Intervention du P. Étienne Grieu sj, pour le 50è anniversaire des Facultés Loyola Paris
Le 26 janvier 2024, les Facultés jésuites de Paris ont fêté son cinquantième anniversaire et le lancement d’une année jubilaire. Dans son discours, le P. Étienne Grieu sj, recteur, rappelle ce qu’était l’institution jésuite il y a 50 ans et ce qu’elle est aujourd’hui. Il explique ensuite les enjeux d’un nouveau nom et d’une nouvelle devise pour les Facultés jésuites, désormais appelées « Facultés Loyola Paris ».
Merci beaucoup Thierry, pour cette fierté que tu exprimes, et aussi pour cette invitation à trouver le juste ton pour fêter cet anniversaire.
Alors oui, le Centre Sèvres fête ses cinquante ans ! En cinquante ans, que de chemin parcouru, et surtout quel travail de formation effectué ! Quand on écoute ce que disent ceux qui ont présidé à la fondation du Centre Sèvres, quand on regarde les premiers programmes, on mesure la croissance, mais on voit aussi que les fondations qui ont été posées en 1974 étaient solides. Car dans son ADN, le Centre Sèvres est bien resté le même : c’est toujours un lieu de formation où des futurs acteurs de l’Eglise et de la société, bien différents entre eux, travaillent ensemble ; où l’on se laisse guider par l’inspiration ignatienne à la fois dans la pédagogie, mais aussi, souvent, dans les contenus des enseignements ; où l’on s’appuie sur la grande tradition de l’Église, une tradition vivante qui se reformule à chaque génération et que chacun peut habiter personnellement. Où l’on se laisse interroger par les questions des philosophes. C’est un lieu où, je l’espère, on apprend à apprendre ; pas seulement apprendre, comme s’il fallait accumuler énormément de savoirs qui donneraient réponse à presque tout. Non : apprendre à apprendre. En lisant la Parole de Dieu, en travaillant les grands classiques, en philo et en théologie, en se laissant toucher par les questions actuelles ; et aussi en écoutant les autres, y compris ceux qui parlent difficilement. Voilà peut-être ce qui est le plus précieux pour un ouvrier apostolique : avoir appris à apprendre de tous, pas seulement des sages et des intelligents, mais aussi des tout petits.
Alors en cinquante ans, combien d’heures de cours, de séminaires, combien de conférences, de débats et de colloques ? Combien d’enseignants ? Combien d’étudiants, combien d’auditeurs, combien de personnes renouvelées dans leur manière d’aborder le mystère du Christ et d’ouvrir les Écritures ? Combien de transformations dans les façons de regarder le monde et de l’habiter ? Combien de dissertations – rendue plus ou moins dans les temps – de mémoires, fruits de profonds labours dans les livres et les idées, combien de thèses, lieu de combats silencieux mais redoutables ? Combien d’amitiés, nées autour des tables de la cafétaria ? Combien d’angoisse avant un exposé ou une communication ? Combien de joie quand on a pu trouver les mots pour laisser se déployer notre espérance ? Combien de déplacements opérés, de tous côtés, chez les enseignants, les étudiants et les auditeurs ?
Combien ? Impossible de répondre à ces questions : nous sommes face à quelque chose qui nous dépasse et qu’il est vain de mesurer. Et de fait, l’essentiel de ce qui s’est passé en cinquante ans, au Centre Sèvres, s’est joué le plus souvent discrètement, dans les intelligences et les cœurs, chaque fois qu’une lumière a pu jaillir qui a permis à des hommes et des femmes d’apprécier autrement leur présence au monde et d’y reconnaître l’œuvre de Dieu. Or, c’est là le travail de l’Esprit qui appelle au rendez-vous du Royaume et qui fortifie la communion de l’Église.
Alors oui, il fallait fêter cela ! Et c’est ce que nous faisons aujourd’hui, dans un climat d’action de grâces et d’amitié fraternelle.
Mais si le Centre Sèvres d’aujourd’hui est vraiment le fils du Centre Sèvres de la fondation, pourquoi changer son nom ? C’est que, comme les habits de l’enfance s’avèrent vite trop petit, notre nom actuel est trop timide et pas suffisamment évocateur. Il nous faut un nom qui dise plus clairement qui nous sommes, ce que nous faisons, et quelle promesse nous portons.
Alors, nous profitons de cet anniversaire pour changer le nom de notre institution. Rassurez-vous cela ne s’est pas fait sur un coup de tête. Beaucoup de personnes ont été consultées, enseignants, étudiants, membres du personnel, tout cela, en lien étroit avec notre Provincial qui est notre vice-chancelier (le P. François Boëdec sj, d’abord, qui vous salue, et puis le P. Thierry Dobbelstein sj, qui a pris sa suite). Réfléchir à un nouveau nom nous a d’abord amené à revenir sur notre mission, à mettre des mots là-dessus, et cela a donné lieu à la rédaction d’une charte des facultés qui redit ce que nous voulons faire et comment nous entendons le faire. Et puis, après plus d’un an de préparation, après un beau poisson d’avril, beaucoup de consultations et de brainstorming, un nouveau nom a été choisi. Ce nouveau nom, eh bien le voici : « Facultés Loyola Paris« .
À vrai dire, ce nouveau nom, quand nous l’avons choisi, a très vite fait l’unanimité : car il dit bien quels sont les piliers de notre identité.
