviation en trois parties du nom de Jésus, dans laquelle le I et le H sont les premières et le S la dernière lettre du nom écrit en grec IH-SOUS. Le H est la lettre grecque ETA et se prononce E, ce qui est important pour identifier les lettres du monogramme. Souvent un petit trait horizontal surmonte les trois lettres indiquant qu’il s’agit bien d’une abréviation. Plus tard la lettre centrale deviendra même une croix.
Le premier monogramme pour désigner Jésus ne s’est pas inspiré du nom de Jésus, mais bien de son titre de majesté « Christus » abrégé en XP.
La lettre grecque X est notre C et le P la forme grecque de notre R. Ces deux lettre XP représentent donc le mot « Christos », en français: l’Oint du Seigneur, le descendant de David élevé par Dieu à la dignité royale. Le monogramme du nom de Jésus ne comportait d’abord que deux lettres IS, la première et la dernière : IesuS. Bientôt dans les icônes byzantines apparaissent les formes IC et XC, toujours utilisées aujourd’hui dans l’Eglise orthodoxe sur les icônes du Christ.
Vers le début du XIIIe siècle dans l’Occident latin, mais sous l’influence grecque, les deux abréviations de Jesus et Christus marquaient les figures de Jésus. Dans les fresques des églises rupestres de l’Italie méridionale on trouve des compositions de trois lettres: IHC XPC. La lettre grecque C se transforme en un S latin. On en arrive ainsi au monogramme IHS. Celui-ci est souvent utilisé dans la confection des hosties pour l’eucharistie, ce qui explique sa large diffusion.
Dans le nord de la France on écrivait le monogramme en lettres gothiques minuscules « ihs ». On comprend facilement que la ligne verticale du « h » en traversant le petit trait horizontal indiquant qu’il s’agissait d’une abréviation s’est bien vite transformée en forme de croix. L’habitude a continué à s’imposer lorsqu’on écrivit l’abréviation en lettres majuscules. A la fin du moyen-âge la dévotion au nom de Jésus a élargi l’usage de l’abréviation bien au-delà du modèle pour la confection des hosties.
Saint Bernardin de Sienne, dans ses missions populaires et ses prédications, faisait usage de tablettes de bois portant le monogramme de Jésus. A la fin de sa prédication il les élevait pour bénir la foule qui à genoux adorait le nom de Jésus. Il parvint même à convaincre la commune de Sienne à remplacer les armoiries de la ville par le symbole de Jésus entouré du soleil. Plusieurs de ces tables de bois ont été conservées. L’une d’elles se trouve en l’église Sainte Marie de l’Aracoeli à Rome, près du Capitole. Les tables et les innombrables reproductions du blason de Sienne présentent le monogramme de Jésus écrit en lettres gothiques minuscules surmontées du tiret transversal qui indique qu’il s’agit d’un monogramme.
Celui-ci ornait, par exemple, l’entrée du Collège Sainte Barbe de l’Université de Paris, où saint Ignace de Loyola a certainement pu l’admirer et ensuite l’adopter, augmentant ainsi sa diffusion. En effet le fondateur de la Compagnie de Jésus l’a utilisé fréquemment au début de lettres importantes et dans d’autres écrits. Il l’a fait imprimer au frontispice de publications importantes, par exemple dans la première édition du livre des Exercices Spirituels et finalement dans le blason de l’Ordre des jésuites.
Dans l’usage qu’en fait saint Ignace un autre élément est venu s’ajouter. En effet dans l’espace circulaire qui entoure le monogramme et la croix, le bas de l’ensemble restait vide aux yeux d’un observateur attentif à la beauté des lignes. Saint Ignace y était très sensible et inventa de remplir cet espace par des signes symboliques.
Pour le sceau de la Compagnie il choisit la demi-lune, flanquée de deux étoiles. Le symbolisme en est clair. Par rapport au Christ, Notre-Dame est la lune et les étoiles sont les saints. En général sous les trois lettres IHS se trouve un symbole marial.
Par exemple, sous le blason de la première page de la première édition latine des Exercices Spirituels, se trouve un lys stylisé, symbole indubitable de la Vierge.
