Jésuite en mission au Pakistan : un pays et une Église éprouvée
Le P. Marc Rastoin sj a passé un mois à enseigner à Lahore et au grand séminaire de Karachi. Il relate ce qu’il a vu au Pakistan : un pays qui subit gravement les conséquences du changement climatique, une Eglise minoritaire et isolée subissant une persécution larvée mais bien vivante par sa foi profonde… un peuple qui a besoin de solidarité et de prières.
Cet été, je suis parti un mois au Pakistan, à l’initiative du supérieur régional, le P. Juan Carlos Pallardel sj (ancien du Centre Sèvres, et mon ancien élève). Depuis 7 ans dans le pays, il est conscient de l’isolement profond de cette Église. Grâce à lui, j’ai pu en effet prendre conscience du degré d’isolement des chrétiens pakistanais : la rupture totale avec l’Inde depuis des décennies les prive de tous les bénéfices que provoquerait une ouverture de cette frontière.
Dans ce pays de 245 millions d’habitants, les chrétiens sont une toute petite minorité : 1,5 %, officiellement protégée, en pratique discriminée et menacée. Des jeunes filles chrétiennes sont régulièrement enlevées et mariées de force à des musulmans. Il y a moins de 2 millions de catholiques.
Un pays en première ligne du réchauffement climatique
Comme le monde entier a pu le voir, le réchauffement climatique a provoqué au printemps des chaleurs inouïes flirtant avec les 50° et, cet été, une mousson dévastatrice a recouvert un tiers du pays, tandis que des effondrements de terrain ravageaient les vallées himalayennes.
Présence de la Compagnie de Jésus
La Compagnie, arrivée en 1961, peine à s’implanter. D’abord, sous la tutelle de l’Australie, puis depuis environ 20 ans, du Sri Lanka, elle reste minuscule : trois compagnons à Lahore. Cependant, six jeunes sont en formation entre la fin du noviciat et la régence, tandis qu’un jeune prêtre de Karachi est entré au noviciat en 2021.
En quoi consistait mon travail ? Prévu depuis trois ans mais reporté, à cause du Covid en 2020, puis en raison de la tension politique avec la France en 2021, il a consisté en un enseignement intensif (4 heures chaque matin) au grand séminaire national de Karachi qui regroupe 92 étudiants. La chaleur intense (malgré les ventilateurs), les nuits fort courtes (chiens, sifflets et adhan à 4 h 45 du matin en raison de la proximité de cinq mosquées), le confinement de fait, ont rendu le séjour éprouvant.
Les catholiques pakistanais, une minorité au statut précaire
Mais j’ai pu, durant les jours de Lahore et chaque dimanche, puis en rencontrant, avec le P. Juan Carlos, les réfugiés chrétiens des zones inondées du Sindh à Tando-Allayar, être témoin de la piété profonde des catholiques. Alors même qu’ils avaient tout perdu ou presque (maison, travail, revenus), ils faisaient montre d’une dignité et d’une résilience forçant l’admiration.
Provenant des couches les plus pauvres de la population, longtemps cantonnés aux métiers du nettoyage, ils vivent depuis 20 ans une réelle ascension sociale, favorisée par le travail admirable des écoles catholiques animées essentiellement par des religieuses. Plusieurs jésuites britanniques m’avaient précédé ces dernières années, surtout pour des retraites.
Vivant comme sur une île, nos frères pakistanais étouffent de leur enfermement et ont vitalement besoin d’air et de paroles venues d’ailleurs.
Marc Rastoin sj (Communauté de Pais – Blomet – Saint Pierre Favre)
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Article publié le 18 octobre 2022