D’abord l’ambition universitaire. « Facultés » dit clairement ce que nous faisons ici, qu’il s’agisse d’enseignement ou de recherche, à un niveau d’excellence reconnu par le monde académique en France et à l’international. Ce qui ne nous empêche pas de viser une excellence selon l’Évangile ; c’est-à-dire qui ne concerne pas qu’une élite, mais permet à chacun et chacune d’aller le plus loin possible.
Ensuite notre ADN jésuite. « Loyola » renvoie à la source qui est la nôtre : Ignace de Loyola, le fondateur de la Compagnie de Jésus. Le chemin qu’il a ouvert continue de nous inspirer, dans notre pédagogie, dans notre manière de poser les questions. Cet ADN est aussi une responsabilité : savez-vous que les Facultés Loyola Paris sont l’un des principaux centres de formation pour la Compagnie de Jésus dans le monde ?
Chaque année plus de 100 étudiants jésuites de près de 40 pays différents sont envoyés par leurs supérieurs provinciaux, pour suivre leur formation ici.
Avec « Paris », il nous a semblé évident qu’il fallait signaler clairement où notre institution se trouve : c’est la ville où Ignace posa les fondements de la Compagnie de Jésus au XVIème siècle, avec ses compagnons. Et aujourd’hui encore, c’est une capitale culturelle et sa notoriété nous porte.
C’est là notre troisième pilier : l’ouverture internationale. Aujourd’hui, la moitié de nos étudiants vient d’un autre pays. Une chance et un défi tout à la fois ! Plus largement, nos Facultés s’intègrent dans le réseau des universités jésuites présentes dans plus de 50 pays avec près de 800 000 étudiants. On y trouve plus de 30 institutions qui ont « Loyola » dans leur nom : aux États-Unis, en Inde, au Congo, en Espagne… Voilà qui nous situe clairement dans un charisme partagé au niveau mondial.
Et le logo ?
Peut-être d’abord un écho à l’ancien logo, avec ces ailes déployées qui convergent pour former une croix. Mais bien sûr, cet homme en marche, c’est le pèlerin auquel Ignace s’identifie dans son récit. Ce pèlerin qui est passé, notamment par Paris pour y étudier. Une personne en chemin, voilà peut-être aussi ce que signifie étudier : se mettre en route, entrer dans une dynamique qui conduira sans cesse vers de nouveaux horizons. Voilà la promesse que nous vous faisons, chers étudiants, auditeurs chers amis qui fréquentez cette maison.
Cette promesse se retrouve également dans notre nouvelle devise : là, c’est saint Paul qui l’exprime, dans son épître aux Galates : « Vous avez été appelés à la liberté » ; voici une certaine vision de la liberté, qui ne se cherche pas tout seul, et encore moins contre les autres, mais qui est le fruit d’une relation, d’un appel, et d’un appel de Dieu. Et le pluriel (appelés) indique que cette liberté se trouve avec les frères et sœurs qui nous sont donnés en Christ.
Nous voilà bien équipés pour affronter les nouveaux défis et travailler sur les chantiers nouveaux. J’en mentionne simplement quatre :
- Continuer à bien structurer notre offre de formation pour qu’elle soit cohérente et qu’elle réponde aux besoins d’aujourd’hui. Notamment :
- enraciner sa foi dans une grande tradition
- affronter un changement d’époque (regarder en face cette réalité mouvante qu’est le monde d’aujourd’hui)
- chercher de justes manières d’être (pour nous situer, justement, dans cet environnement pas facile).
- Continuer d’étoffer une offre de formation en ligne, afin de toucher un public plus large que les habitants de la région parisienne.
- Former nos étudiants qui sont plus spécifiquement orientés vers l’enseignement (étudiants, donc, de 2e et 3e cycle) non seulement aux contenus académiques, mais aussi à la pédagogie que nous mettons ici en musique (c’est là une demande explicite des instances romaine de la Compagnie de Jésus).
- Acquérir de plus en plus une dimension européenne (dans le recrutement des enseignants et dans la gouvernance des Facultés Loyola Paris).
Ce qui est sûr, en tout cas, c’est que les Facultés Loyola Paris ne peuvent pas exister sans vous : ce sont tous ceux qui les fréquentent et y travaillent qui lui donnent sa consistance. Alors merci beaucoup pour votre présence ce soir, merci beaucoup pour votre implication, quelle qu’en soit la forme, dans les Facultés Loyola Paris !
Nous allons maintenant écouter le Supérieur général des jésuites, le P. Arturo Sosa sj, qui nous fait l’honneur de s’adresser à nous en ce jour spécial, avant de venir, en personne inaugurer la prochaine année académique en donnant la conférence inaugurale, le 16 septembre prochain.
En savoir + sur les 50 ans du Centre Sèvres :
> « Facultés Loyola Paris : un nouveau nom pour une identité forte »
Dans la presse
- « Le Centre Sèvres devient Facultés Loyola Paris » : reportage de KTO du 27/01/24
- « Le Centre Sèvres change de nom mais pas de vocation » : article de La Vie du 26/01/24
- « Quand la théologie change la vie : au Centre Sèvres, une pédagogie à l’écoute du monde » : article de La Croix du 26/01/24
- « Étienne Grieu, recteur du Centre Sèvres : « Nous sommes un laboratoire d’idées » » : article de La Croix du 26/01/24