Interview du P. Thierry Dobbelstein sj, Provincial, à l’issue de la visite du Père général dans la Province
Suite à la visite du P. Arturo Sosa sj, Supérieur général des jésuites dans le monde, le P. Thierry Dobbelstein sj, qui l’a accompagné tout au long de ces huit jours, partage ses impressions.
Qu’est-ce qui vous a marqué à l’occasion de la visite du Père général ?
Le Père général est venu découvrir notre Province, rencontrer les hommes et les femmes qui font vivre nos institutions et découvrir ce qui se vit en France et en Belgique. Il a été très à l’écoute et, lors de ses prises de parole, il a tenu à souligner l’importance de la collaboration : jésuites et laïcs, nous sommes toutes et tous collaborateurs de la mission du Christ. Avant de faire des distinctions entre des états de vie, il s’agit de nous inscrire chacun et chacune dans une mission qui nous dépasse, qui n’est pas la nôtre et qui nous rappelle humblement que ce n’est pas nous qui en garantissons la réussite. Cela nous invite à la fois à l’humilité et à une grande liberté intérieure. Et cela doit nous délester de certaines tensions, d’une certaine pression que nous voudrions nous mettre et qui n’a pas lieu d’être.
Je retiens aussi son passage à Paray-le-Monial ; c’est le Père général qui avait expressément demandé de visiter ce lieu. Il a été marqué dès son enfance par la dévotion au cœur de Jésus, très profonde dans sa famille : sa mère s’appelait Marguerite-Marie et il a étudié au collège du Sacré-Cœur en Argentine. On peut dire que c’était un retour aux sources pour lui.
Le programme que l’équipe provinciale lui a préparé offrait la vision la plus large de nos institutions et de nos collaborations. Des tours HLM de la communauté jésuite de Saint-Denis à l’Eucharistie célébrée à Saclay avec des étudiants de grandes écoles, du collège Matteo Ricci à la forte mixité sociale à la bibliothèque des Bollandistes (institution multiséculaire de Bruxelles), des jeunes jésuites en formation à Paris aux compagnons très âgés de la Colombière à Bruxelles, la différence de contexte et de public a été partout frappante ! Nous sommes présents à toutes ces réalités. Ces contrastes montrent que notre Province jésuite n’est pas un monolithe, parce que le Christ veut être partout. Notre mission, qui est de réconcilier toutes choses en Christ, nous invite à être en contact avec ces réalités et des personnes si diverses. Loin de se replier sur une réalité très étroite, la Compagnie de Jésus cherche sans cesse à élargir notre regard à plus large que la réalité que nous pouvons percevoir, aujourd’hui, là où nous nous trouvons.
Qu’est-ce qui a touché le Père général ?
Sa visite a été très dense et beaucoup de moments l’ont marqué. Je citerai notamment la soirée passée à la communauté jésuite de la rue Blomet à Paris. Il a été très touché par l’intensité des cinq témoignages de compagnons sur la façon dont ils vivaient l’interculturalité, dans une communauté accueillant 28 jésuites en formation venant de 14 provinces différentes. Ils ont évoqué la difficulté d’arriver à Paris, quand on vient de très loin, pétri d’une autre culture. C’est quelque chose d’humiliant et de très simplifiant que de ne pas pouvoir comprendre ce qui se dit ni de s’exprimer avec facilité et avec nuance. C’est goûter à la vie fraternelle qui permet de traverser les défis et qui sauve.
À Bruxelles, le Père général a été très touché par sa rencontre avec les pères âgés à la Colombière dont la première mission est de prier pour l’Église, le monde et la Compagnie. Il a rendu visite à deux compagnons en soins palliatifs qui se sont éteints, l’un et l’autre, dans les jours qui ont suivi. C’était un moment profondément émouvant qui montre aussi combien il est important qu’un compagnon puisse mourir en communauté et non dans l’anonymat d’un hôpital.
Le Père général a par ailleurs beaucoup aimé son passage au Centre Laennec Lyon puis au Coup de pouce université (CPU), qui apporte un soutien aux étudiants non francophones et à des jeunes demandeurs d’asile (les deux institutions sont voisines). Avec humour, il a relevé qu’Ignace de Loyola aurait eu besoin d’une telle institution quand il est arrivé, étudiant étranger, à Paris. Quant au Centre Laennec, ses 150 ans d’existence confirment, selon lui, pleinement la pertinence de l’intuition de départ.
Il a, enfin, été très touché par la rencontre de nombreux partenaires impliqués dans les institutions visitées, partageant la mission et le charisme ignatien. Nous avons été heureux qu’il rencontre autant de personnes qui aiment la Compagnie, partagent ses missions et son charisme. Beaucoup sont d’ailleurs venues lors des temps ouverts à tous comme à la « Messe qui prend son temps » à Paris, mais aussi à Bruxelles et à Lyon pour les eucharisties et les tables-rondes sur la collaboration au service de la mission, ou encore à Paray-le-Monial où le Père général a renouvelé la consécration des jésuites au Sacré-Cœur de Jésus. Cela nous a tous beaucoup réjouis et consolés, dans le sens ignatien du terme.
P. Thierry Dobbelstein sj,
Provincial de l’EOF