L’éducation à l’intériorité à l’école primaire
A Toulouse, l’établissement jésuite tente une éducation à l’intériorité dans les classes primaires. Cela commence par la mobilisation des éducateurs accompagnés du P. Xavier Nucci sj.
L’intériorité est une de ces valeurs qui permet de prendre conscience de sa personnalité, d’apprendre à regarder, observer, admirer, de « sentir et goûter les choses intérieurement », de remercier, de pardonner, de dépasser l’immédiateté perceptible. Elle permet à chacun de se déconnecter des sollicitations immédiates du monde pour se retrouver seul à seul avec lui-même, se créer un espace et un temps pour le repos, le rêve, l’imagination, la réflexion, la prière.
Mobilisation des équipes éducatives
Constatant que bien des enfants fonctionnaient sur le registre de l’extériorité (d’où manque d’attention, difficultés de réflexion, difficultés de mémorisation…) l’équipe éducative de notre école, enseignants, personnel d’éducation et administratif ainsi que l’APS (Animatrice en pastorale scolaire), a commencé à réfléchir sur ce thème de l’intériorité.
Pour faire vivre aux enfants des exercices développant la vie intérieure, il fallait vivre, nous adultes, des expériences personnelles. Nous avons donc pris des temps réguliers pour nous déconnecter des sollicitations immédiates, pour créer des espaces, pour contempler, admirer, inventer, rêver, échanger.
Intériorité et éducation
« L’intériorité est l’une des fins souveraines de toute éducation. Elle est l’auto-reconnaissance de soi, l’émergence de la conscience au cœur de la condition humaine ; elle est la clé de l’identité personnelle, celle qui s’exprime d’abord dans la transparence à soi, et dans la lucidité des choix de liberté. Le service d’une telle finalité engage, plus que sa fonction, la personne même de l’éducateur ». Mgr Jean Honoré
Des thèmes
Chaque année, nous choisissons un thème qui est notre fil conducteur. L’intériorité dans l’école se vit à travers ce thème, chaque adulte le faisant vivre aux enfants dans sa classe avec sa propre personnalité : par exemple, ma maison, cultiver son jardin intérieur, les cinq sens, la tête et les jambes, les émotions, le jeu.
La pratique d’une éducation à l’intériorité peut se vivre à différents niveaux et sous différentes formes. Par la médiation du corps, il y a plusieurs manières d’arriver à une certaine intériorité. Cette année, les enseignantes n’hésitent pas à proposer des « pauses bienfaisantes » qui favorisent le rétablissement d’un équilibre intérieur.
On peut aussi prendre le temps de l’écoute attentive d’un morceau de musique et exprimer son ressenti, vivre un dialogue contemplatif autour d’une œuvre d’art, d’un texte choisi.
Ces exercices permettent aux enfants d’éprouver des émotions et de les exprimer, apprendre à les formuler tout comme ses pensées, ses sentiments. En encourageant ainsi l’enfant à exprimer ses sentiments et émotions, en accueillant ses déclarations et en partageant celles des autres, on contribue à l’aider à prendre davantage conscience de son « moi-intérieur », expression unique, originale et personnelle.
Des bienfaits
Depuis quatre années que nous ouvrons des pistes de réflexion sur les enjeux de l’intériorité dans l’éducation et que nous les mettons en œuvre, nous constatons que les enfants sont davantage réceptifs, reviennent au calme plus rapidement, obtiennent de meilleurs résultats, et arrivent à exprimer leurs émotions (d’où moins de conflits, etc.).
Le fait de donner aux enfants la possibilité de se retrouver avec eux-mêmes leur permet aussi de mieux vivre ensemble. Ils apprennent à réfléchir et enrichissent leur pensée (la richesse des dialogues contemplatifs est à chaque fois étonnante).
Les difficultés pointées aujourd’hui sur la dispersion et l’agitation peuvent être liées à ce manque de retour à soi, source d’équilibre et d’épanouissement. Il est donc essentiel de revaloriser chez les élèves « l’homme intérieur » et de travailler concrètement à l’éducation de l’intériorité !
C’est d’abord parce que nous enseignants, éducateurs, serons réellement convaincus des bienfaits et enjeux de l’intériorité et que nous en vivrons, que notre pratique éducative en la matière s’en trouvera motivée et orientée.
Danièle Granry
Directrice de l’École Le Caousou, Toulouse
> Pour aller plus loin :
Article de Xavier Nucci, sj « Sentir et goûter »,
dans le Hors Série Christus, HS 230, « La pédagogie ignatienne »
Article publié le 31 mars 2012