Inauguration d’une plaque honorant trois jésuites à Bordeaux
Trois pères jésuites formés au noviciat de Bordeaux au XVIIIe siècle seront mis à l’honneur le 14 novembre lors d’une journée internationale d’études puis le 16 novembre, avec l’inauguration d’une plaque commémorative à Bordeaux en face de l’église Sainte-Croix : ils furent à l’écoute des Premières Nations d’Amérique.
Dans une Europe du XVIIIe siècle dont la culture, l’agriculture et l’économie sont bouleversées par les nouveautés venues des Amériques, trois jésuites aquitains décident de traverser l’Atlantique pour vivre parmi les Premières Nations. Les œuvres qu’ils ont laissées, ont marqué l’histoire culturelle et scientifique du Québec, du Canada, des États-Unis et des Peuples premiers, par leur description de leurs us et coutumes et leur transcription scrupuleuse des langues des Anciens
Les 14 et 16 novembre, des professeurs de diverses universités en France, au Canada et en Suisse revisiteront la figure et les apports de ces jésuites comme sources de références scientifiques : Pierre-François Pinet sj (Périgueux 1660 – Missouri 1702), auteur d’un dictionnaire manuscrit français-miami daté de 1696, qui a vécu 9 ans parmi les Illinois ; Joseph-François Lafitau sj (Bordeaux 1681-1746), précurseur de l’anthropologie sociale comparative, envoyé en Nouvelle-France où il vit 7 ans parmi les Iroquois de Kahnawà:ke, et auteur de Mœurs des sauvages amériquains comparées aux mœurs des premiers temps, dont on fête le tricentenaire de la publication en 2024 ; Jean-Baptiste de La Brosse sj (Jauldes 1724-Tadoussac 1782), auteur du premier livre en langue autochtone imprimé au Canada (Montréal, 1767), charentais d’origine qui vécut 28 ans parmi les Abénaquis, les Micmacs et les Innus du Québec.
Le Père Joseph-François Lafitau sj, en particulier, est considéré comme un précurseur pour son apport à l’ethnologie. Pour la première fois, un penseur du XVIIIe aborde et place les cultures autochtones sur un même plan que la culture académique gréco-latine. Il est le premier à décrypter une société matriarcale, ses solidarités, ses prises de décisions collectives. Il s’insurge contre la vente d’alcool aux autochtones, décrit le système des « trois sœurs » (permaculture) et, plus anecdotique, fait découvrir l’ogarita (« blé fleuri » ou popcorn). Immédiatement traduit en hollandais, en allemand et en anglais, le P. Lafitau est largement diffusé en Europe et est toujours, de nos jours, plus étudié à l’étranger qu’en France où l’expulsion des jésuites le condamne à l’oubli. Il est pourtant cité par Rousseau et Voltaire. Inconnu à Bordeaux, sa ville natale, il a établi une nomenclature qui est toujours utilisée de nos jours par les ethnologues du monde entier en anthropologie sociale comparative.
Le « Tricentenaire Lafitau » a reçu de l’Unesco le label officiel de la « Décennie internationale des langues autochtones 2022-2032 ».