Le fait que finalement dans le sceau de la Compagnie de Jésus on ait inséré les trois clous de la croix, pour en faire le sceau définitif a lui aussi une histoire. Souvent les trois clous évoquent un coeur transpercé. On pense au cœur de Marie, qui fait sienne la Passion de Jésus. Par la suite on s’est contenté des clous sans le cœur.
Dans la chapelle palatine impériale de Constantinople on vénérait d’abord les quatre clous de la crucifixion. Vers la fin du XIIe siècle pour la première fois dans les crucifix d’Allemagne méridionale, sans doute sous l’influence du Saint-Suaire vénéré à Turin et sur lequel les deux pieds du crucifié sont fixés par un seul clou, on se limite à représenter trois clous, comme depuis le XIIIe siècle, on le note dans tout l’Occident. Depuis le temps de saint François d’Assise les voeux de religion sont au nombre classique de trois: pauvreté, chasteté, obéissance.
On en conclut que les trois clous du sceau de la Compagnie sont considérés comme l’expression des trois vœux. Le disciple de Jésus, qui veut suivre son Seigneur crucifié, se laisse clouer à la croix par les trois vœux.
Homélie du pape François à l’occasion de la fête de saint Ignace de Loyola le 31 juillet 2013
Notre blason à nous, jésuites, est un monogramme, l’acronyme de Iesus Hominum Salvator (ihs). Chacun de vous pourra me dire : nous le savons parfaitement ! Mais ce blason nous rappelle constamment une réalité que nous ne devons jamais oublier : la place centrale du Christ pour chacun de nous et pour toute la Compagnie, que saint Ignace voulut précisément appeler « de Jésus » pour indiquer le point de référence.
Du reste, même au début des Exercices spirituels, il nous place face à notre Seigneur Jésus Christ, à notre Créateur et Sauveur (cf. ee, 6). Et cela nous conduit, nous jésuites et toute la Compagnie, à être « décentrés », à avoir devant nous le « Christ toujours plus grand », le Deus semper maior, l’intimior intimo meo, qui nous fait sortir de nous-mêmes en permanence, qui nous conduit à une certaine kenosis, à « sortir de notre amour, de notre volonté et de notre intérêt » (ee, 189).
Pour nous, pour nous tous, cette question n’est pas évidente : le Christ est-il le centre de ma vie ? Est-ce que je place vraiment le Christ au centre de ma vie ? Parce qu’il y a toujours la tentation de penser que c’est nous qui sommes au centre. Et quand un jésuite se met lui-même au centre et non pas le Christ, il commet une erreur. Dans la première lecture, Moïse répète avec insistance au peuple d’aimer le Seigneur, de marcher dans ses voies, « parce qu’Il est ta vie » (cf. Dt 30, 16.20). Le Christ est notre vie ! À la place centrale du Christ correspond aussi la place centrale de l’Église: ce sont deux feux que l’on ne peut séparer: je ne peux pas suivre le Christ sinon dans l’Église et avec l’Église. Et dans ce cas également, nous, jésuites, et l’ensemble de la Compagnie, nous ne sommes pas au centre, nous sommes, pour ainsi dire, « déplacés », nous sommes au service du Christ et de l’Église, l’Épouse du Christ notre Seigneur, qui est notre Sainte Mère l’Église hiérarchique (cf. ee, 353).
Être des hommes enracinés et fondés dans l’Église : c’est ainsi que nous veut Jésus. Il ne peut pas y avoir de chemins parallèles ou isolés. Oui, des chemins de recherche, des chemins créatifs, oui, cela est important : aller vers les périphéries, les nombreuses périphéries. Cela exige de la créativité, mais toujours en communauté, dans l’Église, avec cette appartenance qui nous donne le courage d’aller de l’avant. Servir le Christ, c’est aimer cette Église concrète et la servir avec générosité et dans un esprit d’obéissance. > Lire l’homélie dans son intégralité
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Fondateur de la Compagnie de Jésus, il est fêté le 31 juillet. Il est l’auteur des Exercices spirituels, fruit de son désir d’aider les âmes pour “chercher et trouver Dieu en toute chose”. > Voir le dossier
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Article publié le 29 septembre 2011