Interview du P. Thierry Dobbelstein sj, Provincial, à l’occasion de la venue du Père général

A l’occasion de la visite du P. général Arturo Sosa dans la Province mi septembre, le P. Thierry Dobbelstein sj, Provincial, aborde dans un cours entretien la perspective de cette visite et les attentes qui en découlent.

Le P. Arturo Sosa visitera la province EOF en septembre pour découvrir ses différentes réalités. Que signifie cette visite pour la Province, ses institutions et ses apostolates?

C’est un honneur d’accueillir le Père Général sept années après le lancement de notre Province EOF. Le P. Arturo Sosa nous avait déjà fait l’honneur de sa présence lors de la création de la Province en juillet 2017, à Namur en Belgique. Cette fois il aura l’occasion de découvrir différentes communautés et institutions apostoliques de la Province, de rencontrer des jésuites et des partenaires dans la mission. En accueillant le supérieur général, l’inscription de notre Province EOF, de nos institutions et communautés dans le corps apostolique universel de la Compagnie de Jésus devient plus tangible.

Pouvez-vous nous parler de l’histoire et des caractéristiques de la province EOF ? Quelles sont ses spécificités et ses missions?

Notre Province articule l’ancien et le nouveau, une tradition riche et une réinvention continuelle. Du côté de la tradition les nombreuses institutions apostoliques forment un tissu très dense. Elle est née suite au rapprochement de la Province de France avec celle de Belgique méridionale et du Luxembourg. Ces Provinces avaient leur propre réseau d’institutions scolaires, de centres spirituels, d’institutions universitaires, de centres sociaux, de revues et maisons d’éditions, etc. Elles ont eu un nombre de vocations étonnant qui a permis l’envoi de nombreux missionnaires dans le monde entier. Plusieurs Provinces et Régions en Afrique, à Madagascar et en Inde ont été fondées par les jésuites de France et de Belgique.

La Province EOF a pris le relais, avec des moyens humains plus humbles mais un vrai dynamisme. L’élargissement des frontières a permis des opportunités nouvelles : quand des compagnons sont prêts à quitter leur région ou pays d’origine, la créativité peut être démultipliée. Ces dernières années, nous avons inauguré le Centre Teilhard de Chardin (lieu de pastorale étudiante et de dialogue entre sciences et foi) au sud de Paris ; nous avons ouvert la Maison Magis (lieu de rassemblement des propositions pour les  jeunes adultes) au cœur de la capitale ; nous avons fondé le nouveau Collège Matteo Ricci dans un quartier populaire de Bruxelles et construisons un nouveau Collège à Marseille ; quant au Centre spirituel du Châtelard, près de Lyon, il se transforme en écocentre spirituel. Tous ces projets sont marqués par les préférences apostoliques universelles qui orientent la mission des jésuites dans le monde.

Les collèges jésuites de France et Belgique ont une riche tradition éducative et le P. Arturo Sosa visitera les Facultés Loyola Paris. Quelles sont les implications pour les jésuites en formation ?

Notre Province dispose d’un double réseau d’institutions scolaires : l’un en Belgique francophone et l’autre en France. Au total, 37 000 élèves (de 3 à 20 ans) sont scolarisés dans des établissements jésuites. Cela n’est possible que parce que nous avons fait confiance à des personnes laïques qui croient dans la force de la pédagogie ignatienne. Avec elles nous mesurons l’importance du travail en réseau. Il est aussi essentiel de développer des formations au leadership ignatien pour partager le trésor de notre spiritualité et notre manière de faire.

Aux Facultés Loyola Paris (ex Centre Sèvres) ce sont plus de 300 étudiants qui se forment en philosophie et en théologie chaque année, pour se mettre au service de l’Église. Parmi eux, on compte plus d’une centaine de jeunes jésuites, venant de tous les continents du monde. Aux Facultés, l’enjeu est de veiller à la qualité de la formation intellectuelle, en favorisant la cura personalis : le programme est ainsi personnalisé. Mais je mentionne aussi les dix communautés jésuites de la région parisienne qui accueillent ces jeunes jésuites : elles participent à leur formation spirituelle, apostolique et communautaire. Nous aimons parler de « formation intégrale » qui prend en compte toutes les dimensions de la personne.

La visite du P. Sosa sera l’occasion de renouveler la consécration de la Compagnie de Jésus au Sacré-Cœur. Pouvez-vous nous parler de cette dévotion au Sacré-Cœur au sein de la Compagnie de Jésus en général, et en particulier dans la Province EOF ? Comment cela résonne-t-il avec la spiritualité jésuite ?

Le P. Arturo Sosa a insisté pour passer par la ville de Paray-le-Monial, en Bourgogne, lors de cette visite de huit jours qui ne lui permettra cependant pas de visiter toutes nos communautés. Nos compagnons jésuites qui y vivent participent à l’animation du sanctuaire dédié au Sacré Cœur. Ils veillent en particulier sur la chapelle où repose saint Claude La Colombière, directeur spirituel de sainte Marguerite-Marie Alacoque.

La dévotion au Sacré Cœur rappelle d’abord la centralité de notre relation à Jésus-Christ. C’est vrai pour tout chrétien ; c’est vrai en particulier pour tout compagnon de Jésus. C’est Jésus que nous voulons connaître, aimer et servir toujours davantage. Mais il y a surtout « sa » manière de faire. Avant de vouloir faire davantage, il s’agit de se savoir et de se sentir aimé de Dieu. Jésus révèle combien le Père est miséricordieux. En faire l’expérience, nous permet de nous accepter tels que nous sommes, sans comédie, sans refouler les échecs ni les erreurs de nos vies. Ensuite, cela nous permet de nous offrir à notre tour. Le Cœur de Jésus nous immunise contre toute tendance pharisaïque. La dévotion au Sacré Cœur, confiée à la Compagnie de Jésus, est donc bien un message pour aujourd’hui et pour tous.

Quel message souhaitez-vous que la visite du Père Général mette en exergue ? Comment sa visite peut-elle inspirer notre présence et notre mission jésuite dans l’EOF ?

J’ai deux espoirs pour cette visite. D’abord que le P. Général nous aide à approfondir notre liberté intérieure pour aborder les défis d’aujourd’hui et de demain : cela demande créativité, sans être prisonniers des habitudes du passé. Les institutions sont importantes, mais elles doivent toujours rester au service de la mission du Christ.

Ensuite j’espère que cette visite suscitera des vocations : bien sûr nous avons besoin de jeunes compagnons de Jésus, qui donnent toute leur vie ; nous avons aussi besoin d’hommes et de femmes laïcs qui s’engagent pour travailler à la mission de réconciliation de toutes choses en Christ. Notre corps apostolique, fait de religieux et de laïcs, a sans cesse besoin de se renouveler et de se fortifier.

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